Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FRANC FRANÇAIS

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Du franc à l'euro

Les attaques contre le franc (1992-1993)

Dans les pays du S.M.E, la stabilité qui s'installe est cependant illusoire. En effet, pour un pays donné, l'appartenance à un régime de changes fixes avec une libre circulation des capitaux conduit à la perte de l'autonomie de sa politique monétaire (sauf s'il s'agit du pays – l'Allemagne, en l'occurrence, leader de la zone où prévaut l'accord de change). C'est le triangle d'incompatibilité mis en évidence par le modèle canonique de Mundell et Fleming qui analyse l'ajustement macro-monétaire en économie ouverte internationalement. La France se trouve, à partir de 1990, dans cette configuration contraignante puisqu'elle est placée à la fois sous l'influence des marchés financiers et de la politique monétaire allemande.

Or l'Allemagne procède à un choix très particulier pour instaurer l'Union économique, monétaire et sociale interallemande le 1er juillet 1990 et l'intégration politique le 3 octobre suivant. Pour intégrer les länder orientaux, qui relèvent de l'économie planifiée et dirigée, la République fédérale fixe un taux de conversion moyen surévalué de l'ostmark par rapport au deutsche Mark de 1,8 pour 1, ainsi qu'une convergence accélérée des salaires de l'Est vers ceux de l'Ouest, afin d'éviter des migrations de population. Les transferts de revenu massifs qui en découlent creusent le déficit budgétaire ; les impôts ne sont pas augmentés et des taux d'intérêt élevés sont maintenus pour faciliter le placement des emprunts à l'étranger. De même, le deutsche Mark n'est pas réévalué et la France, comme d'autres pays du M.C.E, doit s'accommoder de taux d'intérêt réels au moins aussi élevés qu'en Allemagne, alors même que l'inflation y est sensiblement inférieure. À ce moment, en 1993, la France connaît la plus grave récession depuis la guerre et une crise majeure du secteur bancaire qui s'est imprudemment exposé aux risques sur le marché immobilier commercial et dans des participations industrielles aventureuses. Une vingtaine de grandes banques publiques, dont le Crédit lyonnais, ne parviennent pas à faire face aux nouvelles normes européennes renforcées de solvabilité et reçoivent des aides massives de l'État pour éviter la faillite.

Le maintien d'un taux de change fixe franc-deutsche Mark crée de fortes tensions déflationnistes qui ne sont pas sans rappeler celles de 1934-1935 et attirent contre la politique du franc fort de violentes critiques. De fait, la France reste à des niveaux de chômage supérieurs à 12 p. 100, avec une croissance faible jusqu'en 1997, quand ses indicateurs monétaires demeurent tout empreints d'orthodoxie.

Dans ce contexte, les marchés jugent que le M.C.E n'est plus crédible sans réajustement monétaire. Comme les corrections des taux de change surévalués ne se produisent pas, les opérateurs anticipent à l'automne de 1992 une crise généralisée. Ils en accélèrent le déclenchement en augmentant leur endettement dans les monnaies candidates à une réévaluation et en vendant les monnaies affaiblies en vue de réaliser des gains en capital. Aucune banque centrale n'acceptant de porter les taux d'intérêt à un niveau qui dissuaderait la spéculation, une crise majeure éclate sur le marché des changes en septembre 1992.

Alors que la lire et la livre sterling suspendent leur participation au M.C.E pour flotter, cinq réajustements de parité vont se succéder en l'espace d'un an et certains pays rétablissent temporairement un contrôle des mouvements de capitaux. Le franc est réévalué de 3,5 p. 100 le 13 septembre 1992 et subit ensuite des attaques spéculatives. Le 2 août 1993, face à un nouvel assaut, la Banque de France réagit avec une fermeté qu'on[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113

Classification

Pour citer cet article

Dominique LACOUE-LABARTHE. FRANC FRANÇAIS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Masse monétaire de 1814 à 1913 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Masse monétaire de 1814 à 1913

Masse monétaire de 1913 à 1944 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Masse monétaire de 1913 à 1944

Prix et change dans l'entre-deux-guerres - crédits : Encyclopædia Universalis France

Prix et change dans l'entre-deux-guerres

Autres références

  • MONNAIE MÉTALLIQUE EN FRANCE - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 387 mots

    310 Le premier solidus (sou), pièce d'or, est frappé à Trèves et s'impose en Occident pour près d'un demi-millénaire.

    864 Édit de Pîtres. Pour contrôler la frappe, Charles le Chauve limite à dix le nombre d'ateliers monétaires.

    1018 La Catalogne, ancienne province...

  • BILLON

    • Écrit par
    • 702 mots

    Terme qui désigne les monnaies de métal vil, ou de métal précieux dont le titre est très fortement altéré. Les monnaies de billon ne doivent leur pouvoir libératoire qu'à la confiance du public et leur valeur intrinsèque est toujours très inférieure à leur valeur nominale. Le terme est le plus...

  • BIMÉTALLISME

    • Écrit par
    • 442 mots

    Système monétaire qui combine deux étalons, or et argent. La loi du 7 germinal an XI (28 mars 1803), qui instituait en France un système bimétalliste, fixa les trois conditions nécessaires à un tel système : un rapport légal fixe entre les deux métaux, l'or ayant une valeur 15,5 fois supérieure...

  • CHANGE - L'intégration monétaire européenne

    • Écrit par
    • 14 365 mots
    • 6 médias
    Les remous monétaires qui avaient été observés en 1968 se poursuivent, obligeant les autorités françaises à dévaluer le franc de 11,1 p. 100 le 8 août et à renforcer les contrôles de mouvements de capitaux. Quelques semaines plus tard (le 24 octobre), le deutsche Mark est réévalué de 9,3 p. 100. Au...
  • CHANGES CONTRÔLE DES

    • Écrit par
    • 735 mots

    Mesures prises par un gouvernement pour réglementer l'achat et la vente de monnaies étrangères par ses ressortissants. C'est à la suite des grands déséquilibres économiques et financiers provoqués par la Première Guerre mondiale que de nombreux États ont été amenés à limiter, voire à supprimer,...

  • Afficher les 18 références