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MAO ZEDONG ou MAO TSÉ-TOUNG (1893-1976)

Naissance de la République populaire de Chine, 1949 - crédits : The Image Bank

Naissance de la République populaire de Chine, 1949

Si le fondateur du régime communiste chinois continue d'occuper une place de choix dans l'imaginaire de son peuple, son œuvre semble appartenir à un monde qui n'est plus. Depuis 1978, la démaoïsation et les réformes de Deng Xiaoping ont fait reculer la terreur maoïste, mais aussi l'immémoriale Chine paysanne : dans les années 1930-1940, Mao y avait construit une révolution inédite, mariant le communisme et le nationalisme au vieux fonds chinois des révoltes rurales et des rébellions antidynastiques.

La courbe historique du maoïsme

Contrairement à sa légende, elle aussi dépassée, cette alliance ne fit pas du maoïsme un alliage privilégié avec la paysannerie, ni de Mao un communiste démocrate en harmonie avec le Tiers Monde. Tout en prétendant activer politiquement le parti et la société, sa terreur ne fut pas moins policière ni moins bureaucratique que celle de Staline ; ses recettes pour la transformation du Tiers Monde n'ont pas mieux réussi que le modèle soviétique. Au sein même de « sa » révolution, Mao ne fait plus figure d'inventeur de la guérilla rurale. Il n'en eut pas l'exclusivité en 1927, quand Tchang Kaï-Chek et le Guomindang (G.M.D.) chassèrent le Parti communiste (P.C.) des villes ; il en perdit la maîtrise avant la Longue Marche (1934-1935). C'est alors, tardivement, durant l'occupation japonaise, qu'il devint un incomparable technicien du pouvoir, l'auteur d'une formule originale confondant sa conquête avec son exercice, mise au point contre l'occupant et contre Tchang, mais aussi contre les adversaires qu'il dut écarter dans son propre camp. Il fut servi en cela par un génie tactique évident, allié à un art supérieur de la pratique politique identifiant son autorité au destin collectif. Pas plus que l'habileté tactique, cette identification ne singulariserait Mao parmi les références qui furent les siennes en matière de pouvoir absolu – empereurs de Chine, Staline –, s'il n'y avait les techniques maoïstes du pouvoir, complément efficace plus que substitut aux classiques méthodes terroristes et policières. Liées à l'investissement méthodique des campagnes, elles constituent l'autre face du maoïsme de la maturité.

Cette époque, des lendemains de la Longue Marche (1936) à la défaite du Japon (1945), dite aussi période de Yan'an (du nom de la bourgade du nord-ouest où les fuyards de la Longue Marche finissent par trouver refuge), est bien plus décisive qu'en amont l'entrée en guérilla (1927) ou, en aval, la proclamation de la République populaire (1949). La chronologie de Mao ne correspond donc pas exactement à celle de la révolution chinoise, où les historiens repèrent deux périodes essentielles (avant et après 1927), de même qu'ils distinguent l'avant et l'après 1949. Avant la Longue Marche, la révolution quitte son berceau urbain, mais ne se confond pas avec le destin de Mao : il n'est que l'un des membres de la diaspora rurale du Parti communiste, et sa version rurale du communisme ne parvient pas à s'imposer face à celle de ses adversaires. Mais les dix années qui suivent sont si décisives dans la manière inédite de confondre la conquête et l'exercice du pouvoir, en allant des périphéries rurales aux centres urbains, puis au centre politique du pays, que cette période relativise la coupure de 1949.

Un formidable instrument de domination en émerge, grâce auquel Mao pourra se croire en situation de forcer l'histoire, alors même que le défi change de nature, passant de la conquête politique du pays à sa transformation économique et sociale. Au cours des années 1950-1960, Mao cède à ce vertige en usant dans l'effort l'élan de sa révolution, prétendant la régénérer alors qu'il précipite un déclin qui fera des réformes de Deng Xiaoping une libération attendue et soutenue[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, directeur du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine, E.H.E.S.S.-C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Yves CHEVRIER. MAO ZEDONG ou MAO TSÉ-TOUNG (1893-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Naissance de la République populaire de Chine, 1949 - crédits : The Image Bank

Naissance de la République populaire de Chine, 1949

Mao Zedong à Yan'an, 1938 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Mao Zedong à Yan'an, 1938

Révolution culturelle en Chine, 1966 - crédits : Pathé

Révolution culturelle en Chine, 1966

Autres références

  • AI QING [NGAI TS'ING] (1910-1996)

    • Écrit par Catherine VIGNAL
    • 2 092 mots
    ...par Zhou Enlai, parvient à traverser, sous un déguisement militaire, quarante-sept postes de contrôle du Guomindang pour atteindre la base de Yan'an. L'ascendant que Mao exerça sur lui fut irrésistible. Les poèmes qui le célèbrent nous le montrent bien. Quand Ai Qing voulut partir pour le front, Mao...
  • ARMÉE - Doctrines et tactiques

    • Écrit par Jean DELMAS
    • 8 017 mots
    • 3 médias
    Mais l'arme nucléaire ne serait-elle qu'un « tigre de papier » ? Oui, affirmait Mao Zedong, face à la guerre du peuple. Bien avant Hiroshima, l'homme de la Longue Marche et de Yan'an avait défini les principes de la guerre révolutionnaire en Chine, en en soulignant la spécificité, fonction de quatre...
  • ARMÉE ROUGE, Chine

    • Écrit par Michel HOANG
    • 1 016 mots
    • 4 médias

    « Le pouvoir est au bout du fusil » : quand Mao Zedong énonce, en novembre 1938, cette formule désormais célèbre, il parle en orfèvre. Il fait la guerre à Tchiang Kaï-chek depuis plus de dix ans. Il lui faudra encore combattre plus d'une décennie pour prendre le pouvoir en 1949. En guerre...

  • CENT FLEURS LES

    • Écrit par Michel HOANG
    • 944 mots

    C'est en mai 1956 que le président Mao Zedong énonce sa formule désormais célèbre : « Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent. » Ce slogan d'expression très classique fait référence aux « cent écoles », dénomination donnée par le philosophe taoïste Zhuangzi aux multiples...

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Voir aussi