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PÉDOLOGIE

La pédologie est définie essentiellement par son objet : c'est la science des sols, de même que la géologie est la science des roches constituant la croûte terrestre et la biologie la science des êtres vivants. C'est l'étude de l'organisation (structures et fonctionnement) des sols, de leurs propriétés, de leur distribution dans l'espace et de leur évolution dans le temps.

Née officiellement en 1883 en Russie, la pédologie n'a véritablement été introduite en France qu'en 1934 par A. Demolon, de retour d'un congrès à Leningrad. De par ses racines historiques, elle a été longtemps considérée comme une branche de la géologie et limitée à l'étude de la formation et de l'évolution des sols (pédogenèse).

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Les conceptions les plus modernes partent du constat que les véritables objets d'étude de la pédologie sont les couvertures pédologiques, formations naturelles, continues, tridimensionnelles, dont l'organisation et les propriétés sont en perpétuelle évolution, en lien avec les autres facteurs du milieu et en particulier avec les interventions de l'Homme.

Concepts

Depuis sa reconnaissance initiale par V.  Dokoutchaïev en 1883, l'objet étudié par la pédologie a été nommé sol. Pendant longtemps, l'étude (indispensable) de fosses a donné lieu, par assimilation aux principes des classifications biologiques, à une ambiguïté jamais totalement levée quant à la nature exacte de l'objet étudié puis classé. On a longtemps étudié exclusivement et classé des «  profils » de sols considérés comme de véritables individus appartenant à des catégories naturelles. Plus tard (1960), l'école américaine introduisit la notion de pedon : volume minimal pour l'observation et l'échantillonnage.

Puis l'idée de couvertures pédologiques, née et développée initialement en U.R.S.S. (V. M. Fridland), s'est imposée petit à petit en France, à partir des années 1970, sous l'impulsion féconde de J. Boulaine, A. Ruellan, R. Boulet, G. Bocquier, et bien d'autres. Pour bien exprimer ces concepts nouveaux, une nouvelle terminologie a été établie.

Les couvertures pédologiques

Les couvertures pédologiques (C.P.) sont des formations naturelles dont l'existence et l'état actuel résultent de l'évolution au cours du temps de la partie la plus superficielle de la lithosphère (les roches) sous l'action combinée de facteurs climatiques ou physiques (températures, précipitations, gravité) et de l'activité biologique au sens large (végétaux, animaux, micro-organismes).

On peut reconnaître avec certitude que l'on se trouve en présence de ces objets « pédologiques » (sols) et non plus en présence de roches (non sols) à un certain nombre de caractères spécifiques non exclusifs :

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– une structure (organisation) particulière qui n'est pas celle de la roche d'origine ;

– des transformations chimiques de certains minéraux hérités (altération) ;

– l'apparition de nouvelles espèces minérales (néogenèses) ;

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– la présence d'organismes vivants (micro-organismes, macrofaune et organes hypogés des plantes supérieures). Cette présence est rendue possible par l'abondance relative d'oxygène gazeux provenant de l'atmosphère. Ce milieu que nous évoquons est donc un écosystème terrestre.

Les C.P. sont des volumes (presque toujours de moins de 2 m d'épaisseur sous les climats tempérés), le plus souvent à très grande extension latérale (dizaines de km). Elles sont circonscrites latéralement par des limites naturelles : coulées de laves ou cendres volcaniques récentes, rivières, lacs, mers, glaciers, rebords de falaises, etc. Il existe aussi des limites d'origine humaine plus ou moins nettes : bord de carrières, routes, terrassements, zones urbanisées.

Les C.P. sont des continuums variant dans les trois dimensions de l'espace. En effet, à l'intérieur de ses limites, chaque C.P. n'est pas homogène. Selon l'axe vertical existent toutes sortes de gradients (matières organiques, taux et nature des argiles, calcaire, agrégation et porosité), indépendants ou corrélés entre eux, qui se combinent ou s'entrecroisent. Le constat de cette anisotropie verticale est à l'origine du concept d'horizon (cf. infra).

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Si l'on se déplace d'un point à un autre, selon les deux autres dimensions de l'espace, on observe l'hétérogénéité latérale des C.P. Les changements sont plus ou moins progressifs, plus ou moins contrastés, ils affectent un seul caractère ou plusieurs à la fois, ils sont plus ou moins faciles à observer ou à quantifier. Ces changements s'opèrent parfois en quelques mètres, ou bien à l'échelle du kilomètre. D'où la difficulté de découper ce continuum variant en sous-ensembles spatiaux (cf. Analyse spatiale des couvertures pédologiques).

Comme elles sont traversées par des flux et que des transferts de matières s'opèrent en leur sein, verticalement et latéralement, les C.P. ont tendance à se différencier progressivement dans les trois dimensions. Mais elles ne se déplacent pas, et sont donc strictement localisées à un certain territoire. Leur aspect et leurs propriétés en chaque point de l'espace sont la résultante de l'action des facteurs extérieurs de leur genèse, mais aussi de leur auto-évolution pédologique. À l'action des processus naturels s'ajoutent les effets des interventions humaines. Chaque secteur d'une couverture pédologique a donc son histoire spécifique qui est la cause de la grande variabilité verticale et latérale que nous constatons aujourd'hui.

Les C.P. sont des continuums hétérogènes, mais les variations que l'on y observe ne sont pas aléatoires. On distingue plusieurs niveaux d'organisation : celui de l'agrégat, celui de l'assemblage, celui de l'horizon et celui du système pédologique (cf. Analyse et caractérisation des couvertures pédologiques).

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À la différence des sciences biologiques, en pédologie il n'existe ni espèces ni individus. En effet, l'espèce merle (Turdus merula) prise à titre d'exemple, peut être étudiée au laboratoire, du moins en ce qui concerne son anatomie et sa physiologie. Et tous les individus merles de notre planète sont bien distincts et présentent un cortège tellement constant de caractères que dans chaque pays on s'accorde à les reconnaître comme merles. Il n'en va pas de même en pédologie où les « types de sols » varient à l'infini dans le détail et où morphologies et fonctionnements (qui correspondent aux notions d'anatomie et de physiologie) ne peuvent être étudiés convenablement que in situ. En effet, il est possible de prélever des échantillons mais, extraits de leur contexte, ces prélèvements ne fournissent que des informations incomplètes.

Notion d'horizon

En chaque point de l'espace géographique, l'observation de la morphologie d'une couverture pédologique montre en général des différenciations selon un axe vertical. De là est née, très anciennement, la notion d'horizon.

Les horizons résultent de la subdivision d'une C.P. en volumes considérés comme suffisamment homogènes. Il est clair que cette homogénéité est relative et correspond à une certaine échelle d'investigation. Elle autorise explicitement une hétérogénéité dans le détail : agrégats distincts, différents constituants formant le fond matriciel et les traits pédologiques (cf. Analyse et caractérisation des couvertures pédologiques).

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Par leur dimension verticale, le plus souvent centimétrique à métrique, les horizons sont directement perceptibles à l'œil nu sur le terrain.

Chaque horizon est un volume. On doit définir son contenu (constituants, organisations, caractères, propriétés et données analytiques) mais aussi son contenant par la description de ses limites, de son enveloppe. Sa dimension verticale la plus petite est au moins centimétrique et souvent décimétrique, voire métrique. Ses dimensions latérales sont au moins décimétriques et le plus souvent hectométriques ou kilométriques. Un horizon n'est pas infini : il disparaît latéralement ou se transforme en un autre horizon. Son extension spatiale est délimitable.

Les limites supérieures et inférieures d'un horizon sont généralement conformes à la surface du terrain. Mais un horizon peut aussi se présenter sous la forme de lentilles ou de langues, il peut même être entièrement inclus dans un autre horizon. Les transitions entre horizons peuvent être nettes ou plus ou moins progressives. Chaque horizon est presque toujours associé géométriquement à d'autres horizons et lié à eux par des relations étroites. Les limites géométriques entre horizons peuvent être des limites dynamiques : relations pédogénétiques (évolutions longues) et relations fonctionnelles (dynamique journalière ou saisonnière).

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La position d'un horizon par rapport à l'interface sol-atmosphère est une caractéristique essentielle. Elle conditionne en effet l'apport de matières organiques, l'importance des flux thermiques ou hydriques qui l'atteignent ou le traversent, la masse des horizons sus-jacents qui pèsent sur lui, la pénétration par les racines et les animaux, etc., toutes conditions qui règlent son évolution et ses fonctionnements.

Notion de système pédologique

Les systèmes pédologiques sont des volumes de sols au sein desquels des horizons sont organisés entre eux, verticalement et latéralement, à l'échelle de l'unité de relief. Ces horizons sont liés par une même dynamique évolutive. Un système pédologique se décrit donc en termes d'horizons et de relations entre eux : ce que sont ces horizons ; comment ils se superposent verticalement ; comment ils se succèdent latéralement ; comment ils se séparent les uns des autres (nature des variations morphologiques qui marquent le passage d'un horizon à l'autre, nature des limites qui les séparent). La définition morphologique de la structure doit trouver sa confirmation par des critères géochimiques et minéralogiques : ainsi au terme d'une étude complète, un système pédologique est caractérisé par un type de dynamique évolutive qui est défini d'après des critères géochimiques, minéralogiques et structuraux.

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Écrit par

  • : professeur honoraire de pédologie à l'O.R.S.T.O.M.
  • : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, docteur ès sciences
  • : professeur de science du sol à l'Institut des régions chaudes, Montpellier SupAgro
  • : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, directeur du Service d'étude des sols et de la carte pédologique de France

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