Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GRANDE GUERRE ET SOCIÉTÉ

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Les civils face à la violence extrême

La Première Guerre mondiale atteint des seuils de violence inédits tant par leur forme que par leur échelle. Les conventions de Genève (1864 et 1906) et de La Haye (1899 et 1907), qui ont fixé les principes du droit international humanitaire et du droit de la guerre, sont transgressées par les belligérants : utilisation des gaz, invasion d’États neutres ou bombardement de civils. À l’été de 1914, des atrocités, nées de peurs collectives, sont commises par les Allemands lors de l’invasion du nord de la France et de la Belgique. Elles sont ensuite utilisées par la propagande alliée pour dénoncer la barbarie allemande. Destructions, viols et déportations atteignent un degré inédit, illustrant la manière dont le conflit s’étend aux non-combattants. Pour la première fois dans l’histoire à cette échelle, les civils sont pris pour cible par des bombardements stratégiques. Paris est visée durant l’été de 1914, puis Londres au début de l’année 1915. Si la capacité destructrice et meurtrière des attaques reste limitée jusqu’en 1917, les raids des Gothas – des bombardiers allemands mis en service en 1916 –, puis les tirs du « canon de Paris » provoquent l’effroi des populations qui fuient la capitale en masse en 1918. La menace venue du ciel rapproche les civils de l’expérience du front, même si l’échelle des tirs et des victimes reste incomparable, puisqu’on ne compte qu’environ cinq cents victimes à la suite des bombardements de Paris entre 1914 et 1918.

Le poids du deuil marque durablement la société française. L’annonce des morts et des disparus rythme le conflit, mais le rapatriement des corps doit attendre la fin de la guerre et bien des familles ne parviendront jamais à obtenir le retour des corps des disparus. L’armistice du 11 novembre 1918, s’il met fin au conflit le plus meurtrier que la France ait alors connu, laisse un pays exsangue. La démobilisation est progressive et les derniers soldats ne rentreront chez eux qu’en 1920. La société est aussi confrontée aux défis des soins et de la réinsertion des blessés, des mutilés et des 15 000 « gueules cassées ». La victoire a un goût amer pour les familles éprouvées par la mort de 1,4 million d’hommes, pour les 600 000 veuves et les orphelins de guerre, dont le nombre atteint 1 million. Les armes modernes, qui ont démembré les corps et enseveli les hommes, laissent 250 000 disparus. C’est en mémoire de ces derniers qu’en janvier 1921, un soldat inconnu est inhumé sous l’Arc de Triomphe à Paris et que le 11 novembre devient l’année suivante un jour férié, tandis que les monuments aux morts érigés dans toutes les communes rappellent le sacrifice des soldats de la Grande Guerre.

— Emmanuelle CRONIER

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Picardie-Jules-Verne, Amiens

Classification

Pour citer cet article

Emmanuelle CRONIER. GRANDE GUERRE ET SOCIÉTÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 28/11/2016

Médias

Correspondance de guerre, 1915 - crédits : Europeana ; CC-BY-SA 3.0

Correspondance de guerre, 1915

Ouvrières pendant la Première Guerre mondiale, 1915 - crédits : akg-images

Ouvrières pendant la Première Guerre mondiale, 1915

Emprunt national, 1917 - crédits : Bibliothèque nationale de France

Emprunt national, 1917