INDO-EUROPÉENS (archéologie)

La colonisation néolithique de l'Europe

Quant à l'hypothèse asiatique, longtemps délaissée, elle a connu une importante médiatisation à la suite du livre de l'archéologue britannique Colin Renfrew, L'Énigme indo-européenne (1987). Ce dernier s'y livre d'abord à une critique pertinente de la « paléontologie linguistique », dont il montre les incohérences. Renonçant donc à définir une protoculture indo-européenne à partir des témoignages textuels, il souhaite néanmoins se placer dans l'hypothèse d'un mouvement migratoire général à partir d'un berceau originel unique. Dans ce cas, une seule migration indiscutable et de grande ampleur a eu lieu dans la préhistoire de l'Europe depuis que l'homme moderne y est apparu : la colonisation du continent, entre le VIIe et le Ve millénaire, par des agriculteurs-pasteurs néolithiques issus du Proche-Orient ; en deux millénaires, ceux-ci remplacent partout, en les assimilant, les petits groupes de chasseurs-cueilleurs mésolithiques qui y nomadisaient jusque-là. Renfrew décide donc d'attribuer cette indubitable migration à celle, supposée, du peuple indo-européen originel.

Pour élégante et économique qu'elle soit, cette hypothèse souffre néanmoins de nombreuses faiblesses. Rien ne démontre en effet que ces colonisateurs parlaient des langues indo-européennes, qui proviennent de surcroît d'une région où presque aucune langue indo-européenne n'est attestée à l'époque historique. Il faudrait en outre expliquer l'existence en Europe de langues non indo-européennes postérieures à cette colonisation : linéaire A de la Crète minoenne, étrusque, langues ibériques, basque, picte. Les ressemblances entre langues indo-européennes ne s'organisent pas non plus selon l'axe de diffusion de la colonisation néolithique, du sud-est vers le nord-ouest. Curieusement, Renfrew rejette une partie du cahier des charges indo-européen (la paléontologie linguistique, qui dans tous les cas ne contient aucun terme attribuable à une faune ou à une flore méditerranéennes ; la mythologie comparée dumézilienne, qui suppose une société hiérarchisée et guerrière), mais en conserve pourtant l'hypothèse principale, celle d'une migration unique.

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Écrit par

  • Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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Pour citer cet article

Jean-Paul DEMOULE, « INDO-EUROPÉENS (archéologie) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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