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BLONDEL MAURICE (1861-1949)

Un combat sur deux fronts

Dans l'ensemble, l'enseignement de Blondel fut mal compris et sujet à des attaques inadaptées. Du côté philosophique, on ne voulut souvent y voir qu'une limitation de la raison par la foi. Du côté théologique, on se scandalisa de cette extension de la raison jusqu'à des problèmes qui semblaient, du reste à tort, réservés à la « doctrine sacrée ». Toutefois, dès 1893, Léon Brunschvicg reconnaissait la légitimité formelle de la position blondélienne, et le P. Beaudoin, dominicain, l'encourageait à persévérer dans son orientation. Mais, de façon générale, rationalistes et théologiens se trouvèrent d'accord pour proscrire une étude philosophique des questions que pose la religion révélée : les uns parce qu'ils n'y discernaient aucun sens ; les autres parce que ce sens ne devait se livrer qu'à la foi.

Blondel dut donc se battre sur deux fronts pour faire admettre que la raison ne se nourrit pas de sa propre clarté, car elle deviendrait une stérile pensée de la pensée, mais qu'elle tire des significations de ce qui est d'abord vécu, agi et contraint, et donc apparaît d'abord obscur. Il y a une philosophie de l'art qui ne prétend ni créer ni déduire le beau, mais qui réfléchit sur les démarches des artistes. Pourquoi n'y aurait-il pas une philosophie de la religion qui étudierait d'un point de vue formel les religions pratiquées dans le monde, en particulier le christianisme, sans vouloir les réduire à des systèmes préalablement définis ?

Loin d'être anti-intellectualiste parce qu'il organisait la philosophie autour de l'action, Blondel s'efforçait d'enrichir et d'agrandir la raison en lui rendant et son enracinement vital et sa plus haute fonction, trop méconnue alors en France. Un examen philosophique de la croyance, de la pratique sacramentelle, des notions de grâce et de révélation, par exemple, ne fait pas double emploi avec l'étude théologique, puisque les savoirs ne se distinguent pas par leurs objets matériels mais par leurs perspectives formelles.

C'est pourquoi on peut estimer que la philosophie de la religion promue par Henry Duméry est substantiellement dans la ligne blondélienne, bien que Blondel n'ait pas exploité sous cette forme systématique l'idée qu'il a lancée. Les Exigences philosophiques du christianisme, publiées en 1950, restent en deçà des objectifs que Blondel fixait aux philosophies de la religion, en 1896 dans sa fameuse Lettre... et, en 1903, dans Histoire et dogme.

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Pour citer cet article

Jean TROUILLARD. BLONDEL MAURICE (1861-1949) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APOLOGÉTIQUE

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 3 535 mots
    ...Fonsegrive, Le Christianisme et la vie de l'Esprit (1899), et Ferdinand Brunetière, Raisons actuelles de croire (1900). Il n'en est pas de même chez Maurice Blondel qui, dans la Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique (1896), fait appel conjointement à la...
  • GUITTON JEAN (1901-1999)

    • Écrit par Gérard LECLERC
    • 734 mots

    Écrivain, philosophe, auteur d'une trentaine d'ouvrages qui regardent aussi bien la philosophie que l'exégèse ou l'autobiographie, Jean Guitton s'est inscrit tout au long du xxe siècle, comme un penseur catholique, particulièrement soucieux d'établir des liens rigoureux entre...

  • IMMANENTISME

    • Écrit par Henry DUMÉRY
    • 192 mots

    Doctrine philosophique qui rejette la transcendance, c'est-à-dire l'irréductibilité de Dieu (ou bien d'un principe du réel) à ce qui relève des pouvoirs et des limites de l'esprit. Dans ce sens, Spinoza est taxé d'immanentisme ; il conçoit Dieu comme totalement intelligible...

Voir aussi