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GUIMARD HECTOR (1867-1942)

Libellules en fonte ou squelettes d'animaux préhistoriques ?

Sitôt que les projets du métro parisien parurent près d'aboutir, les architectes, par le canal de leurs associations et de leurs journaux, avaient demandé aux autorités l'exclusivité de l'étude et de l'exécution de tout ce qui serait vu du chemin de fer souterrain. Les voitures elles-mêmes devraient s'éloigner du type « boîte » tandis que les stations auraient un aspect « artistique » : les ingénieurs, fussent-il polytechniciens, n'auraient à se mêler que des questions strictement de leur ressort, les voies et la traction.

La jeune Compagnie du métro lança donc un concours portant sur les édicules destinés à couvrir les entrées des stations souterraines. Sur la vingtaine de concurrents, aucun ne se rattachait à l'Art nouveau et ce fut dommage pour eux car le banquier Adrien Bénard, président du conseil d'administration de la Compagnie, en raffolait : il avait fait décorer la salle à manger de sa villa de Champrosay dans le goût « végétal » par le sculpteur Alexandre Charpentier (elle est aujourd'hui conservée au musée d'Orsay). Guimard fréquentait le salon des Charpentier où il rencontrait ses amis Sauvage et Francis Jourdain, et c'est sans doute par l'intermédiaire du vieux maître qu'il fit la connaissance de Bénard. Sans hésiter, celui-ci lui confia la commande complète des édicules.

Lancé dans la quête d'une Beauté exprimée par les moyens de son époque, Guimard décida d'utiliser un matériau à la fois économique et plastique, la fonte de fer. Son caractère pâteux, impropre à tout moulage exigeant du fini, fut employé par l'architecte pour souligner l'ossature de ses abris. La couverture relevée des édicules – disposition classique dans les abris des gares – les fit comparer à des libellules déployant leurs ailes, nouvel avatar pour un insecte que les praticiens de l'Art nouveau avaient obligé à se transformer en lit ou en bijou. À la Bastille, l'architecte implanta un pavillon unique en son genre, sorte de synthèse de tous les autres modèles répandus dans Paris, avec une superbe entrée en forme d'arc outrepassé, figure que Mucha, au même moment, employait lui aussi beaucoup.

Mais les balustrades et les lampadaires en forme de tiges qui entouraient la plupart des escaliers de descente aux stations sont soudain qualifiés par des grincheux de « fragments de squelette d'ichtyosaure ». L'inscription « Métropolitain », dessinée par Guimard, est considérée comme illisible par les enfants et les touristes. En 1902, l'Art nouveau n'est plus dans le vent : la pieuvre du Modern Style semblait s'être attaquée en vain aux colonnes inébranlables du temple classique. La Compagnie du métro refuse les plans que Guimard avait proposés pour la station Opéra. Elle prétend qu'il faut harmoniser cette gare avec le monument de Garnier. Pour cette noble tâche, rien ne vaut un Premier Grand Prix de Rome : on choisira l'architecte Cassien-Bernard qui sera l'auteur de la traditionnelle balustrade en pierre que l'on connaît.

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Classification

Pour citer cet article

Roger-Henri GUERRAND. GUIMARD HECTOR (1867-1942) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) - Fer et fonte

    • Écrit par Henri POUPÉE
    • 4 357 mots
    • 6 médias
    ...puissante, et pas seulement en France. Ceux qui participèrent au grand mouvement de rénovation des arts plastiques des années 1890 se réfèrent tous à ses écrits : le Catalan A. Gaudi, le Belge V. Horta, le Hollandais P. Berlage, le Français H. Guimard enfin, connu surtout pour ses entrées du métro.
  • ART NOUVEAU

    • Écrit par Françoise AUBRY
    • 8 824 mots
    • 23 médias
    En 1895, l'architecte françaisHector Guimard (1867-1942) découvre les travaux de Horta à Bruxelles. Il est alors occupé à élaborer les plans du Castel Béranger, dont la conception est fort inspirée par Viollet-le-Duc. La rencontre avec Horta va libérer chez Guimard un élan créateur qui le pousse...
  • JUGENDSTIL

    • Écrit par Robert L. DELEVOY
    • 236 mots

    Terme allemand dérivé du périodique Jugend fondé à Munich en 1896, « Jugendstil » est utilisé pour désigner l'art néo-baroque des années 1900, lui-même différemment qualifié selon les pays d'Europe où il se développe : Art nouveau, style Guimard (selon les entrées décoratives...

  • PARIS

    • Écrit par Jean-Pierre BABELON, Michel FLEURY, Frédéric GILLI, Daniel NOIN, Jean ROBERT, Simon TEXIER, Jean TULARD
    • 32 119 mots
    • 21 médias
    ...et escaliers des tourelles sont autant de contributions, visibles ou invisibles, à la stabilité et à l'esthétique de l'ensemble. Dans le même temps, Hector Guimard, Jules Lavirotte, Gustave Schoelkopff ou Charles Plumet livrent les œuvres le plus significatives de l'Art nouveau parisien : le premier...

Voir aussi