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SCELSI GIACINTO (1905-1988)

Éléments biographiques

Écrire la biographie de Scelsi s'avère une tâche redoutable, voire utopique : l'homme était secret, refusait photographies (une image demeure, en guise de signature : un cercle et un trait au-dessus du nom) et entretiens, n'aimait pas que l'on parle de lui, et ne livrait que des bribes de renseignements, dans l'horreur absolue des dates et de la chronologie (celle même de ses compositions doit, selon sa volonté, demeurer conjecturale).

Giacinto Scelsi, comte d'Ayala Valva, naît à La Spezia le 8 janvier 1905, dans une vieille famille aristocratique de l'Italie du Sud ; par sa mère, il est d'ascendance espagnole. Il passe son enfance dans un château des confins de la Campanie et de la Basilicate, bénéficiant, selon ses dires, d'une éducation « médiévale » (latin, échecs, escrime...). Tout enfant, il demeure de longues heures au piano, s'immergeant dans le son, s'enivrant de résonances. Ni ses études traditionnelles au conservatoire de Rome ni son séjour à Vienne auprès d'un disciple de Schönberg, Walter Klein, ne le satisfont ; des études à Genève avec un élève de Scriabine, Egon Koehler, lui conviennent davantage.

S'il est le premier Italien, dès 1936, bien avant Dallapiccola – à qui l'on attribue généralement cette priorité –, à utiliser la dodécaphonie, il s'en écarte assez rapidement, convaincu que le sérialisme est une impasse (avant que l'avant-garde européenne de l'après-guerre ne s'y engage). La pratique sérielle est si contraire à sa nature profonde qu’il s'en « guérit » par une musicothérapie toute personnelle : jouer longuement la même note au piano, se pénétrer de ses résonances secrètes, entrer véritablement à l'intérieur du son, en renouant ainsi avec les hantises de sa petite enfance. Scriabine, l'harmoniste novateur, le fascine autant que le théosophe, bien qu'il se sente personnellement plus proche de l'anthroposophie de Rudolf Steiner. Trois séjours aux Indes sont essentiels pour son développement spirituel, et il demeurera, jusqu'à la fin de sa vie, profondément marqué par la spiritualité et la philosophie de l'Orient, par le bouddhisme zen et le taoïsme en particulier. Il est difficile de cerner une personnalité aux aspects aussi multiples et contradictoires : aristocrate, grand mondain, marié à l'un des grands noms de la noblesse anglaise, il a mené une vie brillante à Paris, à Londres, ou à Monte-Carlo, avant de se fixer définitivement à Rome, au pied du Palatin et du Forum, dans une retraite qu'il quitta rarement, sauf pour assister à la création tardive (et qu'il n'avait jamais sollicitée) de ses grandes œuvres. Scelsi était un homme d'une urbanité exquise et d'une grande culture ; il est l'auteur de plusieurs recueils de poèmes (en français exclusivement, langue qu'il parlait admirablement) dont la perfection, la concentration et la rigueur hautaine suffiraient à lui assurer une place dans l'histoire. Au cours de ses années parisiennes, il fut l'ami des plus grands : Dalí, Brancusi, Michaux, Tzara, Pierre Jean Jouve, qui l’aidera à publier ses premiers recueils de poésie en français chez Guy Lévis Mano (GLM). L'obscurité dont il fut si longtemps la victime n'est pas seulement la conséquence de son refus de toute publicité et de tout carriérisme ; elle résulte aussi d'un féroce boycottage dans son pays d'origine, dû en grande partie à l'envie et à la jalousie de collègues moins privilégiés par la fortune. Cependant, la raison profonde (et ici le destin de Scelsi rejoint ceux de Varèse et de Ives) tient à une musique trop en avance sur son temps, et en porte à faux par rapport aux tendances de son époque. Alors que, entre 1950 et 1965 environ, l'avant-garde européenne s'attachait aux problèmes du structuralisme et d'une conception combinatoire et dialectique de la musique, Scelsi anticipait hardiment les préoccupations les plus récentes, celles du continuum[...]

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Pour citer cet article

Harry HALBREICH. SCELSI GIACINTO (1905-1988) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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