GÉOLOGIE Géologie contemporaine
La géologie, science d'ouverture
Le lien avec les autres disciplines
Les sciences de la Terre sont au carrefour de plusieurs disciplines, intégrant la problématique et les méthodes de chacune d'elles.
Le lien avec la paléontologie humaine est assez direct si l'on considère que les ancêtres de l'Homme et des grands singes sont des fossiles parmi d'autres. Ce lien s'est développé de façon originale à travers l'étude du contrôle géologique des mouvements des populations humaines, le long du grand rift africain notamment, et celle de l'évolution des environnements humains. Ainsi, la période de sécheresse issue de la formation du grand rift aurait joué un rôle déterminant dans l'acquisition de la bipédie d'après certains auteurs.
La géographie, historiquement dédiée à la géographie physique, partage avec la géologie les thématiques de la géomorphologie et de l'évolution des paysages. Le lien avec la géologie est aujourd'hui étendu à la géographie humaine. Toute étude environnementale globale, ou des ressources pétrolières et minéralogiques, ou encore des événements géologiques (tremblements de terre, éruptions volcaniques, tsunamis, glissements de terrain...) requiert en effet une double compétence ; d'une part, sur la connaissance du milieu naturel, et, d'autre part, sur la vulnérabilité et le comportement des populations humaines soumises aux évolutions de ce milieu.
La physique, initialement très orientée vers des techniques d'imagerie, et de propagation des ondes mécaniques, s'est élargie à des techniques de pointe, comme l'imagerie à renversement temporel, ou encore à la physique corpusculaire, comme les géoparticules, notamment les géoneutrinos. Dans ces domaines, le signal perçu par le géologue est souvent un bruit qui doit être corrigé pour le physicien. Ainsi, le bourdonnement sismique de la planète doit être parfaitement décrit pour permettre une éventuelle détection des ondes gravitationnelles sur les interféromètres géants. Les sciences de l'Univers sont également étudiées de façon complémentaire par les géosciences, notamment la cosmochimie et la physique des hautes énergies.
Le lien avec les sciences de la vie est ancien. Naguère orientées vers l'étude des formes de vie ancienne, celles-ci s'intéressent aujourd'hui à la vie actuelle au fond des océans, près des sources hydrothermales – lesquelles pourraient être un analogue des premières formes de vie bactérienne apparues sur Terre –, ainsi qu'à la biogéosphère profonde, formée de bactéries vivant dans la lithosphère terrestre, et montrant un métabolisme plus actif lorsqu'elles sont mises sous pression en laboratoire. Les traces de vie découvertes sur des météorites, notamment martiennes, ont suscité de fortes polémiques à propos des interactions entre le minéral et le vivant ; elles sont aujourd'hui l'objet de nombreuses études en laboratoire.
Le lien avec les sciences de l'environnement, elles-mêmes au carrefour de nombreuses disciplines, chimie, physique, hydrologie, pédologie et biologie, s'est de plus en plus développé avec la prise en compte de plus en plus prégnante de l'impact de l'Homme sur son environnement. Comprendre l'impact à moyen et long terme de l'activité des sociétés humaines nécessite en effet une bonne connaissance du milieu naturel et des grands cycles géochimiques, du gaz carbonique notamment. Ainsi en est-il de l'impact sur les sols, dont l'étude de la structure et de l'évolution relève de la pédologie. En effet, les sols sont aujourd'hui considérés comme un milieu dynamique, résultant des interactions chimiques, physiques et biologiques entre la roche mère, l'hydrosphère et le monde vivant. Leur caractérisation et la maîtrise de ses diverses applications nécessitent le recours à de nombreuses disciplines scientifiques.
Le lien avec la climatologie est très important, dans la mesure où la géologie fournit une image du passé climatique de la Terre et permet de mieux comprendre les interactions complexes entre les paramètres orbitaux de la planète, la paléogéographie, la teneur en gaz à effet de serre et le climat global – comme par exemple lors des périodes de totale glaciation au Cambrien ou d'optimum climatique au Crétacé.
Les applications de la géologie
La géologie, à travers ses applications, a marqué, et marque encore, l'histoire des sociétés humaines. Ainsi, les bassins houillers, qui ont permis la révolution industrielle en Angleterre, portent aujourd'hui les traces des crises économiques de la fin du xxe siècle dans le nord de la France. Dans d'autres domaines, l'étude de l'influence des terroirs rocheux sur les caractéristiques du vin est devenue une véritable science et l'exploitation moderne des mines de sel rose himalayen, non affecté par les pollutions du monde moderne, trouve un lointain écho dans les mines de sel de l'Antiquité, fruits des premières « exploitations industrielles » connues.
La connaissance du sol et du sous-sol, et l'exploitation des ressources directes éventuellement mises ainsi en évidence, est la plus directe des applications de la géologie. Les cartographies du sol et du sous-sol en trois dimensions sont assurées en général par les bureaux géologiques nationaux en collaboration avec des universitaires, le Bureau des recherches géologiques et minières (B.R.G.M.) en France, l'United States Geological Survey (U.S.G.S.) aux États-Unis, ou encore le British Geological Survey (B.G.S.) en Angleterre. Les cartes produites le sont à des échelles très variées, en France du 1 :50 000, pour les plus détaillées, au 1 :1 000 000 pour une vision d'ensemble du pays. S'y ajoutent des cartes continentales issues de la collaboration internationale, 1 :1 500 000 pour l'Europe et plus généralement au 1 :5 000 000.
La recherche des hydrocarbures fossiles et des minerais d'uranium fait appel à la fois aux méthodes de la géologie de terrain et aux méthodes de la géophysique et de la pétrologie, pour mieux comprendre l'origine des dépôts de métaux, ce que l'on nomme la métallogénie. L'arrivée du « Pic Oil » et la chute de production annoncée des hydrocarbures fossiles entraînent une augmentation du prix du pétrole qui, en retour, rend viables les extractions des hydrocarbures lourds non conventionnels et relanceront probablement les campagnes de prospection dans des zones autrefois négligées, comme les grands fonds océaniques.
Les énergies renouvelables ont fait naître de nouveaux besoins en terre rares, telles que le galium et le néodyme pour les cellules photoélectriques de haute performance utilisées dans la filière solaire. L'extraction de ces éléments, particulièrement délicate, et leur localisation quasi exclusive en Chine pourraient poser à l'avenir des tensions sur les marchés économiques qui y sont liés.
La recherche des ressources hydriques est devenue une application importante de la géologie et de la géophysique. Par exemple, des méthodes électriques permettent d'identifier les zones d'eau pure dans les régions littorales affectées par les remontées d'eaux marines.
La géothermie, utilisée anciennement dans les stations thermales pourvues de sources chaudes, en Auvergne ou au Japon par exemple, est devenu un enjeu économique important dans le cadre du développement durable et de la recherche d'énergie renouvelable. En milieu volcanique, les fortes températures du sous-sol permettent de générer de la vapeur d'eau et de produire de l'électricité. La géothermie de basse énergie, qui exploite la différence de température entre le sol et le sous-sol, est de plus en plus utilisée dans les maisons individuelles ; elle permet en hiver d'obtenir une température plus clémente et, en été, de tempérer les fortes chaleurs. La production d'hydrogène naturel, le carburant du futur, est l'axe de développement le plus récent, notamment en lien avec l'hydrothermalisation des basaltes en serpentine.
La gestion des déchets à long terme, en premier lieu les déchets radioactifs, et plus récemment le stockage du CO2, fait appel à différents champs de la géologie, depuis la géologie de terrain et la cartographie pour localiser les zones de stockage, à la géochimie qui permet de confirmer l'imperméabilité des zones au cours du temps, et à la géophysique pour dessiner en profondeur les réservoirs. Dans le cadre du stockage du CO2, lorsqu'il n'est pas réalisé sous forme minérale, la géophysique est également nécessaire pour la surveillance des zones de stockage et la détection de fuites éventuelles.
La gestion des risques naturels, par exemple les volcans surveillés par des observatoires au sol ou par des satellites, appelle une contribution centrale des sciences de la Terre qui permettent soit de prédire l'arrivée de la catastrophe (dans le cas des volcans), soit de définir des zones à risque où les probabilités d'occurrence sont les plus fortes (séismes). Enfin, la connaissance du sous-sol est indispensable à la protection des bâtiments par les techniques du génie parasismique. Les phénomènes de site, comme les amplifications dans certains bassins sédimentaires, peuvent être extrêmement dangereux s'ils ne sont pas pris en compte dans la sécurisation des bâtiments. La mécanique des roches permet de progresser dans la connaissance de la rupture et du fonctionnement des failles, en traquant les éventuels précurseurs de la rupture sismogène.
L'ouverture internationale
La géologie est une science de nature globale dans la mesure où elle s'intéresse en premier lieu à la structure et à la dynamique de la Terre dans son ensemble. Il serait incongru d'imaginer qu'un territoire national, quel qu'il soit, permet à lui seul de comprendre le fonctionnement de la Terre, mais il est des lieux particulièrement révélateurs, qui sont devenus des chantiers internationaux, où convergent les scientifiques de nombreux pays. L'Himalaya, le Chili, le Basin and Range en Californie, les volcans comme le mont Saint Helens, ceux des îles Hawaii, de l'île de La Réunion et les volcans actifs italiens sont des zones intensivement étudiées ; elles ont permis de définir les grandes lignes du fonctionnement des chaînes de montagne, des zones de subduction et du volcanisme.
Certaines études, notamment géophysiques, nécessitent des financements extrêmement importants, éventuellement du même ordre de grandeur que ceux de la conquête spatiale, et reposent sur une collaboration internationale de grande envergure. Les études du sous-sol crustal et lithosphérique ont été réalisées par de grands consortiums internationaux comme le programme Ecorce en Europe. L'étude des dorsales océaniques et les forages dans la croûte océanique (I.O.D.P., International Oceanic Drilling Program) requièrent des investissements lourds d'un ensemble d'instituts nationaux, dont le C.N.R.S. français.
Les géologues se regroupent en sociétés savantes internationales, dont les principales sont l'American Geophysical Union (A.G.U., plus de 50 000 membres, issus de près de 150 pays différents), l'European Geosciences Union (E.G.U., 10 000 membres) et la Geochemical Society (3 000 membres). Ces associations internationales sont extrêmement vastes, et souvent découpées en sections disciplinaires. Elles organisent des congrès annuels, lieux d'échanges et de rencontres. Le premier de ces congrès fut organisé à Paris en 1878 ; actuellement les principaux sont le congrès d'hiver de l'A.G.U. à San Francisco, le congrès de printemps de l'E.G.U. à Vienne et la conférence Goldschmidt itinérante en géochimie. Des associations plus disciplinaires coexistent avec les précédentes, avec leurs propres congrès, moins vastes et souvent moins réguliers que les précédents, comme International Association of Volcanology and Chemistry of Earth's Interior (I.A.V.C.E.I.), ainsi que des associations plus professionnelles, comme European Association of Geoscientists and Engineers (l'E.A.G.E.) et American Association of Petroleum Geologists (A.A.P.G.) et bien sûr les sociétés savantes nationales historiques, comme la Geological Society of London ou la Société géologique de France. Ces associations professionnelles éditent souvent leurs propres revues, par exemple le Journal of Geophysical Research pour l'A.G.U. ou Geochimica et Cosmochimica Acta pour la Geochemical Society, qui constituent une part importante du corpus académique en géosciences. Des éditeurs privés complètent cette gamme, comme Elsevier avec Earth and Planetary Science Letters, ou Blackwell avec Geophysical Journal Interntional, et les fameuses revues Science ou Nature, laquelle a été récemment complétée par une publication dédiée, Nature Geoscience.
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Écrit par
- Édouard KAMINSKI : professeur des Universités, Institut de physique du globe de Paris, volcanologue
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- GÉOLOGIE APPLIQUÉE
- GÉOTHERMIE
- MINES & CARRIÈRES
- CRISTALLOGRAPHIE
- CRISTALLOCHIMIE
- NOYAU, géophysique
- MINÉRAUX
- STRUCTUROLOGIE, géologie
- CHAMP MAGNÉTIQUE TERRESTRE ou CHAMP GÉOMAGNÉTIQUE
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