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MANA

Le terme polynésien mana désigne une force surnaturelle dont l'Anglais R. R. Marett (1866-1943) et le Français Marcel Mauss (1872-1950) ont tenté, dans le contexte de l'ethnologie religieuse, d'évaluer les propriétés : « Ce mot, précise le second, subsume une foule d'idées que nous désignerions par les mots de : pouvoir de sorcier, qualité magique d'une chose, chose magique, être magique, avoir du pouvoir magique, être incanté, agir magiquement ; il nous présente, réunies sous un vocable unique, une série de notions [...] et réalise cette confusion de l'agent, du rite et des choses qui nous a paru être fondamentale en magie » (Théorie générale de la magie).

Le mana polynésien est loin d'être une catégorie isolée : le wakan, l'orenda, dans d'autres contrées, témoignent de la présence dans la pensée magique en général de la notion de force active. Claude Lévi-Strauss, dans son introduction au livre de Mauss, Sociologie et anthropologie, a ajouté aux conceptions de Marcel Mauss des formulations inspirées par la notion linguistique de signifiant : pour lui, le mana, comme d'autres notions, est inhérent à la structure même du langage et n'est pas le propre d'une pensée magique qui, sauvage, serait différente de la pensée logique (il cite à ce propos, pour la langue française, la notion de truc ou de machin). Selon Lévi-Strauss, « l'homme dispose à son origine d'une intégralité de signifiant » qui n'a pas immédiatement trouvé un signifié avec lequel former un signe : c'est de ce décalage que vient le renouvellement des signes du langage, lequel, sans cela, serait fixé dès le départ. Il y a donc toujours, dans un langage, du signifiant en trop, que Lévi-Strauss appelle « signifiant flottant » et qui est le mana : signifiant contradictoire qui marque une « valeur symbolique zéro », pouvant se poser sur n'importe quel signifié pour former alors un nouveau mot. Ainsi apparaît la structure logique de la pensée magique, injustement conçue par beaucoup d'ethnologues comme incohérente, alors que ces apparentes confusions relèvent de l'inégalité, constitutive du langage, entre signifiant et signifié.

— Catherine CLÉMENT

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée de l'Université

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