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GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) Grammaire et langage dans l'Inde ancienne

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La grammaire

C'est dans la grammaire que l'on voit se manifester l'esprit scientifique de la façon la plus remarquable. Pāṇini n'est pas le premier grammairien indien. Il cite lui-même quelques prédécesseurs. Mais les ouvrages de ces derniers n'ont pas survécu. Il semble que, par ses qualités propres, celui de Pāṇini ait éclipsé tout ce qui l'a précédé. Il constitue le premier grand monument de l'histoire de la linguistique. C'est tout d'abord une grammaire suffisamment complète pour être un excellent document sur le sanskrit. C'est aussi un modèle de description grammaticale synchronique. L'histoire de la grammaire dans l'Inde se ramène presque entièrement à celle de l'école pāninéenne, ce qui s'est produit en dehors de cette école restant toujours très marqué par son influence. Tout d'abord, Pāṇini a eu un continuateur en la personne de Kātyāyana, qui, vivant vraisemblablement au iiie siècle avant J.-C., a suivi la même méthode d'exposition et utilisé la même métalangue ; parfois corrigeant et critiquant des formulations de règles, il a surtout fait de nombreuses adjonctions à Pāṇini.

Patañjali, qui vécut peut-être au iie siècle avant J.-C., a commenté de façon développée l'œuvre de ses deux prédécesseurs mais sous une forme et dans un esprit tout à fait nouveaux. Il occupe à un double titre une place importante dans l'histoire de la littérature grammaticale. En premier lieu on trouve chez lui un apport d'informations nouvelles sur la langue. Et c'est en quelque sorte le dernier apport, en ce sens que le sanskrit apparaît définitivement fixé après lui et que, dans la conscience des utilisateurs ultérieurs, la norme dont on refusera désormais de s'écarter sera celle que représentent les trois maîtres Pāṇini, Kātyāyana et Patañjali ; en cas de désaccord entre les trois, on donnera la préférence au dernier. En second lieu, Patañjali a inauguré une dialectique, un mode d'exégèse de textes et d'investigation de la réalité par la logique et le raisonnement, qui a servi de modèle.

Il est ainsi à l'origine d'une grande tradition d'activité intellectuelle qui déborde la grammaire par la réflexion sur les catégories grammaticales et logiques, la pratique de la métalangue, les mécanismes de compréhension et d'interprétation du langage ordinaire et du métalangage, la spéculation sur la valeur sotériologique du bon usage de la langue. Un des commentateurs de Patañjali, Bhartṛhari, a consacré au ve siècle après J.-C. un long ouvrage en vers appelé Vākyapadīya à une « philosophie grammaticale » qui comprend une linguistique générale (corpus de définitions et d'analyses des parties du discours, des éléments du mot, des principes sémantiques sous-jacents aux constructions formelles, composition, dérivation, etc.), une théorie de la connaissance à partir de la parole, une métaphysique où la parole est prise comme principe suprême (śabdabrahman) et même une religion où la discipline du bon langage est conçue comme une purification de la parole et de la pensée, un yoga conduisant au salut. Ce texte est particulièrement riche en matière de linguistique. Mais la réflexion sur ce domaine ne s'arrête pas avec lui. Elle aura par la suite trois orientations. La parole, par son lien avec la pensée a, en effet, intéressé les logiciens autant que les grammairiens et les exégètes de textes religieux. Ainsi une abondante littérature d'analyse linguistique se développera à travers trois écoles : l'école des grammairiens (vaiyākaraṇa), dont les représentants majeurs sont Kauṇḍa Bhaṭṭa (Bénarès, xviie s. apr. J.-C.) et Nāgeśa Bhaṭṭa (Bénarès, xviiie s.) ; celle des « nouveaux » logiciens (Navya Naiyāyika), avec Jagadīśa et Gadādhara [...]

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Pour citer cet article

Pierre-Sylvain FILLIOZAT. GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) - Grammaire et langage dans l'Inde ancienne [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ARABE (MONDE) - Langue

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    • 9 385 mots
    • 3 médias
    ...c'est-à-dire qu'il en fût tiré un corps de règles, une claire description d'un usage devenu coercitif. La tradition impute l'initiative de la constitution d'une grammaire au calife ‘Alī, qui l'aurait ordonnée pour défendre précisément la pureté linguistique du texte sacré contre les risques de corruption que lui...
  • ARISTOPHANE DE BYZANCE (257 av. J.-C.?-? 180 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 192 mots

    Directeur de la bibliothèque d'Alexandrie vers ~ 195, Aristophane de Byzance publia une version d'Homère, la Théogonie d'Hésiode, Alcée, Pindare, Euripide, Aristophane et peut-être Anacréon. Un grand nombre des « arguments » qui figurent au début des manuscrits de comédies et...

  • BEAUZÉE NICOLAS (1717-1789)

    • Écrit par
    • 278 mots

    Né à Verdun, Beauzée s'attache d'abord aux sciences et aux mathématiques avant de s'intéresser à la grammaire. Lorsque Dumarsais meurt en 1756, Beauzée lui succède à la rédaction des articles de grammaire de l'Encyclopédie. Il publie en 1767 sa Grammaire générale ou...

  • CORAN (AL-QURĀN)

    • Écrit par et
    • 13 315 mots
    • 1 média
    ...qui faisait de la langue arabe en général, et du texte coranique en particulier, l'insurpassable expression de la transcendance elle-même. Commentaires grammaticaux et recherches philologiques n'ont donc pas été, dans l'Islam des origines et jusque dans le monde islamique contemporain, des disciplines...
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