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LECLERC GINETTE (1912-1992)

Ginette Leclerc - crédits : Henry Guttmann/ Moviepix/ Getty Images

Ginette Leclerc

La carrière cinématographique de Geneviève Menu, qui conserva pour l'écran le nom de son premier mari, peut se résumer en cinq titres : Prison sans barreaux (L. Moguy, 1937), La Femme du boulanger (M. Pagnol, 1938), L'Empreinte du dieu (L. Moguy, 1939), Le Corbeau (H.-G. Clouzot, 1943), Un homme marche dans la ville (M. Pagliero, 1949). Par ailleurs, elle aura dispensé généreusement, dans une multitude de petites productions, sa sensualité de fille brune, à la frange aguichante et au rire provocant. Elle sillonne les studios parisiens et berlinois dès le début du parlant, s'évadant de la figuration (La Dame de chez Maxim d'A. Korda, 1933 ; Ciboulette, de C. Autant-Lara, 1933) pour jouer les petites femmes des boîtes de nuit ou les habituées des garçonnières. Apparemment sans fatigue, elle passe de La Loupiote (J. Kemm, 1936) aux Dégourdis de la 11e (Christian-Jaque, 1937), de Tricoche et Cacolet (P. Colombier, 1938) à Métropolitain (M. Cam, 1938), substituant peu à peu à l'image de la petite « poule » celle, plus dure, de la « garce », image qui lui resta jusqu'à la fin collée à la peau.

Venue des studios de photographes où elle commença par poser, Ginette Leclerc fit preuve d'un tempérament incontestable, qui lui permit, au théâtre, de brûler les planches. L'opérette ne lui faisait pas peur, ni la comédie, pour laquelle elle bénéficia de l'appui amical de Raimu. Pierre Chenal, le premier, lui offre dans L'Homme de nulle part (1937), adaptation du roman de Pirandello Feu Mathias Pascal, un rôle qui l'éloigne des stéréotypes habituels. Léonide Moguy lui permet d'extérioriser ses dons dramatiques en lui confiant la création d'une fille révoltée et perverse dans Prison sans barreaux, puis d'une superbe Flamande dans L'Empreinte du dieu. Entre ces deux films, elle a incarné La Femme du boulanger et, en même temps, idéalisé ce personnage furtif, silencieux et secret. Sa rencontre avec la Denise du Corbeau marque sans doute l'apogée de sa carrière, mais précipite aussi son déclin.

Sans égard pour le talent qui lui permit de composer cette fille folle de son corps, affligée d'un pied bot et vivant des amours précaires dans un climat sulfureux, la justice de la Libération ne se montre pas tendre à son égard. Ses fréquentations douteuses et son passage à la Continental, firme à capitaux allemands créée en France en 1941, lui valent un certain nombre d'avanies, qu'elle a relatées dans son livre de souvenirs, Ma Vie privée. Il fallut ensuite recommencer et retrouver des emplois sempiternels dans de médiocres réalisations. Sa composition nuancée et retenue d'ouvrière dans Un homme marche dans la ville indique la direction qu'elle aurait pu prendre si son réel talent ne s'était galvaudé. Sa présence parmi les dames de la maison Tellier (Le Plaisir, de Max Ophuls, 1951) met en relief la verve dont elle était coutumière. Elle tourne encore une trentaine de films avant de s'arrêter, en 1977. Celle qui avait été l'héroïne d'un essai de film en relief selon le procédé Lumière (L'Ami de Monsieur, de P. du Cuvier, 1937) laisse le souvenir d'une créature éclatante, dont le copieux parcours a posé trop peu de jalons dans le cinéma français.

— Raymond CHIRAT

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Raymond CHIRAT. LECLERC GINETTE (1912-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Ginette Leclerc - crédits : Henry Guttmann/ Moviepix/ Getty Images

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