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LESPINASSE JULIE DE (1732-1776)

La célébrité de Mlle de Lespinasse tient à ce qu'elle a tenu un salon (1764-1776), fréquenté notamment par son grand ami d'Alembert et par d'autres fidèles tels que Condillac, Marmontel, Condorcet, Turgot. À dire vrai, elle n'eut son propre salon qu'après avoir rompu avec la marquise du Deffand et entraîné avec elle la plupart des hôtes de son ancienne patronne. La brouille entre les deux femmes fut retentissante.

Julie de Lespinasse était la fille naturelle d'une grande dame. À la mort de sa mère, se trouvant dans le dénuement, elle devient gouvernante des enfants de sa sœur, puis elle vient à Paris, comme demoiselle de compagnie de Mme du Deffand. La tâche est pénible et fatigante, mais lui permet de connaître le grand monde. Les deux femmes rompent, et Mlle de Lespinasse peut s'installer à son compte grâce à l'aide de Mme de Luxembourg, de Mme Geoffrin et grâce à une pension annuelle sur la cassette du roi. Elle tient remarquablement son salon, et la conversation qui s'y tient est de qualité. Son intelligence lui permet de faire oublier son visage défiguré par la petite vérole. Mais elle est de santé fragile et d'une nature exaltée : son âme ardente recherche les sentiments extrêmes et la voue à des passions malheureuses : « Il n'y a qu'une chose qui résiste, écrit-elle, c'est la passion, et c'est celle de l'amour, car toutes les autres resteraient sans réplique [...]. Il n'y a que l'amour-passion et la bienfaisance qui me paraissent valoir la peine de vivre. » Elle s'éprend successivement du marquis de Mora, fils de l'ambassadeur d'Espagne en France, bientôt rappelé par sa famille, et du comte de Guibert, dont l'indifférence la tue, bien qu'elle n'ait pas le courage de se suicider : « J'ai souffert, j'ai haï la vie, j'ai invoqué la mort [...] oh ! qu'elle vienne ! et je fais serment de ne pas lui donner le dégoût et de la recevoir au contraire comme une libératrice. »

On a d'elle un certain nombre de lettres tout empreintes d'une imagination ardente et qui, selon l'expression d'un de ses éditeurs, « brûlent parfois le papier ».

Voltaire écrivait le 17 avril 1776 : « Je n'ai jamais vu Mlle de Lespinasse, mais tout ce qu'on m'en a dit me la fait bien aimer. Je serais bien affligé de sa perte. »

Mlle de Lespinasse est un des personnages importants mis en scène par Diderot dans le Rêve de d'Alembert. Il est aussi beaucoup question d'elle dans les Mémoires de Marmontel. Elle semble avoir exercé sur tous ceux qui la connurent une séduction puissante.

— Denise BRAHIMI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

Pour citer cet article

Denise BRAHIMI. LESPINASSE JULIE DE (1732-1776) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALEMBERT JEAN LE ROND D' (1717-1783)

    • Écrit par Michel PATY
    • 2 874 mots
    • 2 médias
    Sa jeune célébrité lui ouvrit les salons parisiens et il devint un habitué de ceux de Mme Geoffrin, de Mme du Deffand, puis de celui de Julie de Lespinasse, avec laquelle il vécut à partir de 1764 : ce salon où se retrouvaient les « philosophes » était fréquenté notamment par Turgot, Condorcet...
  • AMOUR

    • Écrit par Georges BRUNEL, Baldine SAINT GIRONS
    • 10 182 mots
    • 5 médias
    La deuxième Julie pousse, en effet, à l'extrême les élans d'amour difficilement harmonisés chez la première. D'un côté, un amour universel lui fait prendre part à tous ceux qui l'entourent et l'entraîne à les « identifier » à elle ; de l'autre, la fureur d'aimer l'attache à l'être élu suivant la ...
  • DEFFAND MARIE marquise du (1697-1780)

    • Écrit par Édouard GUITTON
    • 589 mots

    Sainte-Beuve (Lundis I et XIV) et Gustave Lanson (Choix de lettres du XVIIIe siècle) ont parlé admirablement de Mme du Deffand. Ame d'une richesse exceptionnelle, elle offre une image exemplaire du sort de la femme sous l'Ancien Régime. Son œuvre tient dans sa correspondance et sa conversation...

  • FOYERS DE CULTURE

    • Écrit par Gilbert GADOFFRE
    • 9 695 mots
    • 5 médias
    ...Mirepoix d'un côté, Montesquieu, Voltaire et quelques encyclopédistes de l'autre. Ces derniers l'abandonnèrent en masse en 1764, lors de sa rupture avec sa lectrice, Mlle deLespinasse, mais malgré cela, et malgré la cécité précoce qui la rendit de plus en plus dépendante, elle conserva son influence.