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ORTEGA Y GASSET JOSÉ (1883-1955)

Parmi les hommes célèbres de sa génération en Espagne – Gabriel Miró, Pérez de Ayala, Eduardo Marquina, Juan Ramón Jiménez, Eugenio d'Ors, Ramón Gómez de La Serna –, Ortega y Gasset est le seul qui ait fait profession et œuvre de philosophe. À la fois professeur, essayiste, journaliste et conférencier, auteur d'une œuvre considérable, Ortega fut considéré en son temps comme l'un des chefs de file de l'intelligentsia de son pays. Ce philosophe est l'inventeur d'un système de pensée original, le ratiovitalisme, profondément cohérent quoique disséminé dans une multitude d'écrits trouvant leur unité, du point de vue formel, dans un style élégant et brillant, semé de métaphores, qui cherche d'abord à séduire son lecteur pour mieux le convaincre et pour mieux l'instruire.

« La vie est perplexité »

José Ortega y Gasset naquit à Madrid. L'éducation d'une famille cultivée et libérale de la moyenne bourgeoisie, la pédagogie savante des Jésuites dont il fut l'élève au collège de Miraflores de Palo (Málaga) – et où il perdra la foi catholique –, l'enseignement de la faculté de Deusto (Bilbao) puis de la faculté de philosophie et lettres de Madrid, telles furent les premières influences qu'il reçut. En 1904, il est docteur, avec une thèse sur Los Terrores del año mil. Crítica de una leyenda. Mais l'essentiel de sa formation philosophique, Ortega le doit à l'Allemagne où, de 1905 à 1907, il poursuit ses études aux universités de Leipzig, de Berlin – où enseignait Georg Simmel – et de Marburg où il fut l'élève d'Hermann Cohen et de Paul Natorp. « Pendant dix ans, écrira-t-il plus tard, j'ai vécu dans la pensée kantienne ; je l'ai respirée comme une atmosphère, et elle a été à la fois ma demeure et ma prison. » Nommé en 1910 professeur de métaphysique à l'université de Madrid (où il succède au krausiste Salmerón), il y dispensa son enseignement jusqu'en 1936, donnant à sa chaire de philosophie un rayonnement éclatant auquel contribuent d'incessantes publications, des articles (depuis 1902), des livres (à partir de 1914), d'innombrables conférences, ses prises de position politiques et une activité féconde dans l'édition.

Ce « professeur de philosophie in partibus infidelium », comme il s'appelle lui-même, devient vite alors, en Espagne et en Amérique latine, une figure prestigieuse. La Revista de Occidente, qu'il fonda en 1923 et qui parut jusqu'en juillet 1936, doublée d'une maison d'édition, joue alors un rôle de premier plan dans la vie intellectuelle espagnole. De 1931 à 1933, il fut député aux Cortes constituantes, au service de la République dont il se proposait d'« organiser l'allégresse » mais qui le déçut vite. Il se retire alors peu à peu de la politique. Après le soulèvement de Franco en 1936, n'ayant pas pris parti dans la lutte civile, Ortega réside successivement en France, en Hollande, en Argentine, au Portugal ; il ne revient en Espagne qu'en 1945, sans y accepter de poste officiel, à l'écart du régime franquiste. La diffusion de ses œuvres, abondamment traduites, des conférences aux États-Unis (1949), en Allemagne et en Suisse (1949 et 1951), la fondation à Madrid, en 1948, de l'Instituto de humanidades, la rédaction de quelques livres d'importance capitale, tout cela concourt, pendant ces années, à faire connaître une pensée qui se voulait directement aux prises avec la réalité, enracinée au cœur même de la vie. José Ortega y Gasset mourut à Madrid.

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Pour citer cet article

Bernard SESÉ. ORTEGA Y GASSET JOSÉ (1883-1955) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • OCAMPO VICTORIA (1890-1979)

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 771 mots

    Née à Buenos Aires, Victoria Ocampo appartenait à une famille traditionnelle de la haute société argentine. Sa sœur Silvina (1903-1993), épouse à partir de 1940 d'Adolfo Bioy Casares, devait révéler, dans le domaine fantastique, un talent d'une grande originalité. Dès l'enfance Victoria...

  • SOCIÉTÉ DE MASSE

    • Écrit par Pierre BIRNBAUM
    • 3 717 mots
    La société de masse a trouvé ses plus violents critiques au xxe siècle, époque qui connaît, en effet, une surindustrialisation. Ainsi José Ortega y Gasset, influencé par le romantisme germanique, considère-t-il avec inquiétude la « révolte des masses » qui menace les élites cultivées ; ainsi...

Voir aussi