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MAGINOT LIGNE

La ligne Maginot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La ligne Maginot

Le sénateur André Maginot était ministre de la Guerre depuis trois semaines quand il défendit, devant le Parlement, le projet de défense des frontières proposé par ses prédécesseurs ; il le fit adopter le 14 janvier 1930. C'est pourquoi il a laissé son nom à ce système de fortification permanente dont la pénible gestation divisa le Haut Commandement français et dont la fin tragique souligna l'inadéquation à la situation stratégique.

La longue invasion du territoire français, ravagé par les combats de 1914-1918, souligne dès 1919 la nécessité de rendre le territoire national inviolable. Comment y parvenir ? Les avis divisent le Conseil supérieur de la Guerre pendant plusieurs années. En définitive la décision fut prise de construire le plus près possible de la frontière franco-allemande un ensemble fortifié qui, appuyé sur le Rhin, dissuaderait toute velléité d'invasion allemande. Ce système comprend essentiellement deux régions fortifiées, celle de Metz (barrant la vallée de la Moselle et de la Sarre) et celle de la Lauter, entre Bitche et le Rhin. L'ossature de cet ensemble est constituée de gros ouvrages de fortification permanente, forts enfouis ne laissant en surface que les organes d'observation et de tir, ceux-ci étant très dispersés sur le terrain et reliés par galeries souterraines au cœur de l'ouvrage, d'où le nom de forts palmés. Le choix de l'artillerie de la position fortifiée répond à certains impératifs financiers, techniques (une trop grande longueur de tubes interdit l'emploi de tourelle éclipsable) et tactiques (briser vite une attaque lancée par surprise). On choisit donc un 75 rajeuni et adapté aux nécessités de la forteresse, atteignant des cadences utiles de 30 coups par minute pour une portée de 11 kilomètres. On ne tirait donc pas loin en avant de la fortification. Et surtout celle-ci était démunie de défense anti-aérienne. D'autre part ces régions fortifiées ne couvraient qu'une partie de la frontière. Devait-on continuer la construction jusqu'à la mer du Nord, le long de la frontière belge ? Question complexe aux importantes incidences financières et internationales (attitude vis-à-vis de la Belgique notamment). La réponse donnée en 1933 est une solution bâtarde : allonger la région fortifiée de Metz jusqu'à Montmédy face aux pentes boisées des Ardennes belges, puis jalonner la frontière du Nord par une fortification économique.

Réussite technique en ce qui concerne la conception des ouvrages construits avant 1935, la ligne Maginot reste un rare exemple d'inadéquation d'un outil militaire à une situation stratégique donnée. Conçue quelques années après que la France eut souscrit des alliances de revers qui impliquaient d'éventuelles interventions militaires au profit d'États d'Europe centrale, la ligne Maginot, en soulignant l'aspect défensif de la politique militaire française, refusait toute crédibilité à une intervention au-delà des frontières. D'autre part en interdisant toute possibilité de manœuvre aux armées chargées de la défendre, elle mettait l'accent sur les conceptions statiques d'un état-major sous-estimant les potentialités de mouvement contenues dans le binôme chars-avions.

Le sort de la ligne Maginot en 1940 est la tragique illustration de cette constatation. Négligeant la ligne, la Wehrmacht attaquait le 13 mai la frontière française en son point le plus faible, à l'extrémité ouest de la ligne Maginot et à la charnière vulnérable des armées françaises entrées en Belgique. Après la destruction des forces alliées de Belgique et la rapide conversion du dispositif allemand en direction du sud et du sud-est, les chars allemands de Guderian et Kleist, franchissant la Marne le 11 juin, progressaient très rapidement vers Besançon et la frontière suisse, isolant ainsi la ligne Maginot[...]

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Écrit par

  • : docteur habilité à la recherche, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, ancien chef du service historique de l'Armée de terre

Classification

Pour citer cet article

Jean DELMAS. MAGINOT LIGNE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

La ligne Maginot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

La ligne Maginot

Autres références

  • FORTIFICATIONS

    • Écrit par Jean DELMAS
    • 5 540 mots
    • 9 médias
    La recherche incessante du perfectionnement mène dans deux directions : le cuirassement et l'enfouissement.Les grands forts « palmés » de la ligne Maginot constituent de gigantesques organisations souterraines, à organes différenciés, où les galeries s'étagent jusqu'à quarante mètres de profondeur....
  • FRANCE CAMPAGNE DE (1940)

    • Écrit par Armel MARIN
    • 1 596 mots
    • 9 médias

    Le 10 mai 1940, la guerre éclair succède à la drôle de guerre qui dure alors depuis le 2 septembre 1939. La neutralité belge pose un problème délicat à l'état-major allié. Le plan d'origine de Gamelin préconise une bataille défensive sur une ligne fortifiée en France ; l'entrée des forces...

  • GUERRE MONDIALE (SECONDE)

    • Écrit par Henri MICHEL
    • 19 622 mots
    • 103 médias
    ...heureusement menées, comme celle de la division cuirassée du général de Gaulle le 22 mai à Montcornet. Tandis que les divisions laissées derrière la ligne Maginot arrivent trop tard pour colmater les brèches, les blindés allemands de Heinz Guderian, par un large coup de faucille, se sont rabattus vers l'ouest...
  • PÉTAIN PHILIPPE (1856-1951)

    • Écrit par Jean-Marie GUILLON
    • 2 394 mots
    • 2 médias
    ...moderne, se mue en sceptique définitif. Il entend protéger la France derrière un rempart « infranchissable » sur lequel les chars viendront s'écraser. Il est à l'origine de la ligne à laquelle le ministre de la Guerre André Maginot donne son nom. Homme de la défensive, c'est à cette fin qu'il reste intéressé...

Voir aussi