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PAGNOL MARCEL (1895-1974)

Un conteur méditerranéen

L'essentiel du talent de Marcel Pagnol tient à deux qualités fondamentales : c'est un conteur savoureux, à la langue souple et imagée, mais c'est aussi, et peut-être surtout, un remarquable peintre de caractères. Cette dernière qualité lui a naturellement permis de créer quelques personnages inoubliables, au théâtre et au cinéma. On s'en convaincra aisément en considérant ses premières pièces. Si Les Marchands de gloire et Jazz sont des œuvres mineures, c'est qu'elles appartiennent au théâtre de mœurs ou de situations, genre où Marcel Pagnol ne se sent pas à l'aise. En revanche, avec Topaze et Marius, il campe quelques caractères d'une troublante vérité, mobiles et parfois contradictoires, pleins de vigueur et de tendresse.

Topaze met en scène un petit professeur d'institution privée, effacé, timide, sans envergure et d'une inflexible honnêteté. Utilisé à son insu comme homme de paille par un affairiste véreux mais puissant, conseiller municipal prévaricateur mais respecté, Topaze change d'attitude : ayant compris le mécanisme de la réussite, il bat son maître à son propre jeu et entreprend une ascension sociale irrésistible. Fable immorale, allégorie grinçante, Topaze est surtout une admirable galerie de personnages : tous les caractères, même les plus fugitifs, ont un relief, une épaisseur d'une surprenante vérité.

Avec Marius, Marcel Pagnol renouvelle, avec beaucoup de finesse et d'habileté, le thème éternel de l'homme écartelé entre deux désirs également puissants et contradictoires : l'attachement à ses racines (le plus souvent symbolisé, comme c'est ici le cas, par l'amour d'une femme) et la soif d'aventures. Fils d'un modeste cafetier, Marius rêve de partir sur la mer, de découvrir des horizons nouveaux, des rivages lointains. Fanny, son amie d'enfance, amoureuse de lui plus qu'il ne l'est d'elle, comprend qu'il ne sera jamais pleinement heureux s'il renonce à son rêve pour l'épouser. Elle feint une indifférence soudaine pour le détacher d'elle et lui donner la force de partir. Ici encore, une situation très simple permet à Marcel Pagnol de camper des personnages très caractérisés, à la fois pittoresques et hauts en couleur, mouvants et nuancés. Certains de ces personnages sont devenus de véritables types, comme César, le père de Marius, le maître voilier Panisse, la poissonnière Honorine, mère de Fanny, et M. Brun, l'inspecteur des douanes lyonnais.

Il convient de faire ici une remarque. C'est avec Marius que Marcel Pagnol met au point sa technique dramatique. Ses pièces ne sont pas construites comme celles de Feydeau, où chaque scène, même la plus brève, est absolument nécessaire au développement de l'histoire. Dans Marius, quelques scènes seulement font évoluer la situation. Les autres constituent des « hors-d'œuvre » : elles se suffisent à elles-mêmes, on pourrait les supprimer sans nuire à la continuité dramatique. Elles constituent des récréations, écrites pour le seul plaisir du dialogue. La plus célèbre de Marius est sans doute « la partie de cartes ». On pourrait en citer plusieurs.

C'est évidemment dans ces scènes que les rôles se précisent, que les caractères prennent de l'épaisseur, surtout quand l'auteur est servi par des comédiens exceptionnels, comme ce fut justement le cas pour Marius : Raimu (César), Charpin (Panisse), Alida Rouffe (Honorine) ont largement contribué à rendre leurs personnages vivants et populaires.

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Pour citer cet article

Jacques BENS. PAGNOL MARCEL (1895-1974) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
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  • FRANCE (Arts et culture) - Le cinéma

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  • PARLANT (CINÉMA) - (repères chronologiques)

    • Écrit par Michel CHION
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