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INTERACTION, sciences humaines

Champ physique et champ social

Dans l'ordre physique, la représentation dynamique de l'interaction issue de la troisième analogie kantienne a pris forme sous les espèces du champ spatio-temporel de Maxwell.

« Nous sommes habitués, écrivait Maxwell, à considérer l'univers comme formé de parties, et les mathématiciens commencent d'ordinaire par considérer une particule isolée, puis ils conçoivent ses relations avec une autre, et ainsi de suite. On a communément supposé que c'est là la méthode la plus naturelle. Mais pour concevoir une particule, il faut opérer une abstraction, puisque toutes nos perceptions s'appliquent à des corps étendus, et par suite l'idée du tout, dont nous avons conscience à un moment donné, peut bien être tout aussi primitive que celle d'un objet pris individuellement. Il peut donc exister une méthode mathématique dans laquelle on procéderait du tout aux parties, au lieu d'aller des parties au tout. Ainsi Euclide, dans son livre Ier des Éléments, conçoit une ligne comme tracée par un point, une surface comme tracée par une ligne ; mais il définit aussi une surface comme la limite d'un volume, une ligne comme le bord d'une surface, un point comme l'extrémité d'une ligne. » De même, nous pouvons concevoir le potentiel d'un système matériel comme une fonction obtenue par certaines opérations d'intégration étendues aux masses des corps compris dans le champ.

« Dans les recherches électriques, nous pouvons employer des formules où figurent les distances de certains corps et leurs charges ou les courants qui les traversent, ou bien nous pouvons employer des formules où figurent d'autres quantités qui soient toutes continues dans tout l'espace.

« Les opérations mathématiques auxquelles on a recours dans la première méthode sont des intégrations le long de lignes, sur des surfaces, dans des espaces finis ; dans la seconde méthode, on procède par équations différentielles partielles et intégrations étendues à tout l'espace.

Michael Faraday - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Michael Faraday

« La méthode de Faraday semble intimement liée à la seconde de ces manières d'opérer. Jamais il ne considère des corps comme existants sans qu'il n'y ait rien entre eux que leur distance, et comme agissants l'un sur l'autre suivant une certaine fonction de cette distance. Mais il conçoit l'espace entier comme un champ de forces où les lignes de forces sont généralement courbes ; celles qui sont dues à un corps s'étendent dans tous les sens à partir de ce corps, et leur direction est modifiée par la présence d'autres corps. Il parle même des lignes de forces appartenant à un corps, comme si elles faisaient en quelque sorte partie de lui de façon qu'on ne puisse dire que, dans son action sur les corps éloignés, un corps agit là où il n'est pas. Mais ce n'est point une idée dominante chez Faraday. Je crois qu'il aurait plutôt dit que tout le champ de l'espace est rempli de lignes de forces dont l'arrangement dépend de l'arrangement des corps dans ce champ, et que l'action mécanique ou électrique qui s'exerce sur chaque corps est déterminée par les lignes qui y aboutissent. »

En ce qui touche les sciences sociales, la notion de champ n'a pas émergé avant la seconde moitié du xxe siècle. Bénéficiant alors, grâce à Lewin, de l'esprit dynamique dont la réflexion épistémologique s'est, en son ensemble, trouvée imprégnée depuis les années 1900. Soulignons bien, en effet, cette dérivation. Le concept d'interaction n'a pas apporté de lui-même un modèle valable dans l'ordre social. Il a suscité une réflexion épistémologique qui, s'exerçant secondairement sur le domaine social, y a inscrit le concept de l'interaction sociale.

Remarquons cependant qu'en s'inscrivant dans le cadre[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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Pour citer cet article

Pierre KAUFMANN. INTERACTION, sciences humaines [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Michael Faraday - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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