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FANTIN-LATOUR IGNACE HENRI (1836-1904)

<it>Un coin de table</it>, Fantin-Latour - crédits :  Bridgeman Images

Un coin de table, Fantin-Latour

Peintre français. L'œuvre de Henri Fantin-Latour réalise éminemment le vœu de Baudelaire qui, dans le Salon de 1845, souhaitait l'avènement de peintres sachant exprimer la poésie de la vie moderne. Il appartient à la génération qui commence à s'affirmer vers 1860 (plus particulièrement au groupe hétéroclite qui exposa en 1863 au Salon des refusés). Il bénéficie donc de l'acquis du réalisme, et surtout des grandes compositions à sujets modernes de Courbet (Un enterrement à Ornans, L'Atelier du peintre) qui le frappent et l'émeuvent durablement à l'Exposition universelle de 1855. Mais bien qu'il ait fréquenté pendant quelques mois (1861) l'atelier de Courbet, il n'adopte pas le refus de l'imagination qui est, au moins théoriquement, un des aspects du réalisme militant ; il garde la nostalgie du romantisme, de sa poésie fiévreuse et trouble, enrichie de suggestions littéraires. L'enseignement de Lecoq de Boisbaudran, dont il a été l'élève de 1850 à 1853, n'est pas étranger à cette double affinité, car il lui a enseigné à la fois une représentation fidèle et un art de suggestion. Ces deux tendances complémentaires lui inspirent deux productions très différentes — réaliste, d'une part, avec surtout de nombreuses natures mortes de fleurs ; idéaliste, d'autre part, avec des compositions à sujets littéraires ou musicaux —, mais toutes deux se caractérisent également par un sens très personnel de l'intime et de l'indéterminé, et par une matière dense, à la fois brumeuse et finement colorée, qui enveloppe chaque motif, réaliste ou imaginaire, dans une atmosphère spirituelle, rêveuse ou méditative. Cette peinture, toute en continuité, en accords, en clairs-obscurs, est une sorte d'équivalent plastique de la musique de Wagner, dont Fantin-Latour fut l'illustrateur et l'admirateur passionné (Tannhäuser au Venusberg, 1864, Los Angeles County Museum of Art ; Tannhaüser, 1886, Cleveland Museum of Art). Ses portraits, en particulier les célèbres portraits de groupes, qui réunissent, à la manière des grands portraits collectifs hollandais, des artistes du temps associés par leurs affinités spirituelles, expriment l'accord d'une réalité banale — les toilettes, les décors, empruntés à la vie de chaque jour — et d'une sensibilité grave, mystérieuse, assez paradoxale, proche du spleen baudelairien (Hommage à Delacroix, 1864 ; Atelier aux Batignolles, 1870 ; Un coin de table, 1872 ; La Famille Dubourg, 1878 ; Autour du piano, 1885 ; tous ces tableaux au musée d'Orsay, Paris). Fantin-Latour est aussi l'auteur de lithographies où le noir et le blanc s'enchevêtrent et forment un tissu d'ombres équivoques, particulièrement propices au jeu des correspondances musicales.

— Pierre GEORGEL

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Pour citer cet article

Pierre GEORGEL. FANTIN-LATOUR IGNACE HENRI (1836-1904) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Un coin de table</it>, Fantin-Latour - crédits :  Bridgeman Images

Un coin de table, Fantin-Latour

Autres références

  • IMPRESSIONNISME

    • Écrit par Jean CASSOU
    • 9 484 mots
    • 32 médias
    ...Zola. On se réunit le vendredi soir au café Guerbois, avenue de Clichy, non loin de l'atelier de Manet. D'autres artistes et hommes de lettres viennent grossir cette « école des Batignolles » :Fantin-Latour, Degas, le paysagiste Guillemet, le graveur Desboutin, Stevens, Duranty, Zola, Zacharie Astruc.
  • MANET À LA MARGE DE L'IMPRESSIONNISME - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 339 mots

    1859 Après avoir étudié dans l'atelier de Thomas Couture (1850-1856), Manet (1832-1883), qui a l'habitude de faire des copies au Louvre, y rencontre Fantin-Latour (1857) puis Degas.

    1861 Manet expose pour la première fois au Salon. Il cherchera toujours à participer à cette manifestation,...

  • WHISTLER JAMES ABBOTT McNEILL (1834-1903)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 3 208 mots
    • 6 médias
    ...l'aquarelle, l'eau-forte), en même temps qu'il apprenait la peinture dans l'atelier très traditionnel de Charles Gleyre, où il s'était inscrit. Il s'y lia avec des artistes britanniques eux aussi en séjour à Paris, Edward Poynter et l'illustrateur George du Maurier, ainsi qu'avec des Français,...

Voir aussi