FRANCE CAMPAGNE DE (1940)
Le 10 mai 1940, la guerre éclair succède à la drôle de guerre qui dure alors depuis le 2 septembre 1939. La neutralité belge pose un problème délicat à l'état-major allié. Le plan d'origine de Gamelin préconise une bataille défensive sur une ligne fortifiée en France ; l'entrée des forces alliées en Belgique n'aurait lieu que pour répondre à un appel belge. Ce plan conjugue une défensive prudente, jointe à une avancée limitée à l'Escaut. La menace allemande se précisant aussi bien sur la Hollande que sur la Belgique, le plan français se modifie. La manœuvre Dyle prévoit que la VIIe armée à l'aile gauche, progressant au-delà d'Anvers, assurera la liaison avec l'armée hollandaise. Le gros de l'armée française et de l'armée anglaise se portera sur une ligne Anvers-Namur. Ces manœuvres audacieuses n'avaient pas emporté la conviction du général Georges, commandant le théâtre d'opérations, pas plus que celle du général Giraud, commandant de la VIIe armée. Le général Blanchard estimait de même que la Ire armée ne pouvait que s'installer dans la trouée de Gembloux. Gamelin insista pour que la manœuvre Dyle fût acceptée, engageant ainsi sa responsabilité en ne refusant pas un plan aussi politique que militaire, mais dont la réussite était aléatoire. En mars 1940, les plans sont définitifs ; les troupes alliées se porteront au-devant de l'envahisseur à travers la Belgique. Cette manœuvre semble avoir été décidée par le gouvernement et acceptée par le haut commandement. Les Alliés prévoyaient que l'attaque allemande aurait lieu suivant les directives du plan Schlieffen de 1914. L'aile droite allemande commandée par von Bock (groupe d'armées B) affronterait donc la résistance alliée sur le canal Albert, avant de foncer vers le sud. Mais von Manstein, chef d'état-major de von Rundstedt, parvint à convaincre Hitler que le point faible du dispositif français se trouvait à la limite ouest de la ligne Maginot (autour de Sedan), charnière du dispositif mobile des armées alliées. La directive de Hitler du 18 février 1940 donnait à chaque groupe d'armées ses objectifs : le groupe B (von Bock) au nord et le groupe C (von Leeb) au sud, devant la ligne Maginot, se contenteraient de faire diversion ; le groupe A (von Rundstedt) au centre était chargé de rompre le front entre Dinant et Sedan. Ce plan allait surprendre le commandement allié.
Au sud, devant la ligne Maginot, les Allemands disposent seulement de vingt divisions d'infanterie ; au nord, face à la Hollande et au nord de la Belgique, une trentaine de divisions d'infanterie et trois divisions blindées. Par contre, au centre du dispositif, von Rundstedt dispose d'environ cinquante divisions d'infanterie, de sept divisions blindées et de trois motorisées. La France dispose de quatre-vingt-quatorze divisions sur l'ensemble du front, plus dix divisions britanniques. Mais les Français ne disposent que de trois divisions cuirassées face au dix adverses. Les Alliés et les Allemands peuvent disposer d'un nombre voisin de blindés, deux mille trois cents pour la France, deux mille huit cents pour les Allemands ; mais les Allemands utiliseront les chars en divisions autonomes, appuyés d'ailleurs par les stukas et dotés d'un pouvoir offensif exceptionnel ; pour la France, il s'agit avant tout d'utiliser les chars en appui de l'infanterie, entre Dinant et Sedan, lieu de la percée ennemie, aucun corps blindé allié n'est prévu face aux sept divisions de Panzer ; les divisions cuirassées françaises sont d'ailleurs à la disposition des divisions d'infanterie et conçues comme moyen de défense. Dans le domaine de l'aviation, les forces françaises disposent d'environ mille avions : six cents chasseurs, dont certains excellents, et cent bombardiers. Les Anglais, qui ont envoyé sur le continent leur armée terrestre, ont réservé l'essentiel de leur aviation à la défense de leur territoire. La Luftwaffe, sur le front nord-est, peut aligner trois mille six cents avions : mille cinq cents bombardiers, mille chasseurs, trois cent quarante stukas. Une partie de cette flotte intervient en étroite liaison avec l'armée de terre. Le théâtre d'opérations nord-est, le plus important, est commandé par le général Georges. Le fer de lance de l'armée française, IIe groupe d'armées, chargé d'entrer en Belgique, est commandé par le général Billotte, avec environ quarante divisions dont quinze d'active, alors que derrière la ligne Maginot on compte cinquante-neuf divisions. Les réserves françaises (vingt-cinq divisions d'infanterie et deux cuirassées) sont étalées de Rethel à Besançon. Il était prévu qu'elles seraient acheminées par train en direction des points névralgiques en fonction du déroulement de la bataille : suivant les calculs de l'état-major, il fallait quatre jours pour déplacer une division.
Le 10 mai, la guerre éclair se déchaîne sur la Hollande et la Belgique. La VIIe armée s'avance jusqu'en Hollande. Le groupe d'armées de Billotte engage la bataille le 13 mai, à la trouée de Gembloux, où arrive l'armée belge, qui a abandonné sa ligne de défense sur la Meuse le 12 mai. Le 15 mai, les armées alliées reçoivent l'ordre de faire retraite : à Sedan, l'ennemi a percé le front. La bataille de la Meuse s'est engagée dès le 12 mai. La IIe armée française de Huntziger et la IXe armée Corap subiront le choc des premières unités du corps d'armée blindé de Guderian. Le 13 mai, une poche de cinq kilomètres est créée à Chemery. Dès le 14 mai, les Français tentent de contre-attaquer malgré la maîtrise allemande du ciel. La 3e division cuirassée de réserve essaie en vain d'affronter l'ennemi. Le 15 mai, Guderian, en avance sur son plan de bataille, pivote vers l'ouest et fonce vers la mer. Le commandement français mesure alors la gravité de la situation, ordonne le repli des forces aventurées en Belgique. Le 16 mai, à Montcornet, le colonel de Gaulle, à la tête de la 4e division cuirassée française, s'oppose durant une journée à l'avant-garde allemande. Le 20 mai, Amiens est pris. Les forces alliées sont tournées. La ligne Maginot a été inutile. Les Allemands ont imposé leur bataille, leur organisation, leur stratégie. Guderian a pris une part personnelle capitale dans le déroulement de l'action, l'emportant par son esprit de décision sur la prudence de son chef von Kleist. Le 19 mai, le président du Conseil, Paul Reynaud, a nommé Weygand commandant en chef à la place de Gamelin. Weygand préconise la rupture de l'encerclement des armées du Nord et le rétablissement d'un front continu sur la Somme et sur l'Aisne : c'est le but de la conférence interalliée d'Ypres le 20 mai. Un certain nombre de circonstances négatives vont faire basculer définitivement la situation. Le roi des Belges accepte tout d'abord l'attaque de ses troupes vers le sud jusque sur l'Yser, malgré le peu d'enthousiasme du général anglais Gort, qui avait déjà manifesté en secret son intention de rembarquer. Mais le 22 mai, Léopold III, changeant d'avis, ordonne une action limitée. Dans le même temps, Billotte trouvait la mort dans un accident de voiture. Les préliminaires de l'opération commencent pourtant le 23 mai. Elle est stoppée rapidement. Menacés par les Allemands à Courtrai le 25 mai, les Anglais décident la retraite. Sauvant le corps expéditionnaire anglais, lord Gort condamne la Ire armée française à l'encerclement et les Belges à une résistance solitaire. Le 26 mai, la contre-attaque française se dessine pourtant sur la Somme, alors que les Allemands ont arrêté le 24 leur progression vers la mer. Le 27, elle reprend. Mais le roi Léopold, constatant l'impossibilité où se trouvent les troupes belges de poursuivre le combat, décide la capitulation sans condition (28 mai). La poche de Dunkerque tient jusqu'au 4 juin : deux cent mille Anglais vont être embarqués et cent trente mille Français, après l'abandon de leur armement. Le 5 juin, le front tente de se réorganiser sur une ligne Abbeville-Péronne-Rethel. Le 7 juin, il est percé. Le 9, von Rundstedt attaque en Champagne ; le 10, Guderian passe l'Aisne. Le même jour, Mussolini entre en guerre contre la France et Paul Reynaud déclare Paris ville ouverte. L'exode des populations s'ajoute à la retraite des troupes. C'est la déroute. Des poches de résistance (sur la ligne Maginot) et des bouchons de résistance (les cadets de Saumur) se forment, mais la désagrégation des forces françaises est totale. Le 12 juin, Weygand déclare devant le Conseil des ministres qu'il faut cesser le combat. Le 15, les chefs militaires refusent d'envisager une capitulation. Le 16 juin, Pétain est appelé par le président de la République à succéder à Reynaud démissionnaire. Les conditions de l'armistice sont immédiatement demandées à l'Allemagne. L'armistice, signé le 22 juin à Rethondes, prendra effet le 25 juin.
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Écrit par
- Armel MARIN : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression
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