FRANCE (Histoire et institutions)Formation territoriale
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Le problème des frontières naturelles
Le règne de Louis XIII connaît quelques agrandissements du royaume, mais ils ne modifient pas considérablement la carte des mouvances françaises. Depuis l'avènement de Louis XIII, le comté d'Auvergne est réuni à la Couronne. En 1632, le duc de Lorraine est contraint d'abandonner Marsal au roi ; dix ans plus tard, Louis XIII confisque les principautés de Sedan et de Raucourt après la participation du duc de Bouillon au complot de Cinq-Mars. Enfin, les armées françaises ont temporairement occupé la Savoie et le Piémont (1628-1631) et la Franche-Comté (1635-1638).
Poursuivant la politique des « passages », Richelieu a repris Pignerol et Perosa en 1631.
Richelieu et Louis XIV
La thèse d'une action délibérée des souverains et des hommes d'État d'Ancien Régime pour donner à la France des frontières naturelles a été accréditée par nombre d'historiens : Augustin Thierry, Henry Martin, Victor Duruy, Albert Sorel.
Il apparaît bien aujourd'hui qu'on a voulu indûment marquer une continuité entre la politique extérieure de l'Ancien Régime et celle de la Révolution. Danton, dans un célèbre discours à la Convention du 31 janvier 1793 affirme : « C'est en vain qu'on veut nous faire craindre de donner trop d'étendue à la République. Ses limites sont marquées par la nature. Nous les atteindrons toutes des quatre coins de l'horizon, du côté du Rhin, du côté de l'Océan, du côté des Pyrénées, du côté des Alpes. Là sont les bornes de la France ; nulle puissance humaine ne pourra nous empêcher de les atteindre, aucun pouvoir ne pourra nous engager à les franchir. »
Rien de tel n'existe dans la pensée des Français du xviie siècle. L'idée d'une extension nécessaire jusqu'au Rhin n'apparaît que pour justifier la possession ou la recherche d'un droit local, et encore est-elle très peu fréquente.
La conception du territoire national comme un tout uniforme et comme un pré carré n'est pas encore très nette, mais le roi de France a aussi d'autres ambitions. Louis XIV, comme François Ier, a désiré ceindre la couronne impériale. Ce projet rendait moins urgente l'acquisition de la Lorraine et de l'Alsace tout entière. Il rendait par contre nécessaire la possession de passages vers les terres des princes du Saint Empire, clients de la France.
Le Rhin est d'ailleurs un faible moyen de défense. Il faut, pour s'en bien servir, tenir les deux rives ; c'est la raison pour laquelle les Français occupent Philippsbourg et Brisach en 1634 et 1639, Fribourg en 1679, Kehl en 1681-1687.
Au début de son ministère, Richelieu s'intéresse beaucoup plus à l'Italie, ce « cœur du monde », où se rencontrent les intérêts français et habsbourgeois. Seules l'importance grandissante des événements dans l'Empire, l'alliance suédoise de 1631 et la guerre ouverte en 1635 l'inciteront à agir « dans l'Alsace et le long du Rhin ». Pour le cardinal, la politique française doit avant tout assurer la protection des princes voisins contre les entreprises de domination de l'Espagne et garantir ainsi la grandeur du roi de France.
L'occupation de Brisach permet de s'interposer entre les forces espagnoles de l'Italie et des Pays-Bas ou d'intervenir en Allemagne du Sud. Richelieu obtient de même de mettre ses troupes dans Linz chez l'électeur de Cologne, à Ehrenbreitstein sur les terres de l'électeur de Trèves, à Philippsbourg sur celles de l'évêque de Spire.
En 1632, la reprise de Pignerol abandonné depuis plus d'un demi-siècle est accueillie comme un événement de première importance, et les vues de Richelieu ne sont pas radicalement différentes de celles du siècle passé. Dans son Avis au Roi de 1629, le cardinal écrit : « Il faut avoir en dessein perpétuel d'arrêter le cours des progrès d'Espagne. » Le moyen, c'est de « bastir et s'ouvrir des portes pour entrer dans tous les estats de ses voisins et les pouvoir garantir des oppressions d'Espagne ». Mais la protection ne se changera-t-elle pas en annexion ? D'autres textes ne laissent aucun doute sur la valeur universelle, dans l'esprit de Richelieu, de cette politique des passages et des protections : « Ainsy que Pignerol est nécessaire au Roy comme une porte pour le secours de l'Italie, ainsy il est important que Sa Majesté ne soit pas séparée de l'Allemagne affin qu'Elle soit en estat de ne souffrir pas les oppressions qu'on pourroit faire à d [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 20 pages
Écrit par :
- Yves DURAND : chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines de Nantes
Classification
Autres références
« FRANCE » est également traité dans :
FRANCE - Vue d'ensemble
Finistère du continent eurasiatique, ouverte sur le grand large par trois façades maritimes, bénéficiant, par sa situation en latitude qui la place à mi-distance de l'équateur et du pôle Nord, d'un climat tempéré, la France voit alterner sur son territoire les grandes zones de plaines et de plateaux des bassins sédimentaires et fluviaux et les reliefs montagneux situés sur sa périphérie, à l'excep […] Lire la suite
FRANCE (Le territoire et les hommes) - Géologie
L'Europe centrale et occidentale contraste avec la plupart des autres masses continentales par le compartimentage de son relief et du tracé de son littoral, compartimentage qui traduit celui de sa structure géologique et explique sans doute certains aspects de son développement historique. On peut cependant, malgré les irrégularités de leurs tracés, distinguer de grandes zones, correspondant aux p […] Lire la suite
FRANCE (Le territoire et les hommes) - Données naturelles
544 435 kilomètres carrés, 65,7 millions d'habitants (2013), telles sont les données majeures de l'espace français, ce qui le classe au 42e rang pour la superficie et au 21e rang pour la population, parmi les États du monde.Dix-neuf fois plus petit que celui des États-Unis, trente-deux fois plus petit que celui de la Russie, le territoire métropolitain […] Lire la suite
FRANCE (Le territoire et les hommes) - Un siècle de politique économique
« La France est hantée par l'idée de déclin. » La formule de Christian Stoffaës résume de façon percutante l'histoire économique française depuis le début du xxe siècle, ou plutôt la manière dont les Français ont vécu cette histoire.L'idée qu'il existe un « retard français » est, en effet, une constante sur le long terme. Les comparaisons qui sont éta […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - Naissance d'une nation
Si la Gaule romaine peut apparaître avec le recul des siècles comme une ancêtre de la France, les territoires qui devaient constituer celle-ci ne formèrent que lentement, au cours du Moyen Âge, la préfiguration de son entité nationale. Divisée au lendemain des grandes invasions du v […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - L'État monarchique
Liberté, égalité, ces deux principes constituent, en 1789, les fondements de l'ordre nouveau, mais plus encore la négation radicale de l'ancien droit français, en ce qui concerne tant la conception de l'État que celle des droits individuels. L'explosion individualiste de la Révolution française a gagné toute l'Europe, tandis qu'elle a profondéme […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - Le temps des révolutions
Dès le début de l'année 1789, alors que se préparait la réunion des États généraux voulue par le roi Louis XVI, on parlait, en France, d'« Ancien Régime ». Les événements ultérieurs donnèrent à l'expression une dimension radicale qu'elle n'avait pas nécessairement dans son principe. Il n'empêche que la période qui s'ouvre en 1789 fut bien d'abord marq […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - La France d'aujourd'hui
La France libérée en 1945 est un pays en ruine, usé par une décennie de crise économique puis cinq années d'occupation. Or, durant la seconde moitié du xxe siècle, elle va connaître une spectaculaire mutation de ses structures économiques, sociales, politiques, culturelles, entraînant des transformations de l'existence quotidienne des Français comme l […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - Le droit français
Qu'est ce que le droit français ? Si les enseignants spécialisés dans une branche particulière de ce droit n'éprouvent pas le besoin de répondre à une telle question, une présentation générale de cet « objet scientifique » nécessite quelques préalables méthodologiques. Les juristes positivistes considèrent qu'à chaque État correspond – et même s'identifie – un […] Lire la suite
FRANCE (Arts et culture) - La langue française
Pour rendre compte de l'évolution d'une langue, le linguiste distingue traditionnellement deux sortes de facteurs : des facteurs internes, c'est-à-dire des mécanismes de changements proprement linguistiques, dus aux modifications et au réaménagement des systèmes, et des facteurs externes, à savoir les modifications de la société, des techniques, etc., ainsi que les événements historiques. Ces caus […] Lire la suite
Voir aussi
- TRAITÉ D' AIX-LA-CHAPELLE
- ARTOIS
- DÉVOLUTION
- GUERRE DE DÉVOLUTION
- ÉTATS PROVINCIAUX ou PAYS D'ÉTATS
- ANCIEN DROIT FRANÇAIS
- FRONTIÈRE NATURELLE
- IMPÔT histoire
- LIBERTÉS & PRIVILÈGES
- GUERRE DE LA LIGUE D'AUGSBOURG
- PAIX DE NIMÈGUE
- OFFICES ROYAUX
- PIGNEROL
- LES RÉUNIONS
- TRAITÉ DE RYSWICK (1697)
- GUERRE DE LA SUCCESSION D'ESPAGNE
Pour citer l’article
Yves DURAND, « FRANCE (Histoire et institutions) - Formation territoriale », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/france-histoire-et-institutions-formation-territoriale/