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BRANDO MARLON (1924-2004)

Un jeu complexe et tourmenté

À la fin des années 1960, les films qu'il interprète ont plus de difficultés à rencontrer leur public, même lorsque le réalisateur s'appelle Charlie Chaplin : dans La Comtesse de Hong Kong (A Countess from Hong Kong, 1967), dernier film du maître, il incarne avec compétence un homme d'affaires rigide. Mais c'est la plus vive Sophia Loren qui intéresse le cinéaste. Obnubilée par le phénomène médiatique, la presse oublie de relever un génie d'acteur resté intact : le douloureux shérif en proie à la haine de toute une ville dans La Poursuite impitoyable (The Chase, 1966), d'Arthur Penn ; le sobre militaire homosexuel de Reflets dans un œil d'or (Reflections in a Golden Eye, 1967), de John Huston, où il remplace Montgomery Clift au pied levé ; le tueur à gages haut en couleur de Missouri Breaks (1976), western d'Arthur Penn. Autant de créations magistrales, dans des registres très différents, auxquelles la nouvelle maturité et la prise de poids de l'acteur donnent un relief incomparable.

<em>Le Parrain</em>, F. F. Coppola - crédits : Jack Stager/ Paramount Pictures/ Album/ AKG-images

Le Parrain, F. F. Coppola

Rejeté par Hollywood, Marlon Brando se réfugie en Europe auprès de metteurs en scène comme Gillo Pontecorvo (Queimada, 1969) ou Bernardo Bertolucci (Le Dernier Tango à Paris [Ultimo tango a Parigi, 1972]). Cette même année, le jeune Francis Ford Coppola a du mal à l'imposer pour Le Parrain (The Godfather). Mais le triomphe du film, dû en grande partie à l'interprétation de Brando, et le scandale qui entoure la sortie du Dernier Tango à Paris valent à l'acteur le plus spectaculaire des come-back. Il obtient d'ailleurs un oscar pour Le Parrain, qu'il ne va pas chercher en personne, laissant la place à une Indienne qui profite de cette tribune pour protester contre le non-respect des droits de son peuple aux États-Unis.

Dans la dernière phase de sa carrière, Marlon Brando va tirer parti du statut mythique que ces deux films viennent de lui valoir. Il apparaît pour un salaire mirobolant, le temps de quelques minutes à l'écran, par exemple en militaire fou, dans Apocalypse Now ! (1979), de Francis F. Coppola, film construit « en creux » sur son absence. Il s'agit là de sa dernière composition réellement prestigieuse, où son maniement du monologue fait taire ceux qui ont longtemps moqué sa tendance à marmonner. Le goût de jouer, ou peut-être des nécessités plus terre à terre le sortent périodiquement de son isolement : il est tour à tour le père de Superman, dans la version Richard Donner, en 1978 ; l'avocat voué aux causes perdues dans Une saison blanche et sèche (A Dry White Season), d'Euzhan Palcy, en 1989 ; le savant fou dans L'Île du docteur Moreau (The Island of Dr. Moreau, 1996) de John Frankenheimer, incroyable numéro, au-delà du cabotinage, avec fond de teint blafard, yeux faits et voilette... Plus tristement, les feux se braquent sur lui après un tragique fait-divers qui mêle ses enfants à un meurtre. Mais la rareté de ses apparitions ne fait qu'accroître son statut de mythe. Il meurt le 1er juillet 2004, après une ultime apparition magistrale en malfrat obèse, tout de blanc vêtu, face à Robert De Niro dans The Score (2001) de Frank Oz.

On a dit de lui qu'il était l'acteur du siècle. S'il est difficile de l'affirmer, il est certain que, dans l'histoire de l'acteur au cinéma, il y aura eu un avant et un après Brando. Ce jeu, ineffablement élégant, même dans la rudesse, qui savait si bien manier les contraires, la grâce et la vulgarité, le masculin et le féminin, la sobriété et l'éclat, a obligé les acteurs qui l'ont suivi à travailler la complexité et les contradictions des personnages, là où, avant lui, on se contentait parfois d'un charisme de surface.

— Christian VIVIANI

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Écrit par

  • : historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue Positif

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Média

<em>Le Parrain</em>, F. F. Coppola - crédits : Jack Stager/ Paramount Pictures/ Album/ AKG-images

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