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JONAS HANS (1903-1993)

Le trajet philosophique de Hans Jonas a connu une ligne de développement sinueuse, sur laquelle on peut distinguer au moins trois étapes. Si les recherches sur la gnose et le gnosticisme ont dominé au début de son activité théorique, il s'est orienté, à partir de la Seconde Guerre mondiale, vers les questions d'ontologie, pour se concentrer finalement sur les questions d'éthique.

Profondément marqué à ses débuts par la philosophie de l'existence de Heidegger, dont il fut l'étudiant dans les années vingt, Jonas s'est éloigné progressivement de la pensée de son maître pour arriver à une position très critique ; l'adhésion de l'auteur de Sein und Zeit au national-socialisme a servi, en l'occurrence, de catalyseur.

Né en 1903 à Mönchengladbach, ville industrielle du sud de la Rhénanie, où son père possédait une entreprise textile, Hans Jonas adhère très jeune au mouvement sioniste, la lecture des livres de Martin Buber l'y ayant préparé. Il fait des études successivement à Fribourg, où il participe en 1921 aux séminaires de Husserl et du jeune privatdozent Martin Heidegger, à Berlin où il suit, entre autres, l'enseignement d'Ernst Troeltsch et, finalement, à Marbourg, où il achève sa formation sous la direction de ses deux maîtres à penser : le théologien protestant Rudolf Bultmann et Martin Heidegger. L'amitié avec Hannah Arendt, qui va se prolonger pendant des décennies, date de cette période.

Les premiers travaux de Jonas portent sur Le Concept de gnose (titre de la dissertation avec laquelle il obtient le titre de docteur en philosophie) et sur Augustin et le problème paulinien de la liberté (1930), mais son premier grand livre est Gnosis und spätantiker Geist (La Gnose et l'esprit de l'Antiquité tardive), dont le premier tome paraît en 1934 à Göttingen, dans une collection dirigée par Rudolf Bultmann. L'instauration du régime nazi rend impossible l'impression du second tome. En septembre 1933, Jonas fuit l'Allemagne pour se réfugier à Londres, mais, fidèle à ses convictions sionistes, il débarque en 1935 en Palestine. Il y participe entre 1936 et 1939 aux actions de la Haganah, organisation juive paramilitaire ; à l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, il rejoint la brigade de volontaires juifs qui va combattre, en 1943-1944, dans les rangs des Alliés, sur le front de l'Italie et ensuite en Allemagne, et participe à la libération de la Bavière. En apprenant que sa mère est morte à Auschwitz, Jonas refuse la proposition de l'éditeur allemand, qui en avait conservé les épreuves, d'imprimer le second tome de son livre sur la gnose. Ce n'est qu'en 1954 qu'il va donner finalement son accord pour la publication de ce volume, qui sera dédié à la mémoire de sa mère.

Professeur dans des universités canadiennes entre 1949 et 1955, c'est finalement aux États-Unis qu'il fait sa carrière universitaire : à partir de 1955, il enseigne à la New School for Social Research, puis, en tant que professeur invité, à Princeton et à Columbia University. En 1987, il reçoit le prix de la paix du Deutsches Buchhandel.

Les travaux de Hans Jonas sur la gnose et le gnosticisme ont renouvelé la littérature sur le sujet ; ses ouvrages font date par la profondeur de leurs analyses. Si l'approche du phénomène du gnosticisme est influencée, dans son premier ouvrage important, Gnosis und spätantiker Geist, par l'“analytique existentielle” de Heidegger, la synthèse finale, The Gnostic Religion. The Message of the Alien God and the Beginnings of Christianity (1958) élargit considérablement la perspective en faisant place au contexte socio-historique de l'Antiquité finissante ; le gnosticisme est situé par rapport à la philosophie grecque qui le précède (le stoïcisme au premier chef) et par rapport au christianisme[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Nicolas TERTULIAN. JONAS HANS (1903-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LE PRINCIPE RESPONSABILITÉ, Hans Jonas - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 803 mots

    Œuvre de maturité, Le Principe Responsabilité, paru en Allemagne en 1979, a reçu une audience qui dépasse de beaucoup celle des autres travaux de son auteur, Hans Jonas (1903-1993), élève de Husserl, Heidegger et Bultmann, d'abord spécialiste de La Religion gnostique (1930, trad. franç....

  • DÉCROISSANCE (CRITIQUE DE LA)

    • Écrit par Jean-Marie HARRIBEY
    • 5 144 mots
    • 8 médias
    Sur le plan philosophique, l'auteur majeur est sans conteste Hans Jonas, qui a théorisé en 1979 le « principe de responsabilité » à l'égard des générations futures. Reformulant l'impératif catégorique kantien, il indique que « l'existence une fois donnée réclame légitimement la continuation de son existence...
  • BIOÉTHIQUE ou ÉTHIQUE BIOMÉDICALE

    • Écrit par Gilbert HOTTOIS
    • 7 796 mots
    • 1 média
    ...d’élaborer une éthique systématique en réponse aux défis de la biomédecine et, plus généralement, des technosciences contemporaines. C’est notamment le cas de Hans Jonas dans DasPrinzipVerantwortung. VersucheinerEthikfür die technologischeZivilisation (1979) et de Hugo Tristram Engelhardt dans The Foundations...
  • PHILOSOPHIE

    • Écrit par Jacques BILLARD, Jean LEFRANC, Jean-Jacques WUNENBURGER
    • 21 137 mots
    • 10 médias
    – L'écologie et le développement durable, dans le sillage de l'œuvre de H. Jonas, posent la question de l'urgence à appliquer le principe de responsabilité devant les générations futures et le principe de précaution (D. Bourg, J.-P. Dupuy, D. Lecourt).
  • RESPONSABILITÉ SOCIALE DES SCIENTIFIQUES

    • Écrit par Jacques TESTART
    • 7 709 mots
    • 4 médias
    ...qui résultent en particulier de la recherche sur le noyau de la matière (physique nucléaire) ou le noyau de la cellule vivante (génétique), ont amené le philosophe allemand Hans Jonas à s'interroger (Le Principe responsabilité, 1990) : « La terre nouvelle de la pratique collective, dans laquelle...

Voir aussi