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HAWKS HOWARD (1896-1977)

Un gabarit « hors catégorie »

On ne peut entièrement le suivre lorsqu'il prétend s'intéresser aux « gens normaux ». Ils sont normaux, certes, par leurs réactions. Hawks prend le plus grand soin d'en affaiblir la portée morale ou dramatique à force d'humour et de retenue. C'est un principe chez lui : « Jouer toujours à fond en sens contraire de la scène. » Mais tous les hommes de métier, et tous les séducteurs connaissent le pouvoir du détachement dans la conquête. Ils savent qu'il faut parler bas pour se faire entendre. Mais le discours, bien entendu, demeure.

Les personnages normaux de Hawks sortent totalement du commun. Les pilotes de course qu'il dépeint ne sont pas plus affectés par les dangers de leur profession que ne le serait un chauffeur de taxi par ses courses quotidiennes. Seulement Hawks s'intéresse aux pilotes de course et non aux chauffeurs de taxi. Et il enferme ses héros dans des situations excessives. Rien ne l'intéresse comme l'excès, l'envol, la folie, la mort. Tout se passe comme s'il voulait sans cesse mettre son film en péril, comme il met ses personnages en danger. C'est sa propre maîtrise qu'il veut éprouver avant d'exalter celle de ses héros.

Le sentiment du risque définit assez bien la beauté de ses films. On ne peut pas, comme il l'a fait, répéter indéfiniment les mêmes thèmes dramatiques (le défi créateur d'amitié, l'amitié menacée par la femme, la logique comme soutien de la morale, et la compétence professionnelle érigée en valeur absolue) sans vouloir tout remettre en jeu à chaque film, à chaque scène de film. Dans Viva Villa (1934, film achevé et signé par Jack Conway), le journaliste américain qui accompagne le chef révolutionnaire annonce prématurément à son journal la prise d'une place forte. Il demande à Pancho Villa de gagner la bataille qu'il a décrite dans son article. Villa proteste violemment et finit par céder. Il attaque et conquiert la place forte pour ne pas faire mentir son ami. C'est une idée insensée, à la fois exaltante et drôle, une embardée ironique au cœur de l'épopée. On imagine la joie mesurée du pilote conduisant le film à la limite de ses possibilités.

On comprend dès lors pourquoi Hawks prend si aisément appui sur la tradition des genres qui a soutenu le cinéma américain cinquante années durant. Il ne s'enferme jamais dans les règles d'un genre : western, biographie de gangster, mélodrame guerrier, comédie sophistiquée, film noir, comédie musicale. Chacun d'eux lui fournit au contraire un axe de recherche tout trouvé, une magnifique piste d'envol. Il tire toutes les conséquences logiques, et morales, de prémices conventionnelles ou fictives. La comédie, son genre de prédilection, autorise – elle commande même – la plus grande vivacité d'exécution. Hawks ne charge les siennes d'aucune considération satirique qui pourrait en alourdir l'entrain. Il joue simplement le jeu des situations, il les enchaîne en passant les vitesses et il dévale, sans qu'on y songe, dans l'absolu de la dérision. La fantaisie fait place au fantastique, l'humour à la gêne. Dans L'Impossible Monsieur Bébé, Cary Grant, à quatre pattes, la nuit, dans un parc, dispute à un chien un os de dinosaure. À l'extrême opposé, le western ouvre l'espace et concrétise dans ses conflits toutes les contradictions de notre morale occidentale. Là encore, Hawks se contente de libérer les virtualités essentielles du genre. Il ne brode pas sur la trame des conventions, mais il en fait apparaître l'évidente nécessité. Il se meut donc à l'aise dans le stéréotype des fictions auxquelles il fait livrer leur part de vérité et de folie. La fiction est précisément l'élément convenu entre lui et le public. Elle soutient le film comme l'air soutient l'avion, mais le[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Claude-Jean PHILIPPE. HAWKS HOWARD (1896-1977) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Seuls les anges ont des ailes, H. Hawks - crédits : Hulton Archive/ Moviepix/ Getty Images

Seuls les anges ont des ailes, H. Hawks

Lauren Bacall - crédits : Sunset Boulevard/ Corbis Historical/ Getty Images

Lauren Bacall

Autres références

  • BACALL LAUREN (1924-2014)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 647 mots
    • 1 média
    Betty Bacal n'a que dix-huit ans lorsqueHawks l'engage et la forme durant de nombreux mois, changeant jusqu'à son nom en Lauren Bacall, avant de la faire jouer dans Le Port de l'angoisse (To Have and Have Not, 1944). Hawks avait beaucoup transformé, avec la collaboration de William Faulkner...
  • BRENNAN WALTER (1894-1974)

    • Écrit par Universalis
    • 413 mots

    L 'acteur américain Walter Brennan est familier des cinéphiles pour ses rôles de cow-boys et de vieux bonshommes irascibles.

    Né le 25 juillet 1894 à Lynn ou à Swampscott, dans le Massachusetts, Walter Brennan fait ses débuts au cinéma en 1923 comme figurant et cascadeur. Il obtient son premier...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    Mais le registre de Capra demeure limité. Howard Hawks et Leo Mac Carey, qui sont ses rivaux en matière de comédie, ont un projet bien plus vaste. Pour l'un et l'autre, la comédie représente simplement le terme privilégié d'une alternative personnelle. L'œuvre de Hawks oscille entre le burlesque (...
  • CLIFT MONTGOMERY (1920-1966)

    • Écrit par Universalis
    • 644 mots
    • 1 média

    Montgomery Clift est né le 17 octobre 1920 à Omaha (Nebraska). Acteur américain réputé pour la profondeur émotionnelle et la vulnérabilité qu'il apporte à ses rôles, il participe, avec Marlon Brando et James Dean, à la définition d'un nouveau paradigme de héros du cinéma américain....

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Voir aussi