ÉPILEPSIE

Le mot « épilepsie » (du verbe ἐπιλαμϐάνειν, saisir), désignait autrefois toutes les crises au cours desquelles un sujet était privé, à l'improviste, de ses sens, c'est-à-dire au cours desquelles il perdait soudainement connaissance. Ambroise  Paré a confirmé cette définition étymologique en écrivant, au milieu du xvi e siècle : « Épilepsie signifie surprise ou rétention de tous les sentiments. »

Toutefois, depuis l'Antiquité, l'essence même de l'épilepsie a été représentée par les crises, particulièrement spectaculaires, au cours desquelles la perte de connaissance s'accompagne d'un cri, d'une chute et de convulsions généralisées violentes, suivies par un épisode de coma et par une phase de récupération pendant laquelle le sujet, qui émerge progressivement de l'inconscience, peut se livrer à des actes automatiques inadaptés. Ces crises, que l'on appelle aujourd'hui « crises épileptiques tonico-cloniques », étaient alors désignées par des appellations diverses ayant trait à un de leurs symptômes jugé principal, ou à l'origine supposée sacrée (divine ou diabolique) d'un mal (en latin morbus) dont la manifestation suffisait à interrompre les comices dans la Rome antique : morbus sideratus sive sonticus, morbus caducus, mal de la terre, haut mal, grand mal, morbus sacer, divinus, diabolicus, astralis, scelestus, comitialis, mal de Saint-Jean, de Saint-Valentin...

Le caractère sacré de l'épilepsie a longtemps été admis dans les pays les mieux développés, où l'on peut encore en trouver des traces dans les parties reculées de certaines provinces ; l'acceptation de ce caractère est encore généralisée dans des pays en cours de développement où les épileptiques sont considérés comme des possédés et ne sont donc pas adressés aux médecins, mais à des sorciers qui les exorcisent comme le faisaient nos prêtres au Moyen Âge.

Actuellement, le problème de l'épilepsie est envisagé de façon tout à fait différente.

Tout d'abord, il ne faut plus confondre, comme on le faisait autrefois, la crise épileptique, phénomène transitoire dont la durée varie d'une fraction de seconde à quelques minutes, et l'épilepsie, état morbide qui persiste des mois ou des années et qui est caractérisé par la répétition de crises épileptiques.

Ensuite, il ne faut plus utiliser le mot « épilepsie » au singulier, mais seulement au pluriel, car on a tellement individualisé de types de crises épileptiques, qui dépendent de tant de causes, que l'on a multiplié de ce fait les variétés d'épilepsie.

Enfin, il ne faut plus utiliser le qualificatif « épileptique » pour désigner l'ensemble des crises caractérisées par une perte de connaissance ou les seules crises qui revêtent l'aspect spectaculaire du « grand mal ». Cela pour les deux raisons suivantes :

– On a démontré que si toutes les crises qui sont caractérisées par une perte de connaissance répondent bien à une perturbation des fonctions cérébrales et méritent donc le nom de « crise cérébrale » (pour les différencier, par exemple, d'une « crise cardiaque » qui est caractérisée par une douleur sans perte de connaissance, résultant d'un trouble fonctionnel du muscle cardiaque), les perturbations cérébrales qui peuvent entraîner une perte de connaissance sont multiples et une seule d'entre elles (la décharge excessive et synchrone d'une population de neurones cérébraux) reproduit les différents types de crises épileptiques et notamment la crise de grand mal prise comme modèle de l'épilepsie. Ce qui revient à dire que seules peuvent être qualifiées d'épileptiques les crises cérébrales dont le mécanisme dépend d'une décharge neuronique excessive et synchrone.

– On a démontré également[...]

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Écrit par

  • Henri GASTAUT : professeur de neurophysiologie clinique à la faculté de médecine de Marseille
  • François MIKOL : chef de service honoraire de neurologie à la fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild

Classification

Pour citer cet article

Henri GASTAUT, François MIKOL, « ÉPILEPSIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

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Autres références

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    Né le 8 novembre 1926 à Rambouillet, il étudie à la faculté de médecine de Paris et est reçu docteur en médecine en 1955. Il s’intéresse très tôt à la [...]

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    • Écrit par Raymond ESCOUROLLE, E.U., Joël GREGOGNA
    • 28 532 mots
    Lesdémences épileptiques correspondent souvent à l'évolution du processus organique cause de l'épilepsie. Parfois, le déficit intellectuel peut être consécutif aux lésions hippocampiques que provoque l'anoxie due à des crises répétées ; il peut être simulé par un traitement médicamenteux[...]
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Voir aussi