FRANCE (Histoire et institutions)Formation territoriale
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
L'assimilation des provinces conquises
Il s'en fallait de beaucoup que les pays rattachés au royaume accueillissent les Français comme les libérateurs d'une domination étrangère. Toutefois, le mécontentement fit assez vite place à la fidélité envers le roi de France.
Les réticences
Les Lorrains furent sans doute les plus attachés à leurs princes. La Lorraine était pratiquement indépendante, même si les ducs étaient princes du Saint Empire, et vassaux du roi pour certains de leurs fiefs. La guerre de Trente Ans y fut particulièrement cruelle et les troupes françaises s'y comportèrent de telle manière que la fidélité au duc Charles IV s'en trouva renforcée. Charles V, dont l'État fut occupé par la France de 1670 à 1697, fut l'un des meilleurs généraux de l'empereur. L'armée lorraine suivit son duc lorsqu'il se fit condottiere. Les habitants persistèrent longtemps dans leur hostilité aux occupants. Cela, d'ailleurs, n'exclut pas que des familles nobles aient pris l'habitude de servir dans les armées du roi de France. Ainsi les membres de la famille de Guise ont à la cour le rang de princes étrangers. Mais, après les vingt-cinq années de la seconde occupation, l'intendant Valbourg écrit des seigneurs du duché qu'ils « ont conservé leurs inclinations pour les princes lorrains ».
Sur la frontière du nord, les populations que l'on arrache à l'Espagne témoignent de sentiments identiques. Catholiques, ils craignent un prince allié des protestants hollandais, allemands et suédois. Les bourgeois défendent avec acharnement leurs villes contre les Français. La défense de Valenciennes, en 1656, est si bien menée que Philippe IV anoblit les membres du Magistrat, et Richelieu dit des Arrageois qu'ils « sont tous ennemis jurés des Français et plus espagnols que les Castillans ». À Dunkerque, en 1647, les capucins refusent de prêter le serment de fidélité au roi de France, et l'intendant de Chaulnes doit ordonner à tous les religieux de reconnaître des supérieurs français et de rompre avec les Flamands. L'attachement à la dynastie espagnole, héritière de Charles Quint – le seigneur « naturel » des Pays-Bas – et des princes bourguignons, est d'autant plus puissant que Madrid est fort loin et que l'on craint un joug français beaucoup plus lourd à supporter. Le Roi Catholique prêtait au début de son règne le serment de respecter les coutumes locales et intervenait peu dans l'administration des villes.
Après l'annexion, ces attitudes persistent. À Lille, quand les Français doivent abandonner Bourbourg, on organise une fête « pour balayer les ordures du pays ». En 1668, lorsque les autorités françaises organisent une procession pour remercier du traité d'Aix-la-Chapelle, un Lillois écrit que c'est « une paix sans joie parce qu'on demeurait au roy de France ». On expose le portrait de Charles II d'Espagne en 1674. On doit, en 1690, expulser un avocat qui déclare ouvertement qu'il voudrait « voir mort le dernier des Français ». Partout circulent libelles et pamphlets. Pour le malheur des gouverneurs et des intendants français, la fin du xviie siècle est dans la région une période de crise économique et d'épidémies. Des ouvriers gagnent les Pays-Bas espagnols pour y travailler ou s'engager dans l'armée ennemie. Au moment de la guerre de Hollande, on craint une révolte des Lillois, car il y a peu de « bons sujets dans Lille ». À Saint-Omer, il n'en est pas différemment et, lorsque les Français occupent la ville, refuge de tous les Artésiens favorables à l'Espagne, le maire se démet de ses fonctions.
En Franche-Comté, le roi d'Espagne est tout aussi populaire. Charles Quint s'est entouré de conseillers et de serviteurs comtois et bourguignons. La province a de grands privilèges. Elle s'administre elle-même et son gouverneur est un noble du pays. Pendant la guerre de Trente Ans, la Franche-Comté a été dévastée comme d'ailleurs la Bourgogne voisine. Le parlement de Dole a dirigé la résistance contre l'invasion française, et les malheurs de cette « guerre de Dix Ans » ont largement contribué à faire haïr les envahisseurs. Alors que la campagne de Condé à travers la province, en 1668, est relativement facile, celle qui donne le pays à la France en 1674 est beaucoup plus ardue. Besançon, Dole et Salins doivent être assiégés. Les curés des campagnes poussent les paysans à une véritable guérilla contre les Français. Les « loups des bois » attaquent les soldats isolés. Après les victoires de Louis XIV, douze cents partisans du roi d'Espagne émigrent en Milan [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 20 pages
Écrit par :
- Yves DURAND : chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines de Nantes
Classification
Autres références
« FRANCE » est également traité dans :
FRANCE - Vue d'ensemble
Finistère du continent eurasiatique, ouverte sur le grand large par trois façades maritimes, bénéficiant, par sa situation en latitude qui la place à mi-distance de l'équateur et du pôle Nord, d'un climat tempéré, la France voit alterner sur son territoire les grandes zones de plaines et de plateaux des bassins sédimentaires et fluviaux et les reliefs montagneux situés sur sa périphérie, à l'excep […] Lire la suite
FRANCE (Le territoire et les hommes) - Géologie
L'Europe centrale et occidentale contraste avec la plupart des autres masses continentales par le compartimentage de son relief et du tracé de son littoral, compartimentage qui traduit celui de sa structure géologique et explique sans doute certains aspects de son développement historique. On peut cependant, malgré les irrégularités de leurs tracés, distinguer de grandes zones, correspondant aux p […] Lire la suite
FRANCE (Le territoire et les hommes) - Données naturelles
544 435 kilomètres carrés, 65,7 millions d'habitants (2013), telles sont les données majeures de l'espace français, ce qui le classe au 42e rang pour la superficie et au 21e rang pour la population, parmi les États du monde.Dix-neuf fois plus petit que celui des États-Unis, trente-deux fois plus petit que celui de la Russie, le territoire métropolitain […] Lire la suite
FRANCE (Le territoire et les hommes) - Un siècle de politique économique
« La France est hantée par l'idée de déclin. » La formule de Christian Stoffaës résume de façon percutante l'histoire économique française depuis le début du xxe siècle, ou plutôt la manière dont les Français ont vécu cette histoire.L'idée qu'il existe un « retard français » est, en effet, une constante sur le long terme. Les comparaisons qui sont éta […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - Naissance d'une nation
Si la Gaule romaine peut apparaître avec le recul des siècles comme une ancêtre de la France, les territoires qui devaient constituer celle-ci ne formèrent que lentement, au cours du Moyen Âge, la préfiguration de son entité nationale. Divisée au lendemain des grandes invasions du v […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - L'État monarchique
Liberté, égalité, ces deux principes constituent, en 1789, les fondements de l'ordre nouveau, mais plus encore la négation radicale de l'ancien droit français, en ce qui concerne tant la conception de l'État que celle des droits individuels. L'explosion individualiste de la Révolution française a gagné toute l'Europe, tandis qu'elle a profondéme […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - Le temps des révolutions
Dès le début de l'année 1789, alors que se préparait la réunion des États généraux voulue par le roi Louis XVI, on parlait, en France, d'« Ancien Régime ». Les événements ultérieurs donnèrent à l'expression une dimension radicale qu'elle n'avait pas nécessairement dans son principe. Il n'empêche que la période qui s'ouvre en 1789 fut bien d'abord marq […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - La France d'aujourd'hui
La France libérée en 1945 est un pays en ruine, usé par une décennie de crise économique puis cinq années d'occupation. Or, durant la seconde moitié du xxe siècle, elle va connaître une spectaculaire mutation de ses structures économiques, sociales, politiques, culturelles, entraînant des transformations de l'existence quotidienne des Français comme l […] Lire la suite
FRANCE (Histoire et institutions) - Le droit français
Qu'est ce que le droit français ? Si les enseignants spécialisés dans une branche particulière de ce droit n'éprouvent pas le besoin de répondre à une telle question, une présentation générale de cet « objet scientifique » nécessite quelques préalables méthodologiques. Les juristes positivistes considèrent qu'à chaque État correspond – et même s'identifie – un […] Lire la suite
FRANCE (Arts et culture) - La langue française
Pour rendre compte de l'évolution d'une langue, le linguiste distingue traditionnellement deux sortes de facteurs : des facteurs internes, c'est-à-dire des mécanismes de changements proprement linguistiques, dus aux modifications et au réaménagement des systèmes, et des facteurs externes, à savoir les modifications de la société, des techniques, etc., ainsi que les événements historiques. Ces caus […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Yves DURAND, « FRANCE (Histoire et institutions) - Formation territoriale », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/france-histoire-et-institutions-formation-territoriale/