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SÉRIELLE HISTOIRE

Pour étudier la disposition des phénomènes dans le temps, l'histoire sérielle constitue le fait historique en séries temporelles d'unités homogènes et comparables pour en mesurer l'évolution par intervalles de temps donnés et réguliers. L'histoire sérielle, dénomination dont la paternité revient à Pierre Chaunu, se distingue dès 1960 de l'histoire quantitative qui envisage la reconstitution complète d'une comptabilité nationale. Les tendances (trends), les cycles et les conjonctures de crise, dessinés par les séries de prix, de naissances ou de production, éclairent, selon des modalités renouvelées, le débat, inhérent à l'histoire, de la permanence et du changement.

Principes et origine

L'histoire sérielle est le fruit d'une greffe réussie au cours des années 1930. En France, l'héritage de la sociologie durkheimienne, qui traite les faits sociaux comme des choses, est la source de cette approche. S'appuyant sur la transposition de la démarche sociologique à l'économie réalisée par François Simiand au début du xxe siècle, le mouvement vers une histoire sérielle prend forme avec les ouvrages essentiels d'Ernest Labrousse (Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au XVIIIe siècle, 1933 ; La Crise de l'économie française à la fin de l'Ancien Régime et au début de la Révolution, 1944) ; ces travaux reposent, tout à la fois, sur le retour à des sources originales et sur les principes dégagés par Simiand qui associent les procédés de mise en série des prix et le jeu de moyennes mobiles.

À l'époque, le débat entre Henri Hauser, professeur d'histoire économique à la Sorbonne, et Labrousse révèle les postulats fondamentaux sur lesquels repose l'histoire sérielle. D'un côté, Hauser célèbre la qualité des sources privées comme les livres de raison, qui donnent des séries brèves (la vie d'un adulte) et discontinues (toutes les marchandises et tous les prix n'y figurent pas chaque année), mais qui sont des documents « singulièrement sincères portant sur des prix réellement payés ». Et Hauser met en garde sur le danger qu'il y a à sacrifier la recherche de la « véritable réalité historique » au désir de continuité apparente. Face à lui, Labrousse découvre les vertus d'une source, la mercuriale, qui donne le prix moyen du marché enregistré par les envoyés des intendants. D'un côté la « réalité », de l'autre une construction ; d'un côté des prix singuliers, de l'autre des mesures comparables ; d'un côté de brèves séquences, de l'autre de longues séries. Mais le saut accompli par Labrousse tient à ce qu'il réussit à démontrer la validité de ses sources en recourant à la fois aux procédés de la critique historique et à ceux des tests de cohérence statistiques. Presque quarante ans plus tard, François Furet retrouve les termes de l'opposition entre Hauser et Labrousse pour expliquer la révolution sérielle : « Le document, la donnée n'existent plus en eux-mêmes, mais par rapport à la série qui les précède et les suit ; c'est leur valeur relative qui devient objective et non leur rapport à une insaisissable substance “réelle” ».

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Écrit par

  • : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II

Classification

Pour citer cet article

Olivier LÉVY-DUMOULIN. SÉRIELLE HISTOIRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HISTOIRE (Domaines et champs) - Anthropologie historique

    • Écrit par André BURGUIÈRE
    • 3 148 mots
    • 1 média
    ...heuristique de l'histoire quantitative a transféré l'explication à un modèle anthropologique. En quantifiant l'ampleur et le rythme des changements observés, l'histoire sérielle échappe à la subjectivité des témoignages et révèle des phénomènes restés inaperçus des acteurs eux-mêmes qu'elle parvient à...

Voir aussi