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MÉKONG

Une seconde tentative d'intégration transnationale : la région du Grand Mékong

Tirant les conséquences du relatif échec de la coopération régionale conduite par le Comité international du Mékong, et du changement de la situation géopolitique dans la péninsule de l'après-guerre froide, la B.A.D. a lancé, en 1992, une initiative de coopération régionale à une autre échelle, avec d'autres objectifs et une autre méthode. Elle a proposé de fonder l'intégration régionale sur une relance des échanges commerciaux qui avaient été interrompus d'abord par la colonisation puis par des décennies de guerre. Le rassemblement des cinq pays de la péninsule dans l'Association of South East Asian Nations (A.S.E.A.N) et l'ouverture des frontières de la Chine ont permis de réunir, pour la première fois, dans ce programme transnational, l'ensemble de la région.

Si l'intitulé du nouveau programme, « région du Grand Mékong » (Greater Mekong Subregion), mentionne le fleuve, c'est à titre symbolique car il ne s'agit plus d'un projet de bassin comme le Comité international du Mékong, mais d'une vision stratégique d'intégration transnationale à l'échelle de l'Asie du Sud-Est continentale. La B.A.D. a récupéré à son profit le symbole du Mékong pour nommer son initiative, bien que le fleuve ait, depuis un siècle, plus séparé que réuni. Elle a évité ainsi le recours à des expressions géographiques comme « péninsule indochinoise », évoquant encore trop la période coloniale, ou plus neutre comme « Asie du Sud-Est continentale » qui a l'inconvénient d'écarter la Chine. De plus, en ajoutant le qualificatif « grand », elle indique que le projet dépasse de loin le seul bassin du fleuve ; il englobe en effet ceux de l'Irrawaddy, de la Chao Phraya, du fleuve Rouge et, désormais, du haut Zhujiang, la « rivière des perles ».

La référence n'est pas pour autant usurpée, car le Mékong a guidé le peuplement par les populations thaï et lao au centre de la péninsule. Les six pays riverains qui se partagent son bassin ne représentent que 31,5 p. 100 de la superficie de la région du Grand Mékong (2,570 millions de kilomètres carrés). Le poids territorial des six composantes s'en trouve profondément modifié. Le Myanmar, marginal dans le bassin du Mékong, arrive en tête (26,4 p. 100 de la superficie) et la part de la Chine a progressé, passant de 17 p. 100 avec le seul Yunnan à 24,5 p. 100 avec l'intégration du Guangxi dans ce projet régional, à la fin de 2004, ce qui lui permet de devancer désormais la Thaïlande (20 p. 100). Les autres pays du cours inférieur voient leur poids fortement minoré, passant de 25 à 9,2 p. 100 pour le Laos, de 19 à 7,1 p. 100 pour le Cambodge, alors que celui du Vietnam s'accroît légèrement de, 8 à 12,8 p. 100.

Le double élargissement, du bassin à la région du Grand Mékong et d'une à deux provinces chinoises, ne modifie pas seulement l'équilibre régional en terme démographique mais aussi économique. La région du Grand Mékong regroupe, au milieu des années 2000, 312 millions d'habitants. Les deux provinces chinoises (29,6 p. 100) se classent en tête, devançant les autres puissances péninsulaires que sont le Vietnam (26,7 p. 100), la Thaïlande (20 p. 100) et le Myanmar (16,2 p. 100). Les poids du Cambodge et du Laos sont encore minorés (4,5 et 1,8 p. 100 respectivement). Le produit intérieur brut régional, à la même période, dépasse 325 milliards de dollars et fait apparaître un tout autre rapport de forces entre les partenaires, puisque la Thaïlande arrive en tête avec 55 p. 100 de la richesse produite, creusant l'écart avec les deux provinces chinoises et avec le Vietnam (23 et 16 p. 100) alors que le Myanmar, le Cambodge et le Laos sont marginalisés (2,6, 1,6 et 1 p. 100). Le revenu par habitant permet de mieux mesurer[...]

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Pour citer cet article

Christian TAILLARD. MÉKONG [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Delta du Mékong - crédits : M. Gifford - De Wys Inc.

Delta du Mékong

Autres références

  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Dynamiques régionales

    • Écrit par Manuelle FRANCK, Bernard HOURCADE, Georges MUTIN, Philippe PELLETIER, Jean-Luc RACINE
    • 24 799 mots
    • 10 médias
    Ce projet Gange-Mékong se voulait un contrepoids à l'accord de coopération du Grand Mékong, signé en 1992 entre la Chine, pour cette même province du Yunnan, et le Laos, le Cambodge, le Vietnam, la Thaïlande et la Birmanie. Pour l'heure, la coopération économique autour du Grand Mékong progresse,...
  • CAMBODGE

    • Écrit par Philippe DEVILLERS, Universalis, Manuelle FRANCK, Christian LECHERVY, Solange THIERRY
    • 25 909 mots
    • 24 médias
    ...l'inondation recouvre pour partie les meilleures terres. Le cours du Tonlé Sap, qui récupère habituellement le trop-plein des eaux des lacs et se jette dans le Mékong, s'inverse, bloqué par les hautes eaux du Mékong. Les lacs débordent et transforment le cœur du pays en une véritable mer intérieure de 12 000...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 1995 : vers une redistribution des ressources mondiales

    • Écrit par Tristan DOELNITZ
    • 6 242 mots
    Un accord sur l'utilisation des eaux du Mékong a été signé le 5 avril à Chiang Rai, dans le nord de la Thaïlande, par quatre États riverains, la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Reprenant les objectifs du Comité du Mékong constitué en 1957 par les trois pays de l'Indochine et la Thaïlande,...
  • GARNIER FRANCIS (1839-1873)

    • Écrit par Universalis
    • 842 mots

    Officier de marine, administrateur colonial et explorateur français, né le 25 juillet 1839 à Saint-Étienne, mort le 21 décembre 1873 aux portes de Hanoï.

    Fils d'un officier militaire, Marie Joseph François Garnier, dit Francis, intègre en 1856 l'École navale de Brest en dépit de l'opposition...

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