LEHMAN JEAN-PIERRE (1914-1981)

Né à Caen le 10 août 1914, Jean-Pierre Lehman est étudiant à la faculté des sciences de Paris lorsqu'il décide de partir pour Stockholm, en 1937, pour préparer son diplôme d'études supérieures au laboratoire de paléontologie du Riksmuseet. Sous la direction du professeur E. Stensio, ce laboratoire, qui est alors à la pointe de la recherche mondiale en paléontologie des vertébrés inférieurs, va exercer sur lui une influence décisive. Il s'initie alors, sous la direction de F. Brotzen, à l'étude de microfossiles de vertébrés (écailles et dents) du Dévonien de Scanie, et acquiert ainsi les principes intellectuels qui vont marquer à la fois sa personnalité et toute son œuvre scientifique. D'abord, l'étude minutieuse des faits anatomiques, jusque dans leurs moindres détails, lui apparaît comme la condition préalable et absolument indispensable à la compréhension des fossiles en tant que restes d'êtres vivants et à leur intégration rationnelle dans l'histoire évolutive. Ensuite, et corrélativement, il prend conscience de l'extrême importance d'un support technique adéquat, pris dans toutes ses acceptions que ce soient les outillages, les systèmes optiques, le matériel de dégagement perfectionné des vestiges fossilisés, ou que ce soit la maîtrise des langues étrangères et l'organisation de larges coopérations internationales. Enfin, il acquiert vis-à-vis des vastes synthèses et constructions théoriques un scepticisme lucide et souvent salutaire. Pendant les années de guerre et d'occupation, il exercera comme professeur agrégé, au lycée de Nice, et participera à la Résistance. Dès la Libération, avec l'agrément de son maître parisien, le professeur J. Piveteau, il retourne en Suède où son deuxième séjour, de 1945 à 1949, lui permet de préparer sa thèse sur les poissons triasiques de Madagascar. Il enseigne ensuite à la Sorbonne auprès du professeur Piveteau, de 1950 à 1956, année où il est élu à la chaire de paléontologie du Muséum national d'histoire naturelle.

Les travaux scientifiques originaux du professeur Lehman ont porté principalement sur les vertébrés inférieurs de l'ère primaire (Paléozoïque) et du début de l'ère secondaire notamment, le Trias (Mésozoïque). Il s'intéresse en premier aux Agnathes, vertébrés sans mâchoires (Thélodontes et Hétérestracés surtout). Chez les vertébrés munis de mâchoires, les Gnathostomes, il étudiera beaucoup les Placodermes, poissons cuirassés du Dévonien (Paléozoïque) dont il collecte lui-même les fossiles au cours de diverses missions. C'est au Tafilalet (Maroc) qu'il découvre Titanichthys, un grand placoderme. On lui doit des descriptions de divers Dipneustes (poissons pulmonés) du Dévonien du Groenland (Nilsenia, Oervigia, etc.) et de l'Éotrias de Madagascar (Paraceratodus), ainsi que des Crossoptérygiens cælacanthiformes (Piveteauia, Whithea) de ces mêmes gisements malgaches. Le thème central de ses recherches reste cependant l'étude des poissons osseux actinoptérygiens : outre les formes de l'Éotrias malgache, il décrivit en détail des genres plus anciens comme Cheirolepis (Dévonien) ou plus récents (Pachycormus, Hypsocorpnus, etc.), précisant de nombreux points sur l'anatomie et les tendances évolutives générales de ce groupe fondamental des poissons osseux. D'autres poissons, tels les Acanthodiens et les Chondrichthyens (poissons cartilagineux), firent l'objet de ses travaux. Ses recherches portèrent aussi sur les tétrapodes, et particulièrement les Amphibiens primitifs (Stégocéphales), dont il étudia les formes provenant du Trias de Madagascar et du Sahara.

Aussi importants, peut-être, que ses travaux originaux sont les nombreux articles et ouvrages de synthèse qu'il publia sur divers groupes de vertébrés inférieurs ou sur les problèmes[...]