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GENRE GRAMMATICAL

Catégorie morphologique supportée par diverses parties du discours, variables du reste selon les langues considérées, la seule constante qu'on puisse observer étant le caractère lexicalisé de la catégorie : entendons qu'à l'inverse du nombre le genre est donné dans la compétence du sujet pour chaque nom, indépendamment de la volonté du locuteur. Deux directions principales organisent, à partir de là, la question : l'ordre de la réalité (le genre est-il rationnel ?) et celui du discours (comment l'énoncé en distribue-t-il les marques ?).

On serait tenté, en ce qui concerne le plan de la référence, de postuler une relation étroite entre le genre grammatical et le sexe : cette relation ne vaudrait, bien entendu, que pour les êtres vivants, tandis que les choses, non sexuées, se répartiraient, en un premier temps, dans la catégorie du neutre (étymologiquement, ni l'un ni l'autre) et, par la suite, dans l'un ou l'autre genre si le neutre venait à disparaître. Quelle que soit la « sexuisemblance » observée (Damourette et Pichon), on est bien obligé de convenir qu'on se situe ainsi en plein domaine de l'arbitraire social : à part le cas des quelques animaux élevés par l'homme pour ses besoins alimentaires ou affectifs (encore la poule est-elle neutre en allemand et le chat féminin), il règne dans l'attribution du genre aux animaux la plus grande fantaisie, qu'il s'agisse de la souris mâle ou du singe femelle. D'une manière générale, il est extrêmement difficile de retrouver dans l'histoire des mentalités une apparence, même mythologique, de fondement à cette catégorie, qui fonctionne cependant parfois en s'appliquant à des classes sémantiques entières ; ainsi en est-il des noms d'arbres en latin, tous féminins à de rares exceptions près. Mais il faut se garder d'en inférer avec certitude les traces d'un animisme primitif ; on pourrait tout au plus en retirer l'idée que l'apprentissage est, dans une certaine mesure, facilité par l'analogie qui affecte de valeurs identiques des séries. Un contre-exemple le prouverait à sa façon : les fautes que chacun a pu commettre sur les « abîmes » et autres « alvéoles », contaminés par « azalée » ou « auréole », sans compter que l'Académie a longtemps accepté l'androgynie d'« automne », cautionne encore celle d'« après-midi » et que le néologisme « autoroute » est passé bien près, dans l'usage au moins, d'un injustifiable masculin, tant un a initial perturbe l'intuition. Il reste que le genre a, dans certains cas, valeur discriminante (« manche », « mousse », « voile ») pour dissiper une homophonie : il est bien rare alors que le message soit susceptible de perturbation, à moins d'une neutralisation par le pluriel, ce qui est un phénomène très général (« plaids » [« procès »] disparaissant est réinterprété « plaies » et élargi en « plaies et bosses »).

Au niveau plus linguistique de l'analyse structurale de l'énoncé, l'analyse de la langue retiendra, en vertu du principe d'immanence, la distribution des marques de genre sur les différents segments de la chaîne en essayant d'y repérer les régularités : ainsi, certaines oppositions sont lexicales (frère/sœur), d'autres sémantiques (cuisinier/cuisinière, être animé/cuisinière, objet) ; parfois, l'énoncé, faute de marques, est parfaitement ambigu quant au genre (« leur enfant est désagréable ») ou ambigu seulement dans le code oral (« cet enfant est désagréable »/« cette enfant est désagréable ») ; un énoncé ne peut cumuler les marques de nombre et de genre, autre façon de dire que « le masculin l'emporte sur le féminin » ; enfin, le verbe, en français tout au moins, n'est jamais porteur de la marque du genre, sauf dans ses formes adjectivales,[...]

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Pour citer cet article

Robert SCTRICK. GENRE GRAMMATICAL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CATÉGORIES LINGUISTIQUES

    • Écrit par Robert SCTRICK
    • 287 mots

    Malgré les fréquents glissements que l'on constate dans l'usage et qui tendent à confondre l'emploi de ce mot avec celui de classe, on peut, au sens étroit, assigner au terme de catégories un rôle essentiellement métalinguistique : en effet, alors que la classe est l'ensemble des éléments...

  • NOMENCLATURE BOTANIQUE RÈGLES INTERNATIONALES DE

    • Écrit par Jean-Marie PRUVOST-BEAURAIN
    • 9 853 mots
    • 6 médias
    Le genre grammatical d'un nom générique est celui que lui assigne la tradition botanique (ex. : Adonis L. 1753, Diospyros L. 1753, Orchis L. 1753 sont considérés comme féminins, Lotus L. 1753 comme masculin), qui retient en général le genre classique des noms latins ou d'origine grecque. En...
  • POLOGNE

    • Écrit par Jean BOURRILLY, Universalis, Georges LANGROD, Michel LARAN, Marie-Claude MAUREL, Georges MOND, Jean-Yves POTEL, Hélène WLODARCZYK
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    • 27 médias
    ...distingue deux nombres (singulier, pluriel) et sept cas (nominatif, accusatif, génitif, datif, instrumental, locatif et vocatif). La distinction des trois genres est complétée par deux sous-catégories, celles du masculin animé et du masculin personnel. L'opposition (attestée dans d'autres langues slaves)...
  • PSYCHOLOGIE DU LANGAGE ORAL

    • Écrit par Elsa SPINELLI
    • 4 407 mots
    Des facteurs contextuels peuvent contraindre l’activation des unités lexicales (voir les travaux de P. Tabossi). C’est le cas du genre grammatical (féminin/masculin), qui bloque l’activation des candidats lexicaux non compatibles avec le genre. Dans la séquence « la brioche », le mot « briquet »...

Voir aussi