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L'UTOPIE (UTOPIA), Thomas More Fiche de lecture

<em>Thomas More</em>, H. Holbein le Jeune - crédits : VCG Wilson/ Corbis/ Getty Images

Thomas More, H. Holbein le Jeune

Croisant les influences du platonisme, de l'aristotélisme, du stoïcisme, de l'épicurisme, de la patristique, de la Bible, de la Kabbale et des récits des grands voyageurs de l'époque, l'ouvrage, rédigé en latin, porte les marques incontestables de la culture humaniste et du goût de la Renaissance pour les rêves d'ailleurs et d'altérité. Au livre II, écrit dès 1510 et destiné à faire diptyque avec l'Éloge de la folie de son ami Érasme, More (1478-1535), à la demande de ce dernier et après son séjour à Anvers et à Bruges, ajoute en 1515, le très polémique livre I. Tout comme, trois ans plus tôt, le Richard III, l'ensemble, trois fois réédité entre 1517 et 1518, fait de l'Utopie un pamphlet doublé d'un projet de régénération sociale profonde. Dans le contexte de misère engendrée par la généralisation des enclosures et le capitalisme naissant en Angleterre, More, fort de son office d'avocat et de vice-shérif de Londres, le dirige ouvertement contre le régime et les mœurs politiques et juridiques de Henri VII, père de Henri VIII au pouvoir depuis 1509.

Utopie et dystopie

Ouvrage de taille menue, L'Utopie débute donc, après une brève Lettre-Préface de More au secrétaire de la ville d'Anvers et éditeur Pierre Gilles, au livre I par une contre-utopie (dystopie) qui, sous la forme d'une conversation avec l'aventurier navigateur Raphaël Hythlodée, fait état du martyrologe du peuple anglais sous le règne tyrannique du précédent roi. Sont ainsi passés en revue, pour expliquer la dépravation morale d'un peuple réduit à l'inactivité, l'iniquité et la sévérité aveugle des lois pénales à l'égard des voleurs, le bellicisme des princes, les dysfonctionnements de leurs Conseils, le mercenariat irresponsable et vénal des soldats et les méfaits sociaux d'une économie déshumanisée par les monopoles et l'égoïsme avide des nobles oisifs.

En contrepartie positive de ce triste bilan, commence au livre II le récit à proprement parler du voyage imaginaire d'Hythlodée en ce « pays de nulle part ». La géographie de l'île, la distribution des villes, les conditions de la vie rurale et l'urbanisme de la capitale Amaurote ouvrent la description. Suit un rapport circonstancié des rouages de la communauté utopienne : vie quotidienne, organisation du travail, fonctionnement de la justice, institutions politiques, système de répartition des denrées et des richesses, vie intellectuelle et scientifique, régime matrimonial, politique démographique, diplomatie et conception religieuse sont tour à tour exposés.

L'Utopie se referme sur une courte conclusion dans laquelle More exprime ses doutes à l'égard d'une mise en œuvre éventuelle de cette république idéale : « Je le souhaite, plutôt que je ne l'espère. »

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Éric LETONTURIER. L'UTOPIE (UTOPIA), Thomas More - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Thomas More</em>, H. Holbein le Jeune - crédits : VCG Wilson/ Corbis/ Getty Images

Thomas More, H. Holbein le Jeune

Autres références

  • MORE THOMAS (1477 ou 1478-1535)

    • Écrit par Gérard DEFAUX
    • 3 242 mots
    • 1 média
    C'est en 1515, profitant des loisirs forcés que lui imposent les lenteurs d'une mission diplomatique en Flandre, que More compose le second livre de son Utopie(De optimo reipublicae statu deque nova insula Utopia libellus), dont une traduction française, due à Jean Leblond, paraît en 1550,...
  • UTOPIE (arts et architecture)

    • Écrit par Antoine PICON
    • 1 691 mots

    Publiée en 1516 , L'Utopie, ou le Traité de la meilleure forme de gouvernement (trad. franç., 1550) de l'humaniste anglais Thomas More codifie pour plus de deux siècles et demi les principes du genre. Se présentant généralement comme un récit de voyage, l'utopie décrit une société parfaitement...

  • SOCIÉTÉ (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 564 mots
    Très différent est le chemin choisi par les constructeurs d’utopie, tels Thomas More (1478-1535) – dont l’ouvrage L'Utopieest à l’origine du mot – ou Tomaso Campanella (1468-1539) – auteur de La Cité du Soleil – qui ont présenté comme immédiatement réalisables des sociétés...
  • URBANISME - Théories et réalisations

    • Écrit par Françoise CHOAY
    • 9 924 mots
    • 2 médias
    ...une vague de projets réformateurs : institutions panoptiques et utopies dont le fonctionnement et l'efficacité reposent sur leur organisation spatiale. La démarche est directement issue de l'Utopia (1516) de Thomas More. Quoique dépourvu de finalité pratique, cet ouvrage peut être considéré comme...

Voir aussi