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HALLUCINATIONS

Vision de Milton de sa seconde femme, J. H. Füssli - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Vision de Milton de sa seconde femme, J. H. Füssli

Le malade mental est souvent un « halluciné » : il prétend voir des personnages, entendre des voix, sentir des odeurs. Or nous ne voyons rien, nous n'entendons rien, nous ne sentons rien de ce qu'il dit percevoir. Faut-il admettre que les organes sensoriels du patient aient la possibilité de capter de mystérieux effluves et d'entrevoir des réalités insaisissables pour la plupart des humains ? Non ! Les hallucinations du malade mental ont des contenus imaginaires et trompeurs. Quelle que soit leur apparente richesse, les hallucinations ont des caractères de stéréotypie et d'uniformité qui en permettent la séméiologie, la nosographie, l'étude évolutive, l'analyse psychopathologique.

Cependant, l'idée selon laquelle un individu pourrait ressentir des influences supra-normales est-elle toujours considérée comme déraisonnable ? Il ne semble pas. « L'immense majorité des hommes, écrit D. Lagache, admet la possibilité d'agir à distance sur un esprit, par un pouvoir spirituel ou une action matérielle. » De même, la question des « modes accidentels de la perception » a été fort controversée. Certains ont parlé de zones perceptives émoussées au cours des millénaires. L'humanité aurait, autrefois, possédé communément la fonction hallucinatoire, puis l'aurait peu à peu perdue. Et peut-être des êtres lointains, extra-terrestres, possèdent-ils une intelligence capable d'influencer la nôtre ? Telles sont les suppositions d'un grand nombre de gens qui rangent dans l'insolite, le mystérieux, le plausible, une part de ce que les médecins considèrent comme pathologique.

Encore faut-il souligner avec quelle force et quelle constance les aliénistes, les psychiatres, les psychologues ont admis que l'hallucination puisse se rencontrer hors de la maladie mentale : les convictions à forte charge émotionnelle, les déterminismes sociaux, les sentiments religieux en seraient les principaux vecteurs.

A. Brierre de Boismont fut, au milieu du xixe siècle, le grand défenseur d'une « histoire raisonnée des apparitions, des visions, des songes, de l'extase... ». C'est dans son ouvrage, semble-t-il, que l'on trouve les premières tentatives de compréhension des hallucinations collectives : pourquoi des individus animés des mêmes préoccupations n'auraient-ils pas des visions quasiment semblables ? Et l'auteur de citer, parmi les causes des « hallucinations épidémiques », l'influence des idées dominantes (principalement dues au fonds commun des traditions, aux dires de sorcellerie, aux croyances mystiques) : l'influence, enfin, de certaines substances – boissons, vapeurs, arômes, onguents – capables d'agir sur l'organisme et, par là, d'augmenter la suggestibilité et les tendances imaginatives.

À la recherche d'une définition

L'hallucination est-elle une « perception sans objet » ? Cette formule, due à B. Ball (1853), a été beaucoup critiquée à cause de sa teneur excessivement sensorielle. On a même dit que cette sentence fut, pendant longtemps, la « pierre tombale » des recherches sur les hallucinations. Si l'on s'en tient, en effet, à cette perspective mécaniste, l'hallucination risque d'être confondue avec une simple erreur des sens : ceux-ci fonctionneraient « à vide » et seraient supposés envoyer aux autres secteurs « conscients » des incitations qui n'auraient été suscitées par aucun objet.

L'hallucination est-elle une « croyance erronée » ? C'est là une formule qui, contrairement à la précédente, donne une trop large part à la composante intellectuelle du trouble et qui passe sous silence sa teneur esthésique. Or le caractère de « sensorialité » est, de toute façon, un des aspects élémentaires de l'hallucination : celle-ci en effet ne peut être saisie qu'à travers la qualité[...]

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Écrit par

  • : ancien directeur du Laboratoire pathologique de la Sorbonne, médecin-chef à l'hôpital psychiatrique de Bonneval, professeur à l'université de Paris-V

Classification

Pour citer cet article

Henri FAURE. HALLUCINATIONS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Vision de Milton de sa seconde femme, J. H. Füssli - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Vision de Milton de sa seconde femme, J. H. Füssli

Autres références

  • BION WILFRED R. (1897-1979)

    • Écrit par Émile JALLEY
    • 4 827 mots
    ...hallucinose s'appliquent au fonctionnement de la personnalité psychotique tel que le conçoit Bion. Dans un tel cadre, ce dernier décrit, à côté des hallucinations franches bien connues (visuelles, auditives, olfactives, gustatives ou tactiles), des hallucinations « fugaces » ou « évanescentes » et...
  • CONFUSION MENTALE

    • Écrit par Universalis
    • 2 014 mots
    ...images oniriques défilent en une succession discontinue ou s'ordonnent en un enchaînement scénique dont la thématique tour à tour le captive ou le terrifie. Le monde extérieur sert de support aux projections hallucinatoires, mais surtout, mal perçu, déformé, il concourt à dramatiser l'ambiance ; les voix sont...
  • ÉPILEPSIE

    • Écrit par Henri GASTAUT, François MIKOL
    • 6 164 mots
    • 3 médias
    ...de micropsie, de macroacousie ou de microacousie, suivant qu'un objet ou un son paraît soudain plus grand ou plus petit, plus fort ou assourdi), ou par un état hallucinatoire (perceptions sans objet), au cours duquel, par exemple, le sujet croit voir ou entendre, dans leurs moindres détails, une scène...
  • HALLUCINOGÈNES, littérature

    • Écrit par Jacques JOUET
    • 1 054 mots
    • 1 média

    « Je comparerai », dit Baudelaire dans Du vin et du haschisch (1851), « ces deux moyens artificiels, par lesquels l'homme exaspérant sa personnalité crée, pour ainsi dire, en lui une sorte de divinité. » Pour Baudelaire, à ce moment, la différence entre les deux substances est assez radicale...

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Voir aussi