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GUITTON JEAN (1901-1999)

Écrivain, philosophe, auteur d'une trentaine d'ouvrages qui regardent aussi bien la philosophie que l'exégèse ou l'autobiographie, Jean Guitton s'est inscrit tout au long du xxe siècle, comme un penseur catholique, particulièrement soucieux d'établir des liens rigoureux entre la raison et la foi. Né dans un milieu catholique de Saint-Étienne, il ressent tout de suite, en fréquentant le lycée public, la distance que le rationalisme a creusé avec ses convictions chrétiennes. Monté à Paris, il prépare au lycée Louis-le-Grand son concours d'entrée à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Sous la double influence de Jacques Chevalier et de Léon Brunschvicg (« son contraire »), il se tourne vers la philosophie. C'est la rencontre du philosophe catholique Maurice Blondel ainsi que celle d'Henri Bergson (dont il deviendra un des exécuteurs testamentaires) qui détermineront le jeune philosophe agrégé à préparer son doctorat sur Le Temps et l'éternité chez Plotin et saint Augustin (1933). Il s'agit là de son œuvre philosophique majeure.

Pour passer du temps à l'éternité, explique-t-il, sous l'œil attentif de Brunschvicg, il faut passer « l'intervalle infini d'une création, et non seulement l'intervalle fini d'une procession, ou d'une génération ». Comme Maurice Blondel quarante ans plus tôt, dans sa célèbre thèse sur l'Action, Guitton fait ressortir la nécessité pour la raison de s'ouvrir à un ordre supérieur, qui loin de lui être contraire, accomplit pleinement ses requêtes. Vivement soutenu par Henri Bergson, sur lequel il écrira un beau livre (La Vocation de Bergson, 1960), Guitton s'intéresse également aux questions d'exégèse biblique. Il fera une première étude consacrée au Cantique des Cantiques.

Cela lui vaut une autre des rencontres décisives de sa vie. En juin 1921, il rend visite à un religieux lazariste, M. Pouget, rue de Sèvres à Paris. L'homme est devenu aveugle, mais son esprit intact, sa prodigieuse érudition dans des domaines très divers (religieux et scientifiques) en font un maître incomparable, qui débrouillera notamment pour Guitton la question énigmatique de l'exégèse scientifique. Celle-ci a mauvaise réputation chez les catholiques depuis Ernest Renan et l'éloignement du catholicisme d'Alfred Loisy, professeur au Collège de France et représentant redouté de l'exégèse rationaliste. M. Pouget connaît Loisy et ne le redoute pas. Jusqu'à la mort du lazariste en 1933, Jean Guitton va passer de longues heures dans la cellule du religieux, notant tous ses propos. Il en fera son chef-d'œuvre, Portrait de M. Pouget, paru en 1941 à Paris, alors que Guitton se trouve en captivité en Allemagne. Albert Camus saluera le livre dans un article chaleureux publié dans Les Cahiers du Sud.

À son retour d'Allemagne, en 1945, Jean Guitton poursuit sa carrière universitaire, commencée notamment avant la guerre au lycée du Parc à Lyon, où son élève le plus célèbre fut alors Louis Althusser. Une amitié indéfectible liera les deux hommes, en dépit de leurs orientations intellectuelles contraires. Guitton continue son œuvre dans trois directions : philosophique (L'Existence temporelle, pensé pendant la guerre et publié en 1949), religieuse (notamment dans le domaine apologétique, avec La Pensée moderne et Le Catholicisme, 1930-1955), littéraire enfin, où l'écrivain affirme ses dons de mémorialiste et de portraitiste (Une mère en sa vallée, 1961 ; Écrire comme on se souvient, 1974).

En 1961, Guitton entre à l'Académie française au fauteuil de Léon Bérard. En 1962, le pape Jean XXIII l'invite au IIe concile du Vatican dont il est le premier auditeur laïc. Il est, par ailleurs, l'ami personnel de Mgr Jean-Baptiste Montini, devenu pape[...]

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Gérard LECLERC. GUITTON JEAN (1901-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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