Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SCHELLING FRIEDRICH WILHELM JOSEPH VON (1775-1854)

La première tentative de synthèse : la philosophie de l'identité (1801-1808)

À l'automne de 1800, Schelling regagne Iéna, après un séjour de quelques mois à Bamberg où il a essayé, non sans de cruels déboires, de s'initier à la médecine. Le Journal de physique spéculative, qu'il vient de fonder, publie au début de 1801, après quelques articles annonciateurs, l'Exposé de mon système de philosophie (Darstellung meines Systems der Philosophie) – titre significatif, comme si, pour la première fois, le brillant second de Fichte entrait en possession de sa pensée la plus propre (les deux hommes ne tarderont pas d'ailleurs à se brouiller définitivement). Durant quelques années, Schelling va donc être l'homme d'une philosophie. Cette philosophie, il l'enseignera jusqu'en 1803 à Iéna, puis, jusqu'en 1806, à Würzbourg ; elle commencera à se désagréger quand Schelling, abandonnant l'enseignement, se retirera à Munich où l'attendent diverses sinécures (il sera d'abord membre de l'Académie des sciences, puis, en 1807, secrétaire général de l'Académie des beaux-arts). À côté de ses cours, la production littéraire de Schelling demeure d'ailleurs intense au cours de ces années d'épanouissement : le dialogueBruno, ou Du principe naturel et divin des choses (Bruno, oder Über das natürliche und göttliche Prinzip der Dinge, 1802), auquel fait suite, en 1804, Philosophie et Religion, les rééditions corrigées des premiers essais de Leipzig, le violent pamphlet de 1806 contre Fichte, le discours de 1808 Sur les arts plastiques ne sont que les points culminants d'une production que Schelling disperse inépuisablement dans diverses revues éphémères – le Journal de physique spéculative, le Journal critique de la philosophie, rédigé en collaboration avec Hegel, les Annales de médecine scientifique, qui publient, en 1805-1806, les admirables Aphorismes sur la philosophie de la nature...

Cette philosophie que Schelling revendique comme sienne, et dont plus tard il tentera vainement de se désolidariser, deux noms la caractérisent dans l'histoire de la pensée : « philosophie de l'identité » et « philosophie de la nature ». La première dénomination signifie avant tout que le sujet de la philosophie a désormais viré au neutre : il n'est plus le moi, mais l'absolu, c'est-à-dire l'identité. Ce qui est l' essence, c'est l'identique – telle est l'affirmation implicite de la raison lorsqu'elle pose comme sa limite indépassable la non-contradiction. Mais toute identité est identité de..., autrement dit n'apparaît comme telle que sous la forme de l'indifférence mutuelle de deux termes – de deux « pôles » – en eux-mêmes isolables (A = A) : de part et d'autre de la copule (qui est l'être même, ou l'identité), ces deux termes formels apparaissent comme le sujet (l'idéal) et l'objet (le réel) de toute proposition, le sujet ayant une place privilégiée, du fait qu'il est ce qui, dans la forme, tient lieu de l'essence elle-même. L'absolu se révèle donc comme identité (éternelle) de soi-même (le sujet) et de soi comme autre. Tant que ces deux termes ne sont pas réduits à l'indifférence, tant que l'un d'eux tient l'autre sous sa puissance, on peut dire que l'absolu n'est pas là : la forme n'est pas reprise dans l'essence, elle se pose pour elle-même, dans son individualité, sa « différence » (qui suppose tout un système de « différences » complémentaires) sur le fond immobile de l'éternité. En réalité, toute chose n'existe que dans son cœur, là où se nouent et s'égalisent les éléments apparemment disjoints, déséquilibrés de sa forme : dans son cœur, dans son éternité ou, comme le dit volontiers[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-François MARQUET. SCHELLING FRIEDRICH WILHELM JOSEPH VON (1775-1854) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COURS D'INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE DE LA MYTHOLOGIE (F. W. J. von Schelling)

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 1 282 mots

    Longtemps ignorée en France, car suspectée d'irrationalisme, la « dernière philosophie » de Schelling commence à être mieux connue. C'est ainsi qu'une équipe (G.D.R. Schellingiana-C.N.R.S.) entraînée par Jean-François Courtine et Jean-François Marquet a proposé une nouvelle version du ...

  • RECHERCHES PHILOSOPHIQUES SUR L'ESSENCE DE LA LIBERTÉ HUMAINE, Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 829 mots

    Les Recherches philosophiques sur l'essence de la liberté humaine et les sujets qui s'y rattachent sont pratiquement le dernier livre paru du vivant de F. W. J. von Schelling (1775-1854) qui, cependant, continuera à élaborer sa pensée pendant près de quarante-cinq ans. Ce texte difficile...

  • TEXTES ESTHÉTIQUES (F. W. J. Schelling)

    • Écrit par Elisabeth DÉCULTOT
    • 967 mots

    Les réflexions sur l'art du philosophe allemand Friedrich Wilhelm Schelling (1775-1854) ont eu une incidence majeure sur l'histoire intellectuelle allemande des années 1790-1820, et ce pour deux raisons. Non seulement elles ont exercé une influence importante sur de nombreux écrivains, philosophes et...

  • DIEU - Problématique philosophique

    • Écrit par Jacques COLETTE
    • 5 676 mots
    Schelling posera à nouveau et de manière radicale la question de l'origine de la raison. Walter Schulz a montré comment le système de la subjectivité conduit ici à son achèvement la philosophie de l'idéalisme allemand. Assuré de pouvoir exercer sa puissance sur les êtres de ce monde,...
  • ESPRIT, philosophie

    • Écrit par Pierre CLAIR, Universalis
    • 2 144 mots
    ...contenant dont la potentialité est très extensible, quoique limitée ; c'est aussi un contenu à augmenter. Fichte croit à une « histoire » de l'esprit. Le Schelling de la première époque systématise une philosophie de la nature, dans laquelle liberté et arbitraire sont le point de départ de la philosophie...
  • ESTHÉTIQUE - Histoire

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 11 892 mots
    • 3 médias
    Mais, surtout, l'esthétique de Schelling (Système de l'idéalisme transcendantal, Bruno, Philosophie de l'art, Rapports entre les arts figuratifs et les arts de la nature, 1800-1807) libère tout ce que la Critique du jugement contenait de métaphysique implicite. Pour Schelling, l'art...
  • FICHTE JOHANN GOTTLIEB (1762-1814)

    • Écrit par Universalis, Alexis PHILONENKO
    • 8 864 mots
    • 1 média
    La Wissenschaftslehre de 1801 est un cours en partie dirigé contre Schelling et Bardili, qui prétendaient limiter la philosophie des Principes à un idéalisme subjectif. Fichte montre que le point de départ n'est pas le savoir entendu au sens psychologique, mais le savoir pur. Or, la détermination...
  • Afficher les 16 références

Voir aussi