Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MÉTAMORPHOSE

L'imaginaire de la métamorphose recouvre tous les aspects de la connaissance symbolique : les mythologies, les récits sacrés, les cultes à mystères, les contes et légendes, les folklores, les rêves, les fantasmes, les inventions littéraires, etc. La métamorphose est la voie privilégiée des théophanies. Les dieux ou déesses se métamorphosent et métamorphosent les êtres mortels sous toutes les formes possibles. Mais ce n'est pas un privilège exclusif du monde divin. Certains humains manifestent le même pouvoir : sorciers et sorcières, magiciennes, enchanteurs, devins, saints... C'est également le pouvoir que possèdent les entités qui circulent entre le monde humain et divin : fées, génies, démons, anges, sylphes, elfes, farfadets, ondines, dragons, femmes-serpents... Dans ces trois cas, la métamorphose se révèle être le type privilégié de transformation qui joue dans l'intermonde reliant l'humain au divin. Elle témoigne par excellence de la réalité trouble de « daïmonique », de ses charmes, de ses oracles, de ses tentations, de ses perversions, de ses potentialités d'élévation spirituelle.

Selon que la métamorphose résulte d'un simple « charme », d'une « possession » ou d'une « destinée », ses effets sont bien différenciés, et notamment par la durée de leurs conséquences respectives : transformation passagère dans le premier cas, éternelle dans le deuxième, jusqu'à la mort et la renaissance du sujet qui en est le support dans le troisième.

La Belle et la Bête, J. Cocteau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La Belle et la Bête, J. Cocteau

Dans le premier cas, la métamorphose est souvent à effets comiques, voire franchement burlesques. Le prototype en est la transformation en âne. Mydas dans les mystères orphiques, Lucius dans les Métamorphoses d'Apulée, Bottom dans Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare en sont autant d'illustrations. Symbolisée par l'âne, la métamorphose reflète la plupart du temps le charme lié à la sexualité dans sa grossièreté têtue. On la retrouve derrière l'imagerie médiévale des roues de fortune ainsi que des réjouissances populaires où l'ordre social s'inverse (fête des fous, fête de l'âne, etc.). Ce rapport entre métamorphose et sexualité se montre bien dans la mythologie grecque, notamment par tous les récits, à la truculence inquiétante, des métamorphoses de Zeus. Mais c'est surtout dans le domaine du merveilleux que le « charme » opère ses métamorphoses : Blanche-Neige, Peau-d'Âne, la Belle au bois dormant, Cendrillon, la Belle et la Bête... Songe, prodige, féerie, charme, grâce, sortilège, enchantement, ensorcellement, ivresse, etc., ce sont là autant d'effets qu'opère la fascination du pouvoir métamorphosant d'Éros. L'humain s'y tient à la lisière du daïmonique dont il subit passagèrement les pouvoirs étranges.

Dans le deuxième cas, la métamorphose accuse un basculement de l'âme dans la transgression des limites qui définissent la condition humaine. Elle se présente comme la conséquence fatale de l'ubris (la démesure), qui peut naître autant de l'enthousiasme que du blasphème. Possession, hallucination, cauchemar, délire, souffrance morale, deuil impossible, peur panique, crise de mania ou de lyssa, autant de possibles façons pour l'humain de franchir les bornes de l'humanité, et de se confronter directement aux puissances troubles du daïmonique, au risque absolu et irréversible de se perdre dans l'animalité, dans l'immobilité du végétal, voire dans la mort glacée du minéral. Dans de tels cas pathétiques, la métamorphose n'est plus état passager. Elle précipite les puissances d'imagination de l'âme humaine dans l'infra-humain. Il faut également remarquer que nombre de métamorphoses terribles ont lieu parce qu'il y a eu de la part d'un humain consultation de l'oracle (et donc risque lié à une approche des mystères d'un[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Alain DELAUNAY. MÉTAMORPHOSE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

La Belle et la Bête, J. Cocteau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La Belle et la Bête, J. Cocteau

Autres références

  • ACTEUR

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    ...troubler la conscience de ce temps obsédé par l' illusion et par les erreurs d'appréhension du monde qu'elle suscite. Dès 1657, l'abbé d'Aubignac écrit dans la Pratique de théâtre :« L'art du comédien est d'abord celui de la métamorphose en vue d'une incarnation individualisante du personnage. »
  • MAQUILLAGE

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 5 306 mots
    • 2 médias
    ...manifestations de cette viscosité essentielle apparaît dans l'identification du sujet maquillé à la forme que représente le maquillage, même si cette métamorphose se traduit sous le concept trivial de changement de personnalité. Le maquillage devient un passeport pour un « autre état », en même temps...
  • LES MÉTAMORPHOSES, Ovide - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-François PÉPIN
    • 848 mots
    • 1 média

    Ovide, Publius Ovidius Naso (43 av. J.-C.-17 apr. J.-C.), reprend dans ses Métamorphoses un thème classique de l'Antiquité : le récit des transformations d'hommes en bêtes, en objets inanimés, parfois en forces de la nature. Le texte en est un long poème de douze mille vers, divisé en quinze livres,...

Voir aussi