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LAÏCITÉ, notion de

Qu'est-ce que la laïcité ? Un mot abstrait et tardif (encore considéré en France comme un néologisme en 1911, il ne figure dans aucune des « lois laïques » votées entre 1880 et 1905), un processus historique dans la longue durée, un cadre juridique et administratif, une réalité complexe et parfois même déconcertante. Typiquement française, elle est redevenue depuis peu un sujet de discussions sans fin sur des bases souvent mal assurées, voire erronées.

Les formes de la laïcité

Sa forme la plus ancienne et son premier noyau, c'est sans aucun doute la « laïcité de l'État », quand on ne parlait encore ni d'État, ni de laïcité. L'expression est susceptible de recouvrir au moins trois sens. Sous l'Ancien Régime, l'État était « laïque » en ce sens que ses liens étroits avec l'Église reposaient sur l'indépendance mutuelle des deux pouvoirs. L'Église ne gouvernait pas l'État, et l'État ne gouvernait pas l'Église, dont les lois devaient être enregistrées par le Parlement pour être exécutoires en France et produire leurs effets civils.

En un deuxième sens est laïque un État qui s'abstient de toute référence ou invocation religieuse. Ce n'était pas encore le cas en 1789, quand l'Assemblée constituante a proclamé les droits de l'homme et du citoyen « en présence et sous les auspices de l'Être suprême ». Pourtant, les articles 10 et 11 de cette Déclaration sont au principe de la laïcité publique française : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses » (c'est-à-dire, à cette époque, hétérodoxes, voire athéistes). Désormais, la liberté de conscience n'est plus seulement reconnue à chacun dans sa vie privée, mais à tous comme une liberté publique, sous la seule réserve de ne pas troubler l'ordre public.

La liberté publique de conscience pour tous et pour chacun, voilà le troisième sens, et la vraie définition de la laïcité, par opposition à la catholicité de l'Ancien Régime. C'est une rupture instauratrice d'un ordre nouveau, une révolution culturelle avant même d'être une révolution politique et sociale. C'est la porte ouverte au libre examen, au suffrage universel, à l'opinion publique et à la vie associative. Un siècle sera nécessaire pour en tirer toutes les conséquences.

L'ancienne France était certes un pays d'hommes libres, mais de libertés et de franchises octroyées par la grâce du souverain, dans le respect des lois fondamentales du royaume et de l'Église. À sa chute, la conscience libre devient un acteur et un moteur de l'histoire : elle s'impose en tiers dans le jeu des relations traditionnelles entre l'Église et l'État, tantôt s'appuyant sur l'État contre l'Église, tantôt s'opposant à l'État avec le soutien de l'Église, tantôt dénonçant leur collusion en travaillant à leur double dépérissement.

La laïcité de l'administration est dans le droit fil de la laïcité de l'État. La laïcité de l'école, quant à elle, apparaît comme un effet inéluctable de cette liberté de conscience, quand l'unité de foi a cédé la place au pluralisme des convictions. Mais, malgré la formule courante, elle ne s'identifie pas à « l'école laïque, gratuite et obligatoire » : seul l'enseignement est obligatoire, à l'école publique, à l'école privée, en famille ou par correspondance ; seule l'école publique est gratuite et obligatoirement laïque.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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Pour citer cet article

Émile POULAT. LAÏCITÉ, notion de [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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