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BLONDEL MAURICE (1861-1949)

L'action et l'infini

Blondel eut très vite le sentiment que la philosophie et la foi avaient en définitive tout à gagner dans l'approfondissement du conflit qui les opposait. De sa rigueur même devait surgir la solution. Si raison et foi semblaient incompatibles, c'est qu'on s'en tenait à des oppositions artificielles sans ramener l'une et l'autre à leur pureté originelle. Si on suit la genèse de la raison, on voit qu'elle est issue de l'action intégralement prise et qu'elle s'en nourrit pour l'éclairer. Et si on cherche à saisir la religion authentique, dont la théologie n'est qu'une traduction, d'ailleurs nécessaire, c'est encore dans l'action qu'on la trouvera. Le christianisme est une vie avant d'être une théorie. L'action est donc « le lieu géométrique » où raison et religion se rencontrent et se vivifient mutuellement sans rien abdiquer de leurs requêtes respectives.

Aussi Blondel se proposa-t-il l'action comme sujet de méditation. L'action, c'est-à-dire l'homme tout entier comme synthèse en marche. Et l'étude de cette marche lui révéla une sorte de cycle. Car elle tend inéluctablement à intégrer volontairement ce qu'elle emploie spontanément et nécessairement. Elle change en fin consciente ce qui est en elle principe vécu, sous peine de se contredire et de se diviser d'avec elle-même. Dès lors, si par-delà les forces naturelles, psychiques et sociales, il est un infini au principe de l'action, celui-ci doit être restitué au terme ; c'est ce que semble manifester l'action superstitieuse qui consiste à infinitiser le fini. Mais cette présence de l'infini pose à l'action un problème qu'elle ne peut résoudre, sans réussir jamais à s'y soustraire. Car intégrer l'infini est impossible, on ne peut que s'intégrer à l'infini. Or cela est impraticable sans une communication libérale de Dieu qui, amorcée en tout esprit comme illumination et motion, peut aller jusqu'à la divinisation qu'annonce le message chrétien.

Ainsi surgit nécessairement dans la dialectique de l'action le problème dit « du surnaturel », selon une formule d'interprétation délicate. Problème, non réalité. Car si la question est nécessaire, la réponse positive relève d'une autre lumière. Incapable d'écarter cette hypothèse et même de lui donner un contenu, la raison peut seulement en tracer les conditions et pour ainsi dire la forme. Elle sait pourtant que cette question commande toutes les autres, puisque l'ultime perfection est universellement réalisatrice.

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Pour citer cet article

Jean TROUILLARD. BLONDEL MAURICE (1861-1949) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APOLOGÉTIQUE

    • Écrit par Bernard DUPUY
    • 3 535 mots
    ...Fonsegrive, Le Christianisme et la vie de l'Esprit (1899), et Ferdinand Brunetière, Raisons actuelles de croire (1900). Il n'en est pas de même chez Maurice Blondel qui, dans la Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique (1896), fait appel conjointement à la...
  • GUITTON JEAN (1901-1999)

    • Écrit par Gérard LECLERC
    • 734 mots

    Écrivain, philosophe, auteur d'une trentaine d'ouvrages qui regardent aussi bien la philosophie que l'exégèse ou l'autobiographie, Jean Guitton s'est inscrit tout au long du xxe siècle, comme un penseur catholique, particulièrement soucieux d'établir des liens rigoureux entre...

  • IMMANENTISME

    • Écrit par Henry DUMÉRY
    • 192 mots

    Doctrine philosophique qui rejette la transcendance, c'est-à-dire l'irréductibilité de Dieu (ou bien d'un principe du réel) à ce qui relève des pouvoirs et des limites de l'esprit. Dans ce sens, Spinoza est taxé d'immanentisme ; il conçoit Dieu comme totalement intelligible...

Voir aussi