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DELEUZE GILLES (1925-1995)

Le futur

Le futur constitue la dimension insigne du temps. L'originalité de Deleuze est d'en saisir l'essence à partir de l'acte de création, et d'en faire le temps par excellence de la pensée. À ce titre, les développements de Différence et répétition (1968) sont fondamentaux, et ne cesseront d'animer le reste de l'œuvre. Le futur est l'inconditionné. Cela ne signifie pas qu'il surgisse de façon arbitraire et qu'il soit sans relation avec le présent et le passé, mais qu'il rejette ces conditions une fois produit. Cette idée approfondit l’interprétation que Deleuze avait faite de l’éternel retour dans son livre Nietzsche et la philosophie (1962). Le temps se trouve ainsi libéré de ses contenus. Cette libération ne s'identifie pas à une sortie hors du temps, mais représente l'épreuve la plus radicale de notre absence de soumission aux données temporelles, c'est-à-dire aux contenus empiriques du temps. Le temps s'ouvre : il n'y a pas d'annonce du futur, nulle promesse, mais le surgissement d'un Événement qui nous propulse dans cette dimension. L'ouverture prend la forme d'une fulgurance ; elle est un arrachement à soi. L'originalité du futur tient donc au fait que l'ensemble du temps s'ordonne autour d'un événement qui le met en série.

En résulte une conséquence remarquable pour la pensée. Elle ne relève pas d'un exercice naturel dans la forme d'un bon sens ou d'un sens commun, mais elle suppose une véritable création. « Penser, c'est créer, il n'y a pas d'autre création, mais créer, c'est d'abord engendrer „penser“ dans la pensée » (Différence et répétition). Gilles Deleuze reviendra sur ce problème du temps dans Logique du sens, afin de montrer comment il est fondamentalement lié à une réflexion sur le sens et sur l'événement. La thèse qui en résultera sera que le temps vide doit être compris comme Aiôn – temps illimité et infiniment subdivisible –, auquel l'Événement est adéquat : « Chaque événement est adéquat à l'Aiôn tout entier, chaque événement communique avec tous les autres, tous forment un seul et même Événement, événement de l'Aiôn où ils ont une vérité éternelle. Voilà le secret de l'événement : qu'il soit sur l'Aiôn et pourtant ne le remplisse pas » (Logique du sens). Une telle réflexion ne peut être menée à terme qu'à la condition de dégager un plan d'immanence.

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Pour citer cet article

Bruno PARADIS. DELEUZE GILLES (1925-1995) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SUR LA PEINTURE (G. Deleuze) - Fiche de lecture

    • Écrit par François DOSSE
    • 975 mots

    Dérogeant aux volontés de Gilles Deleuze, David Lapoujade, grand ami du philosophe, a pu s’engager dans la publication de ses cours. Ce volume, Sur la peinture. Cours mars-juin 1981, transcrit les huit séances de cours de 1981 consacrées à la peinture (Minuit, 2023). David Lapoujade a su conserver...

  • CI-GÎT L'AMER. GUÉRIR DU RESSENTIMENT (C. Fleury)

    • Écrit par Marc LEBIEZ
    • 1 115 mots
    Plus que Nietzsche lui-même, d’ailleurs, c’est le commentaire qu’en a fait Gilles Deleuze qui est jugé éclairant, complété par les réflexions du psychanalyste Donald W. Winnicott sur l’amertume de l’analyste qui se sent devenir l’objet même du ressentiment de son analysant. Il convient...
  • CINÉMA (Aspects généraux) - Les théories du cinéma

    • Écrit par Youssef ISHAGHPOUR
    • 5 396 mots
    • 2 médias
    Le reflux des années quatre-vingt a mis fin à une époque riche en films et en théories. Chez Gilles Deleuze (1925-1995) c'est, avec l' Image-mouvement et l'Image-temps, la chouette de Minerve qui prend son vol au crépuscule. Ces livres marquent un point d'aboutissement, une synthèse...
  • ESTHÉTIQUE - L'expérience esthétique

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 5 083 mots
    • 2 médias
    Chronos, le temps de la mesure, renvoie, selon la Logique du sens de Gilles Deleuze, à la succession incessante des instants. Une œuvre musicale peut être jouée ou écoutée comme un pur défilé de sonorités : quand le montage ne parvient pas à « prendre », ce qui advient demeure indifférent. Au temps «...
  • FOUS LITTÉRAIRES

    • Écrit par Jean-Jacques LECERCLE
    • 5 635 mots
    ...langue, correspondant au pôle de la contradiction : « la langue parle ». On trouvera une conception non négative du délire dans Logique du sens de G.  Deleuze et dans l'Anti-Œdipe de G. Deleuze et F. Guattari. Le premier texte oppose le schizophrène à la petite fille, le langage maîtrisé et pervers...
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Voir aussi