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CUVIER GEORGES (1769-1832)

L'échelle des êtres et l'unité de plan du règne animal

Ses recherches sur les ossements fossiles devaient inévitablement amener Cuvier à prendre position sur le grand problème des rapports que les vivants soutiennent entre eux et sur les questions, fort discutées en son temps, de l'échelle des êtres et de l'unité de plan du règne animal.

La conception de l'échelle des êtres, c'est-à-dire la conception selon laquelle les êtres se rangent sur une ligne unique n'offrant ni interruptions ni hiatus, était encore très répandue au début du xixe siècle. Cuvier souligne que la série animale ne forme pas une seule ligne, mais se résout en une multitude de lignes. En effet, les organes ne suivent pas tous le même ordre de modifications : tel est à son plus haut degré de perfectionnement dans une espèce et rudimentaire dans une autre. De sorte que, si l'on établit une série à partir des organes des sens, une autre en considérant la circulation, ou la respiration, aucune ne sera semblable.

La forme extrême donnée par É. Geoffroy Saint-Hilaire à la notion d'unité de plan du règne animal a été rejetée par Cuvier. Le plan correspond à la position relative des organes. Pour qu'il y ait unité de plan, il suffit que ceux-ci conservent, les uns par rapport aux autres, les mêmes positions. « Mais peut-on dire que le Vertébré, dont le système nerveux est placé sur le canal digestif, soit fait sur le même plan que le Mollusque, dont le canal digestif est placé sur le système nerveux ? » La position relative des organes est donc différente. En réalité, le plan, défini par cette position relative des organes, est toujours le même chez les Vertébrés, le même chez les Mollusques, le même chez les Articulés... Mais il se modifie quand on passe de l'un de ces groupes à l'autre.

Cuvier a été enfin amené, par ses recherches paléontologiques, à aborder le problème de la mutabilité des espèces. Il en a ainsi posé les données : « Pourquoi les races actuelles ne seraient-elles pas des modifications de ces races anciennes que l'on trouve parmi les fossiles, modifications qui auraient été produites par les circonstances locales et le changement de climat, et portées à cette extrême différence par la longue succession des années ? » À quoi on peut répondre, déclarait-il, que, si les espèces avaient changé par degrés, on devrait trouver des traces de ces changements. Entre la faune à Palaeotherium et la faune à Mastodontes, entre la faune à Mastodontes et la faune actuelle, on devrait trouver des intermédiaires, « et jusqu'à présent cela n'est point arrivé ». Et même si les espèces anciennes n'avaient pas été fixes, les révolutions nombreuses dont notre globe a été le théâtre ne leur auraient pas laissé le temps de se livrer à leurs variations.

Il n'en demeure pas moins que la vie a présenté, au cours des âges géologiques, des aspects différents et que des faunes variées se sont succédé à la surface du globe. Sur ce point, d'ailleurs, la pensée de Cuvier reste vague et obscure. Il n'admet point, contrairement à ce que l'on dit généralement, des créations nouvelles. Cette succession des faunes, qu'il a si bien mise en évidence, serait limitée à certains continents qui, à la suite des grandes révolutions du globe, auraient été repeuplés par migrations à partir d'une source d'emplacement inconnu, où auraient coexisté les espèces que nous appelons fossiles et les espèces encore vivantes. La faune actuelle ne serait qu'un résidu appauvri des faunes du passé.

— Jean PIVETEAU

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la Sorbonne, membre de l'Académie des sciences

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Pour citer cet article

Jean PIVETEAU. CUVIER GEORGES (1769-1832) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Georges Cuvier et la paléontologie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Georges Cuvier et la paléontologie

Georges Cuvier - crédits : Courtesy of the Musée National d'Histoire Naturelle, Paris

Georges Cuvier

Crânes de bovidés - crédits : Coll. Eric Buffetaut

Crânes de bovidés

Autres références

  • RECHERCHES SUR LES OSSEMENTS FOSSILES DE QUADRUPÈDES (G. Cuvier)

    • Écrit par Eric BUFFETAUT
    • 227 mots
    • 1 média

    Avec la publication, en 1812, de Recherches sur les ossemens fossiles de quadrupèdes, où l'on rétablit les caractères de plusieurs espèces d'animaux que les révolutions du globe paraissent avoir détruites, Georges Cuvier (1769-1832) établit les principes de la paléontologie, étude...

  • ACTUALISME ET CATASTROPHISME

    • Écrit par Florence DANIEL
    • 2 440 mots
    • 1 média
    Cuvier est le « catastrophiste » qui a eu la portée la plus large. Il n'est certes pas le premier à tenter une explication de l'histoire de la Terre fondée sur une série de cataclysmes naturels ; nombre de ses idées sont empruntées à Deluc, comme celle sur les temps anciens gouvernés par des processus...
  • AGASSIZ LOUIS (1807-1873)

    • Écrit par Stéphane SCHMITT
    • 1 396 mots
    • 1 média
    ...Après avoir soutenu, en 1830, une seconde thèse, de médecine cette fois, Agassiz voyage à travers l’Europe et travaille un temps à Paris auprès de Georges Cuvier, qui avait apprécié son travail sur les poissons. Cette collaboration lui fait grande impression car, bien que Cuvier soit opposé aux excès...
  • ANNING MARY (1799-1847)

    • Écrit par Eric BUFFETAUT
    • 1 138 mots
    • 1 média
    ...financière. Par son retentissement, cette vente fait connaître Mary Anning à un cercle plus vaste de collectionneurs et de scientifiques, parmi lesquels Georges Cuvier (1769-1832), qui fait acquérir pour le Muséum de Paris plusieurs reptiles marins qu’elle a trouvés. À partir de 1820, les découvertes remarquables...
  • BALZAC HONORÉ DE (1799-1850)

    • Écrit par Maurice MÉNARD
    • 15 001 mots
    • 3 médias
    ...c'est à ce moment seulement qu'il adopte explicitement ses thèses sur l'unité de composition. Avant cette rencontre, il paraissait être le zélateur de Cuvier, le tenant des conceptions analytiques, l'ennemi de Geoffroy Saint-Hilaire. C'est à la manière de Cuvier que Louis Lambert pratique...
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Voir aussi