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LES DIX COMMANDEMENTS, film de Cecil Blount De Mille

L'œuvre d'un mégalomane

Si l'adage d'Alfred Hitchcock, « plus réussi est le personnage du méchant, plus réussi est le film », se vérifie, le personnage de Ramsès des Dix Commandements, blessé, humilié par son père, méprisé par Néfertari, atteint en effet un sommet, tout en assurant un contrepoint pathétique au personnage forcément monolithique et impérieux de Moïse. Les dialogues sont écrits dans une langue étonnante de sobriété et de force, comme lorsque Ramsès s'avoue vaincu par le Dieu des Juifs et prononce, abattu près de Néfertari : « Their God is God » (« leur Dieu est Dieu »). Les épisodes les plus spectaculaires (le passage de la mer Rouge qui s'ouvre devant la foule juive, et se referme sur les chars égyptiens) sont agrémentés par une multiplicité de détails et de scènes d'intimité qui font vivre le peuple. L'orgie devant le Veau d'or – pourtant une spécialité du metteur en scène – est paradoxalement un des moments les plus faibles du film. Pour le reste, dans le genre « livre d'images », on a rarement fait mieux.

Les Dix Commandements est un film unique, anachronique dès 1956, car De Mille continue, près de trente ans après les débuts du cinéma parlant, à construire son plateau comme au temps du muet, en privilégiant le spectacle en profondeur, et sans se servir de la largeur de l'écran. Il cherche également à ce que chaque situation énoncée dans les dialogues soit accompagnée d'une métaphore visuelle (disposition des objets, postures, emploi d'une balance pendant un duel verbal). Le film, mégalomane, matérialise même sur l'écran, par un effet spécial en forme de foudre, le doigt de Dieu gravant sur la pierre en caractères hébreux les dix commandements. Enfin, la construction dramatique est une des plus adroites du cinéma épique hollywoodien, alternant avec maîtrise intrigue principale et intrigues secondaires, humour et solennité épique.

Comédien de théâtre chevronné, Charlton Heston a une présence et une autorité incontestables. Le crâne rasé de Yul Brynner était connu à Broadway (1951), puis à l'écran depuis Le Roi et moi (The King and I, 1956) de Walter Lang. Anne Baxter, mémorable rivale de Bette Davis dans Eve (All about Eve, 1950) de Mankiewicz, est la femme « de-millienne » typique, à la fois enjôleuse, piquante, dotée d'esprit et d'une ironie cruelle, quand elle ne trouve pas les hommes à la hauteur. Mais le vrai héros est ici le peuple, et De Mille s'inspire des cinéastes russes.

Après ce film, souvent repris ou réédité, personne ne s'attaquera au même sujet. Les superproductions ultérieures sur la Bible (The Bible, 1966, de John Huston), ou sur la vie du Christ, mise à part la superproduction Ben-Hur (1959) de William Wyler qui remporta un énorme succès, seront presque toutes des échecs commerciaux.

— Michel CHION

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Écrit par

  • : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III

Classification

Pour citer cet article

Michel CHION. LES DIX COMMANDEMENTS, film de Cecil Blount De Mille [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Les Dix Commandements</it> - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Les Dix Commandements

Autres références

  • BERNSTEIN ELMER (1922-2004)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 847 mots

    Il est l'auteur d'une des plus célèbres musiques de film, celle des Sept Mercenaires. Mais le compositeur et chef d'orchestre américain Elmer Bernstein est aussi – aux côtés de ses compatriotes Alex North et Bernard Herrmann – un des protagonistes du renouveau du langage musical cinématographique...

Voir aussi