SNOW MICHAEL (1929-2023)
Né le 10 décembre 1928 à Toronto (Ontario), Michael James Aleck Snow fut un cinéaste, photographe, musicien de jazz, sculpteur et peintre dont la notoriété doit beaucoup à ses activités d’artiste visuel et de cinéaste expérimental. Il est mort dans cette même ville de Toronto le 5 janvier 2023.
Ce Canadien a été, comme l'Autrichien Peter Kubelka, un hôte de marque pour les cinéastes et théoriciens de l'avant-garde new-yorkaise rassemblés autour de Jonas Mekas, avec qui il a travaillé, faisant évoluer le film expérimental américain vers un minimalisme qui marque un tournant dans la manière d’envisager et de déconstruire le cinéma. Devenu une des figures de proue de ce que le théoricien P. Adams Sitney nomme, dans un article de 1969, le film structurel, Snow, comme d'autres de ses collèguesde la fin des années 1960, parmi lesquels on peut citer Paul Sharits ou Hollis Frampton, trouve, dans la grammaire du cinéma (mouvements de caméra, vitesse, granularité, répétitions, boucles), le moyen d'accéder à une abstraction cinématographique qui ne doit plus rien à la transposition de l'abstraction picturale sur pellicule telle que la pratiquèrent Hans Richter ou Walter Ruttmann dans les années 1920.
Un maître du cinéma structurel
Michael Snow entreprend des études de peinture et de sculpture (1948-1952) et éprouve un vif intérêt pour le jazz. La même année que sa première exposition personnelle, en 1956, il réalise un film, A to Z, un court-métrage d'animation. Mais ce n'est qu'à partir de 1963, lorsqu'il s'installe à New York avec son épouse, Joyce Wieland, appelée elle aussi à devenir une cinéaste expérimentale de renom, qu'il se met à suivre les projections organisées par Jonas Mekas et se découvre un véritable intérêt pour le film expérimental. Son deuxième film New York Eye and Ear Control (1964) se situe encore dans une démarche de plasticien. Après un autre essai, Short Shave (1965), Snow réalise Wavelength(1967), qui fait l'effet d'une bombe : ce moyen-métrage aura la même importance historique pour l'avant-garde nord-américaine que, en leur temps, Meshes of the Afternoonde Maya Deren et Alexander Hammid (1943) ou Anticipation of the Night de Stan Brakhage (1958).
Wavelength est constitué d'un zoom avant de quarante-cinq minutes qui se déploie dans un atelier new-yorkais, du fond de la pièce jusqu'à une photo en noir et blanc, représentant des vagues, épinglée sur le mur cible. La progression du zoom est rythmée par quatre mini-événements : deux hommes déposent un meuble, deux femmes ferment une fenêtre et boivent un café, un homme paraît et s'effondre, l'une des deux femmes téléphone. Le zoom, « personnage principal du film », est tourné en plusieurs fois et unifié au montage. Grand prix du festival spécialisé de Knokke-le-Zoute en janvier 1968, Wavelength est devenu une des œuvres expérimentales les plus montrées dans le monde. Son double pôle – mise en espace d'un paramètre filmique (le zoom) et bribes de fictions – en fera également le film le plus accessible de la future mouvance structurelle. Sa relative simplicité contraste avec la complexité de sa conception.
Snow épure sa démarche avec Back and Forth (<--->) (1969), composé d'une suite de panoramiques horizontaux et verticaux dans une salle de classe. Les événements qu'on décèle dans les premiers mouvements (quelqu'un lit, une balle rebondit…) sont effacés par la suite au profit d’images abstraites de murs balayés par l'objectif. Avec La Région centrale (1970-1971), Snow conçoit son film le plus radical. En 1969, il avait émis le désir de réaliser un « film paysagiste » qui puisse être l’équivalent, en termes cinématiques purs, des tableaux de Cézanne ou Monet. Pierre Abbeloos construit spécialement pour ce projet un dispositif[...]
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Média
Autres références
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...séjourne en 1971 aux États-Unis et fréquente assidûment l’Anthology Film Archives de New York ; là, elle découvre le cinéma expérimental de Jonas Mekas et de Michael Snow. Ce dernier influence directement son premier long-métrage, Hôtel Monterey (1972), une description fragmentaire et sans commentaire... -
CINÉMA (Cinémas parallèles) - Le cinéma d'avant-garde
- Écrit par Raphaël BASSAN
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...américain. Par ailleurs, l’apport de deux étrangers, l’Autrichien Peter Kubelka, précurseur du cinéma structurel (Arnulf Rainer, 1959-1960), et le Canadien Michael Snow, un des praticiens les plus connus de cette tendance (Wavelengh, 1967 ; La Région centrale, 1971), viendra enrichir le cinéma expérimental...