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LA FONTAINE JEAN DE (1621-1695)

Jean de La Fontaine, H. Rigaud - crédits : Photo Josse/ Leemage/ Corbis/ Getty Images

Jean de La Fontaine, H. Rigaud

La Fontaine est à la fois l’auteur le plus unanimement célébré de la littérature française et l’un des plus difficiles à saisir. Un peu comme Perrault avec ses Contes du temps passé, il s’est identifié avec le genre ancien qu’il a rénové : ses Fables résonnent partout, dans les écoles primaires qui les inscrivent dans les mémoires juvéniles, comme à l’université, qui reconnaît en leur auteur le plus grand poète du xviie siècle. Pourtant, son œuvre, loin de ne se réduire qu’aux Fables, est d’une diversité remarquable. En outre, dans ses rapports au pouvoir, à la religion, à la création littéraire, La Fontaine présente toujours une position nuancée et personnelle, oscillant entre intégration et écart.

Une vie entre la Champagne et Paris

Jean de La Fontaine est baptisé le 8 juillet 1621 en Champagne, à Château-Thierry (aujourd’hui dans l’Aisne). Son père, maître des Eaux et Forêts, semble en pleine ascension sociale, grâce à son mariage avec la mère du poète, veuve fortunée, et l’achat d’une maison cossue. Mais la succession paternelle, en 1658, révélera des difficultés financières importantes : La Fontaine ne sera jamais riche. À cette situation gênante s’adjoint une certaine indécision de statut social. Il ne sera anobli qu’en 1664, quand il servira la duchesse douairière d’Orléans ; auparavant, il s’est parfois indûment arrogé le titre d’écuyer.

Après des études au collège de Château-Thierry, peut-être poursuivies à Paris, La Fontaine est tenté par la voie religieuse, mais ne restera qu’un an chez les Oratoriens (1641-1642). S’ouvre alors une période mal connue d’environ quinze ans, durant laquelle il réside tantôt à Château-Thierry, tantôt à Paris.

Du côté de la Champagne, il suit, sans se presser, la voie que lui traçait l’exemple paternel. Il se marie en 1647 avec Marie Héricart, apparentée à Jean Racine. Sa femme résidera toujours à Château-Thierry et ils auront un fils, Charles. La tradition, confortée par quelques témoignages de contemporains du poète, le dépeint en mari volage et en père négligent. En 1652, il est associé par son père à la charge de maître des Eaux et Forêts, qu’il exercera véritablement, avec sérieux, à partir de 1658, quand celui-ci meurt. Ce travail implique de trancher les demandes et litiges relatifs à l’exploitation du bois, ainsi que d’expertiser les forêts, étangs et pêcheries alentour.

Du côté de Paris, dans les années 1640-1650, il fréquente des jeunes gens qui hésitent comme lui entre la littérature, l’état ecclésiastique et le droit, qu’il étudie. Parmi ce groupe fréquentant les tavernes comme les milieux les plus cultivés, proches des premiers membres de l’Académie française, on compte Maucroix, son meilleur ami, futur chanoine, Furetière, Tallemant des Réaux, Pellisson.

C’est probablement ce dernier qui l’introduit auprès du brillant surintendant des Finances , Nicolas Fouquet, pour qui La Fontaine écrit Adonis (1658) et Le Songe de Vaux (1659-1661), célébrant son domaine de Vaux-le-Vicomte. La disgrâce qui frappe le ministre, arrêté sur ordre de Louis XIV en 1661, poussera le poète à effectuer son seul véritable voyage, en 1663, quand il accompagnera l’oncle de sa femme, Jannart, ancien homme de confiance de Fouquet, jusqu’en Limousin.

Dans les décennies qui suivent, les attaches de La Fontaine avec la Champagne se raréfient. Alors que l’écrivain rencontre le succès dans les années 1660 avec des Fables et des Contes toujours publiés à Paris (à l’exception des Contes de 1674), le duc de Bouillon, seigneur de Château-Thierry, lui rachète sa charge de maître des Eaux et Forêts en 1671. Il se trouve des protecteurs parisiens, la duchesse douairière d’Orléans d’abord, Madame de La Sablière ensuite, qui l’héberge pendant vingt ans à partir de 1673. Il vend sa maison de Château-Thierry en 1676. Il[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en littérature française, Sorbonne université

Classification

Pour citer cet article

Tiphaine ROLLAND. LA FONTAINE JEAN DE (1621-1695) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Jean de La Fontaine, H. Rigaud - crédits : Photo Josse/ Leemage/ Corbis/ Getty Images

Jean de La Fontaine, H. Rigaud

Les Animaux malades de la peste, gravure de Auguste Delierre - crédits : Liszt Collection/ Heritage Images/ Age Fotostock

Les Animaux malades de la peste, gravure de Auguste Delierre

<em>Le Loup et l’Agneau</em>, illustration de G.Doré - crédits :  AKG-Images

Le Loup et l’Agneau, illustration de G.Doré

Autres références

  • FABLES (J. de La Fontaine) - Fiche de lecture

    • Écrit par Christian BIET
    • 966 mots
    • 2 médias

    Jean de La Fontaine (1621-1695) a quarante-six ans quand, en mars 1668, Barbin, éditeur prestigieux de Boileau et de Racine, fait paraître les six premiers livres des Fables choisies et mises en vers par M. de La Fontaine. Elles sont précédées d'une Épître à Monseigneur le Dauphin...

  • APOLOGUE, genre littéraire

    • Écrit par Jean MARMIER
    • 441 mots

    La narration d'une anecdote à personnages animaux, ou parfois végétaux, agissant et parlant comme les humains et, le cas échéant, en leur compagnie, a toujours servi à illustrer des leçons de prudence ou de morale pour les hommes. Le genre, préexistant à la notion de genre, plonge ses racines...

  • FABLE, notion de

    • Écrit par Christophe TRIAU
    • 1 093 mots

    « Fable », issu du latin fabula, est le terme que le théâtre utilise traditionnellement pour désigner l'histoire racontée – là où le grec, et la Poétique (env. 340 av. J.-C.) d'Aristote tout particulièrement, emploie le terme muthos. Selon Aristote, la fable est le plus important...

  • FABLE

    • Écrit par Marc SORIANO
    • 3 260 mots
    Les Fables de La Fontaine ne nous dispensent pas, c'est certain, de suivre les progrès de l'entomologie contemporaine ; leur mérite – et leur réussite – est ailleurs : dans la convenance complexe entre un genre souple et un esprit libre et inventif, attentif aux événements importants et aux grands courants...
  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.

    • Écrit par Patrick DANDREY
    • 7 270 mots
    Héritier conjoint du cabaret et des salons, l’autre grand poète du règne personnel de Louis XIV, La Fontaine, conjoint dans la diversité de son œuvre l’inspiration antique et moderne, rimant alternativement la morale de la fable héritée d’Ésope et les grivoiseries du conte à l’italienne,...

Voir aussi