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BERTHELOT MARCELIN (1827-1907)

Militant du scientisme

Au contraire de son ami Renan, qui prétendait, en 1855, que « le siècle... va vers la médiocrité », Berthelot a toujours affiché un robuste optimisme de scientiste. L'exercice de la puissance humaine sur la nature l'émeut, et, dans la république de la fin du siècle, il répète la plupart des thèmes « positivistes ». Il rêve d'une « direction des sociétés humaines par les sciences », assigne pour but à la vie « l'action scientifique dirigée vers notre développement individuel le plus complet », mais, la même année, affirme que « l'importance des individus ira sans cesse en diminuant ». Au-delà de ces contradictions apparentes, un anticléricalisme trivial l'anime. Ses prédilections vont à un ordre productif que dominerait sa « conception nouvelle de la raison collective ». La science, à ses yeux, procure morale et bonheur : « Le bonheur et le bien-être ne s'acquièrent pas par de vaines paroles... On y parvient surtout par la connaissance exacte des faits, par la conformité de nos actes avec les lois constatées des choses. » Conséquent, il s'attache à élever le potentiel scientifique et technique du pays, et encourage de son mieux l'enseignement moderne. Mais son scientisme sans nuances agaçait, et, quand on lut la première phrase de ses Origines de l'alchimie : « Le monde est aujourd'hui sans mystère », il s'éleva une protestation générale où savants et esthètes se rejoignirent. Paul Bourget avait parlé de la « banqueroute de la science », le thème est repris polémiquement par Brunetière : à l'idéal de solidarité sociale, scientifiquement réglé, du chimiste, il oppose sans peine l'ascension des budgets de guerre, la laideur des banlieues industrielles et la dure condition des mineurs. Les amis de Berthelot le consolèrent en avril 1895 dans un banquet expiatoire.

Il est clair que Berthelot n'avait aucunement besoin de toute sa « philosophie » pour mener ses expériences et construire ses théories. Elle a même incontestablement desservi le savant, lorsqu'elle l'a conduit à s'opposer à l'introduction de la théorie atomique dans l'enseignement français. Quant à son scientisme militant, une critique non apologétique montrerait qu'il enveloppait un désir contradictoire de sauvegarder dans le socialisme espéré des valeurs bourgeoises de notable.

— Jacques GUILLERME

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Pour citer cet article

Jacques GUILLERME. BERTHELOT MARCELIN (1827-1907) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Marcellin Berthelot - crédits : C Gerschel/ Hulton Archive/ Getty Images

Marcellin Berthelot

Autres références

  • ACÉTYLÈNE

    • Écrit par Henri GUÉRIN
    • 5 089 mots
    • 6 médias
    Isolé, semble-t-il, dès 1836 par E. Davy, préparé en 1860 par M. Berthelot, qui lui donne son nom et l'étudie, l'acétylène ne devait devenir un produit courant qu'après que H. Moissan et T. L. Willson eurent préparé, en 1892, indépendamment l'un de l'autre, du carbure de calcium au four à arc,...
  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    Marcelin Berthelot fut le premier à entreprendre la traduction et la publication de collections manuscrites qui n'avaient pas encore été sérieusement étudiées par les historiens des sciences. Ignorant le syriaque et l'arabe, ne connaissant qu'imparfaitement le grec, Berthelot fit appel à des collaborateurs...
  • ATOMIQUE THÉORIE

    • Écrit par Pierre LASZLO
    • 1 434 mots
    La résistance irréductible à la théorie atomique, avec Marcelin Berthelot (1827-1907) à sa tête en France à la fin du xixe siècle, fut un esprit de chapelle, veillant à ce que les nominations à des chaires universitaires soient de la même stricte obédience. Se réduisit-elle à un conservatisme...
  • ENCYCLOPÉDIE

    • Écrit par Alain REY
    • 5 659 mots
    • 6 médias
    En France, une encyclopédie alphabétique de qualité, confiée au chimiste et grand universitaire Marcelin Berthelot (1827-1907), et dont plusieurs auteurs sont notables, en particulier dans les sciences humaines, relève d'un modèle intellectuel très voisin. Si on la compare à l'édition contemporaine...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi