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AGRIPPA VON NETTESHEIM HEINRICH CORNELIUS (1486-1535)

L'humaniste Henri Corneille, en fait Heinrich Cornelius Agrippa, est né à Cologne (Colonia Agrippina, d'où son nom d'Agrippa). Son ouvrage De occulta philosophia (La Philosophie occulte, Cologne, 1531-1533), non moins souvent réédité et traduit que la palinodie qu'il en publia dès 1530 De incertitudine et vanitate scientiarum declamatio invectiva (Paradoxe sur l'incertitude, la vanité et l'abus des sciences), a été une des sources de l'occultisme, dont Éliphas Lévi, inventeur du mot, fut un des principaux vulgarisateurs.

Ce personnage, dont la vie aventureuse prêta très tôt à la légende, nous est connu surtout par une correspondance, dont il n'existe pas encore d'édition critique (ses lettres sont rarement datées, et adressées à ou envoyées par des correspondants non identifiés). Agrippa, qui se présente comme jurisconsulte, eques auratus, médecin, astrologue, théologien, parcourt l'Europe au service de grands personnages tels que l'empereur Maximilien, Marguerite d'Autriche, Louise de Savoie. Il fréquente aussi Symphorien Champier, qui fut pendant un temps médecin à Pavie, le converti Augustinus Ricius, élève d'Abraham Zacuto, qui, astronome et kabbaliste, publia en Italie De motu octavae spherae (Du mouvement de la huitième sphère, 1513) — qu'une autre connaissance d'Agrippa, le lecteur au Collège trilingue, Oronce Fine, lui-même occupé d'astrologie et d'alchimie, rééditera —, le peintre Jean Perréal, qui est l'auteur du poème alchimique La Complainte de Nature. Devenu expert dans l'art de Lulle avec les frères Canter, il se recommande de Jean Trithème, auteur de la Steganographia, qui a hérité de son maître, le mystérieux Libanius Gallus — originaire de Saint-Quentin comme le détracteur de Trithème, Charles de Bouelles —, la bibliothèque magique de l'ermite de Majorque, Pelagius, dont Jean Pic de la Mirandole parle dans son De rerum praenotione (De la prénotion de choses, 1506). Il étudie l'exégèse avec Jean Colet ; il correspond avec Érasme ; il intervient dans les débats de la Pré-Réforme en faveur de Jean Reuchlin, de Jacques Lefèvre d'Étaples ; il défend une sorcière — comme le fera son élève Jean Wier dans un De praestigiis daemonum (De l'imposture et tromperie des diables, 1564) — et s'attire la colère des inquisiteurs.

Les deux œuvres majeures d'Agrippa ont fait et font encore problème. Agrippa est à la fois le type du mage — qui a pillé les auteurs anciens et modernes, notamment l'œuvre de Louis Lazzarel, celle de Pic de la Mirandole, celle de Jean Reuchlin, celle du converti Paul Rici, ainsi que le De harmonia mundi (L'Harmonie du monde) de François Georges de Venise — et un représentant de la pensée sceptique étudiée par R. H. Popkin, qui a préfacé la réédition, en 1970, des Opera omnia. La publication de la première édition du De occulta philosophia par K. A. Nowotny (1967), avec les travaux de Paola Zambelli tant sur Agrippa que sur tout le contexte magique, a commencé à éclairer cette figure caractéristique d'une Renaissance qui n'est plus coupée du Moyen Âge.

— François SECRET

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

François SECRET. AGRIPPA VON NETTESHEIM HEINRICH CORNELIUS (1486-1535) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
    • 6 020 mots
    ...conception psychocosmique. Paracelse évoque un corps astral des âmes et entre les âmes, Patrizi une pampsychia, Giordano Bruno une âme universelle. Chez Cornelius Agrippa, l'intellect, c'est l'âme du monde : il est vrai qu'Agrippa se livre à la hiérarchisation décroissante pur intellect-raison-âme...
  • KABBALE

    • Écrit par François SECRET, Gabrielle SED-RAJNA
    • 7 223 mots
    ...nom les leçons qu'il avait faites pour expliquer les deux séries de thèses kabbalistiques de Pic de La Mirandole. La plupart de ces auteurs, auxquels H. C. Agrippa (1486-1535) fit d'abondants emprunts pour son De occulta philosophia (« La Philosophie occulte », 1533), furent recueillis dans l'in-folio...
  • OCCULTISME

    • Écrit par René ALLEAU
    • 1 322 mots
    ...mort de son inventeur Éliphas Lévi (A. L. Constant, 1810-1875). L'usage de ce substantif a consacré un sens inadéquat qu'un humaniste du xvie siècle, H. C. Agrippa, avait vulgarisé par le titre même de son traité célèbre : De occulta philosophia. Dans cette compilation de seconde main furent...