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CARTAN HENRI (1904-2008)

Mathématicien français ayant exercé une influence considérable sur son siècle, Henri Cartan s'est éteint à Paris le 13 août 2008, à l'âge de cent quatre ans. Fils du géomètre de grand renom Élie Cartan (1869-1951), il était né à Nancy le 8 juillet 1904. Dernier représentant de la génération Bourbaki, professeur à l'École normale supérieure pendant vingt-cinq ans, Henri Cartan a marqué d'une forte empreinte les mathématiques françaises non seulement par ses travaux sur les fonctions analytiques et la topologie algébrique, mais aussi à travers les hautes responsabilités pédagogiques et institutionnelles qu'il a remplies durant sa longue carrière.

Bourbaki - crédits : Private Collection/ Archives Charmet/ Bridgeman Images

Bourbaki

À l'instar de ses collègues Jean Dieudonné (1906-1992), André Weil (1906-1998) et Claude Chevalley (1909-1984) avec lesquels – et quelques autres – il fondera le groupe Bourbaki en 1935, Cartan fait partie d'une génération profondément marquée par la Première Guerre mondiale. À l'École normale que ces jeunes gens fréquentent dans les années 1920, la mémoire d'une génération sacrifiée est alors très présente. Même si les liens scientifiques avec l'Allemagne sont rompus, l'héritage mathématique français est assez riche pour leur permettre de faire de belles thèses de doctorat. Dirigée par Paul Montel (1876-1975), celle de Cartan, en 1928, intitulée Sur les systèmes de fonctions holomorphes à variétés linéaires lacunaires et leurs applications, concerne les fonctions d'une ou plusieurs variables complexes.

En 1931, Cartan fait la connaissance, à Munich, du mathématicien Heinrich Behnke (1898-1979). La reprise des relations mathématiques avec l'Allemagne est un choc pour les jeunes Français. À Göttingen, Hambourg ou Munich, ces derniers se familiarisent avec une conception abstraite des mathématiques, où l'algèbre moderne, plutôt que l'analyse, paraît être le modèle à suivre. Ces considérations motivent la formation du groupe Bourbaki qui regroupe une petite dizaine de jeunes maîtres de conférences enseignant dans les universités françaises. Si leur but initial est d'écrire un traité d'analyse, le projet évolue vers une entreprise encyclopédique, dans laquelle Cartan s'engage pleinement, visant à exposer les structures fondamentales de « la mathématique », selon l'usage alors adopté. On doit entre autres à Cartan l'introduction, en 1937, de la notion de filtre, qui généralise les propriétés du voisinage d'un point et servira à fonder la topologie dans les Éléments de mathématique de Nicolas Bourbaki.

Les mathématiques structurales s'incarnent aussi dans ses travaux de recherches. Cartan adopte une approche algébrique pour traiter les problèmes relatifs à la théorie des fonctions, en se servant abondamment de la notion de faisceau. Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, il aborde le domaine de la topologie algébrique. Il utilise les outils de l'algèbre et de la théorie des catégories pour étudier les propriétés d'invariance naturelle des espaces topologiques. Son calcul explicite des algèbres d'Eilenberg-MacLane et son utilisation systématique de la cohomologie des faisceaux sont des étapes essentielles dans le développement de ce domaine. Dès 1947, Cartan entame une fructueuse collaboration avec le mathématicien américain d'origine polonaise Samuel Eilenberg (1913-1998). Le traité qu'ils écrivent ensemble, Homological Algebra (1956), donne son cadre théorique à la topologie algébrique (les foncteurs dérivés). Sur cette base, la géométrie algébrique connaîtra un essor exceptionnel dans les années 1950 et 1960 aux mains de Jean-Pierre Serre et Alexandre Grothendieck.

Après être passé par Lille et Strasbourg, Cartan est nommé à la Sorbonne en 1940 et chargé de l'enseignement des mathématiques à l'École normale. Occupant ce[...]

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Pour citer cet article

David AUBIN. CARTAN HENRI (1904-2008) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Bourbaki - crédits : Private Collection/ Archives Charmet/ Bridgeman Images

Bourbaki

Autres références

  • BOURBAKI NICOLAS (XXe s.)

    • Écrit par André MARTINEAU
    • 1 740 mots
    • 1 média
    ...mais on en sort librement, et, en principe, automatiquement dès qu'on a dépassé l'âge de cinquante ans. Les fondateurs désignés par la tradition sont H.  Cartan, C.  Chevalley, J.  Delsarte, J.  Dieudonné et A.  Weil. Ils sont tous anciens élèves de l'École normale supérieure de Paris, et ils ont appartenu...
  • FONCTIONS ANALYTIQUES - Fonctions de plusieurs variables complexes

    • Écrit par André MARTINEAU, Henri SKODA
    • 8 347 mots
    ...(z)| pour ∈ K. Si on désigne par K̂ l'ensemble des points ∈ U tels que :
    pour toute fonction f holomorphe dans U, le théorème de Cartan-Thullen affirme que U est un ouvert d'holomorphie si et seulement si, pour tout compact K ⊂ U, l'ensemble K̂ est compact. Il s'agit d'une caractérisation...
  • NICOLAS BOURBAKI (A. Aczel)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 894 mots

    Sous-titré « Histoire d'un génie des mathématiques qui n'a jamais existé », le livre (éd. J.-C. Lattès, Paris, 2009) qu'Amir Aczel – chercheur au Centre d'histoire des sciences de l'université de Boston (États-Unis) – consacre au groupe Bourbaki et à son influence sur les mathématiques du ...

  • POTENTIEL THÉORIE DU

    • Écrit par Arnaud de la PRADELLE
    • 6 139 mots
    H. Cartan a montré qu'il y avait identité entre ensemble polaire et ensemble de capacité extérieure nulle dans un ouvert borné. Il a aussi démontré le théorème suivant, qui avait été obtenu précédemment par M.  Brelot pour la capacité intérieure. Ce théorème est la clef de toutes les études fines de...

Voir aussi