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GRANGIER GILLES (1911-1996)

Auteur d'une abondante mais inégale filmographie, fortement critiqué lors de l'avènement de la nouvelle vague, Gilles Grangier a signé d'incontestables réussites dans le domaine du « polar » à la française ou des films d'atmosphère à la Simenon. Après avoir été assistant à la mise en scène, il commence sa carrière en 1943, en dirigeant Noël-Noël dans Adémaï bandit d'honneur. Suivront deux comédies musicales, Le Cavalier noir (1944) et Trente et quarante (1945), écrites pour Georges Guétary et valorisées par des comédiens excentriques (André Alerme) ou des révélations (Martine Carol). Il tourne également Histoire de chanter (1946), avec Luis Mariano.

En 1947, Gilles Grangier aborde un registre plus grave avec Danger de mort, interprété par Fernand Ledoux et considéré à l'heure actuelle comme son film le plus abouti. Il dirige Bourvil dans Par la fenêtre (1947), et de nouveau Georges Guétary dans Jo la Romance (1948) et Amour et Cie (1949). Mais c'est surtout dans l'alliance comédie-drame qu'il exerce le mieux son savoir-faire. Au p'tit zouave (1949), avec François Périer et Dany Robin, illustre bien le genre du film populiste, hommage aux productions des années 1930 auquel s'ajoutent les préoccupations de l'après-guerre. Gilles Grangier confirme ses dons de directeur d'acteurs avec Les Petites Cardinal (1951), où Saturnin Fabre campe le concierge de l'Opéra de Paris avec un fabuleux aplomb. En revanche, toutes les comédies qu'il tourne durant les années 1950 sont bien oubliées aujourd'hui, malgré la présence de Fernandel ou de Bourvil, le couple vedette Dany Robin-Georges Marchal, ou encore François Périer.

Gilles Grangier va atteindre le sommet de sa carrière en tournant durant la même décennie sept films avec Jean Gabin, dont La Vierge du Rhin (1953), Gas-Oil (1955), également avec Jeanne Moreau, Le Sang à la tête (1956), qui marque sa première rencontre avec Michel Audiard. De cette excellente adaptation du roman de Georges Simenon Le Fils Cardinaud, tournée en décors naturels à La Rochelle, le réalisateur restitue avec beaucoup de soin l'ambiance portuaire et la couleur locale. Le rouge est mis (1957) est plus conventionnel et très représentatif de cette « qualité française » décriée par Truffaut. L'unanimité se fait autour du Désordre et la nuit (1958), film préféré du réalisateur, qui retrouve le rythme des grands films noirs américains, avec un Gabin à contre-emploi. Les deux autres films avec l'acteur seront moins inspirés : Archimède le clochard (1958) et Les Vieux de la vieille (1960), avec pourtant Pierre Fresnay et Noël-Noël. Le cave se rebiffe (1961), huitième film issu de cette collaboration, marque la consécration d'une équipe gagnante : un dialoguiste inspiré (Michel Audiard) et des monstres sacrés (Françoise Rosay, Ginette Leclerc, Bernard Blier, Martine Carol), tous très en forme, faisant un sort à des répliques « hénaurmes ». Si des critiques négatives l'avaient accueilli à sa sortie, le film a été très réévalué par la suite.

Si l'on excepte un Maigret (Maigret voit rouge, 1963), toujours avec Gabin, ou Sous le signe du Taureau (1968), les films que Gilles Grangier tournera dans les années 1960 ne sont pas très inventifs, malgré la présence de Fernandel ou de Bourvil. On peut citer Le Voyage à Biarritz (1962), dernier film tourné par Arletty, La Cuisine au beurre (1963), L'Homme à la Buick (1967), au scénario un peu plus insolite. Le cinéaste termine sa carrière avec Un cave (1971), avec Claude Brasseur, et Gross Paris (1973).

Malgré des moments de grâce, la filmographie de Gilles Grangier demeure bien hétérogène. Elle traduit toutefois un vrai bonheur de filmer, et constitue un précieux document sociologique sur un « milieu » parisien et provincial aujourd'hui disparu.[...]

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André-Charles COHEN. GRANGIER GILLES (1911-1996) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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