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DELEUZE GILLES (1925-1995)

Les devenirs

« Le devenir est le processus du désir », est-il dit dans Mille Plateaux (1980). Dans les connexions, une ligne se dessine. Partant d'un point singulier arraché à une multiplicité (un élément fragmentaire), elle conduit au voisinage d'un autre point singulier, à partir duquel elle reprend son mouvement. Une série s'organise qui nous conduit toujours plus loin dans ce que Deleuze appelle un processus de déterritorialisation. Pour préciser le sens de ce dernier concept, il se plaît à développer l'idée d'un devenir-animal qui emporte les hommes, les ouvrant à la possibilité de produire du nouveau dans un acte créateur. Il se tourne pour cela vers les œuvres de Kafka (La Métamorphose, Joséphine la cantatrice, ou le Peuple des souris) ou de Melville (Moby Dick). « Les devenirs-animaux sont d'abord d'une autre puissance, puisqu'ils n'ont pas leur réalité dans l'animal qu'on imiterait ou auquel on correspondrait, mais en eux-mêmes, dans ce qui nous rend tout d'un coup et nous fait devenir, un voisinage, une indiscernabilité, qui extrait de l'animal quelque chose de commun, beaucoup plus que toute domestication, que toute utilisation, que toute imitation » (Mille Plateaux).

Mais le devenir ne vise pas uniquement les rapports différentiels qui s'établissent entre points singuliers. Il concerne aussi le riche domaine des affects. En effet, dans le mouvement de déterritorialisation, des intensités sont produites. Le sujet passe par elles, et, selon les variations de degré qu'elles présentent, il éprouve une augmentation ou une diminution de sa puissance d'agir. Deleuze retrouve ici les analyses de Logique du sens (1969). Dans la première série de paradoxes qui ouvre le livre, il notait ainsi que devenir, c'est être emporté simultanément dans deux directions différentes, impliquant la coexistence du passé et du futur dans une esquive du présent : « Telle est la simultanéité d'un devenir dont le propre est d'esquiver le présent. En tant qu'il esquive le présent, le devenir ne supporte pas la séparation ni la distinction de l'avant et de l'après, du passé et du futur. »

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Pour citer cet article

Bruno PARADIS. DELEUZE GILLES (1925-1995) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SUR LA PEINTURE (G. Deleuze) - Fiche de lecture

    • Écrit par François DOSSE
    • 975 mots

    Dérogeant aux volontés de Gilles Deleuze, David Lapoujade, grand ami du philosophe, a pu s’engager dans la publication de ses cours. Ce volume, Sur la peinture. Cours mars-juin 1981, transcrit les huit séances de cours de 1981 consacrées à la peinture (Minuit, 2023). David Lapoujade a su conserver...

  • CI-GÎT L'AMER. GUÉRIR DU RESSENTIMENT (C. Fleury)

    • Écrit par Marc LEBIEZ
    • 1 115 mots
    Plus que Nietzsche lui-même, d’ailleurs, c’est le commentaire qu’en a fait Gilles Deleuze qui est jugé éclairant, complété par les réflexions du psychanalyste Donald W. Winnicott sur l’amertume de l’analyste qui se sent devenir l’objet même du ressentiment de son analysant. Il convient...
  • CINÉMA (Aspects généraux) - Les théories du cinéma

    • Écrit par Youssef ISHAGHPOUR
    • 5 396 mots
    • 2 médias
    Le reflux des années quatre-vingt a mis fin à une époque riche en films et en théories. Chez Gilles Deleuze (1925-1995) c'est, avec l' Image-mouvement et l'Image-temps, la chouette de Minerve qui prend son vol au crépuscule. Ces livres marquent un point d'aboutissement, une synthèse...
  • ESTHÉTIQUE - L'expérience esthétique

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 5 083 mots
    • 2 médias
    Chronos, le temps de la mesure, renvoie, selon la Logique du sens de Gilles Deleuze, à la succession incessante des instants. Une œuvre musicale peut être jouée ou écoutée comme un pur défilé de sonorités : quand le montage ne parvient pas à « prendre », ce qui advient demeure indifférent. Au temps «...
  • FOUS LITTÉRAIRES

    • Écrit par Jean-Jacques LECERCLE
    • 5 635 mots
    ...langue, correspondant au pôle de la contradiction : « la langue parle ». On trouvera une conception non négative du délire dans Logique du sens de G.  Deleuze et dans l'Anti-Œdipe de G. Deleuze et F. Guattari. Le premier texte oppose le schizophrène à la petite fille, le langage maîtrisé et pervers...
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Voir aussi