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FONCTION PUBLIQUE

Les fonctionnaires dans la société française

La refonte du statut général des fonctionnaires, opérée par les lois du 13 juillet 1983, du 11 janvier 1984 et du 26 janvier 1984, qui constituent les titres I, II et III du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, a mis en lumière un certain nombre de paradoxes dont le moindre n'est pas la difficulté de cerner l'image des fonctionnaires français. Aujourd'hui, les agents publics ne constituent plus, comme au xixe siècle, une faible minorité dans le pays. En 1850, le nombre d'agents au service de l'État et des collectivités locales s'élevait approximativement à 250 000 (chiffre auquel il convenait d'ajouter 42 000 ministres du culte), soit 1,5 p. 100 de la population active. À la fin du xixe siècle, ils étaient au nombre de 500 000. En 1984, en ajoutant aux 2 700 000 agents de l'État les 1 200 000 fonctionnaires locaux et les quelque 1 100 000 salariés des entreprises publiques et de la Sécurité sociale, on arrive à un total de 5 millions de personnes employées dans le secteur public, soit un cinquième de la population active ou le quart des salariés.

Généralement perçus comme une catégorie bien déterminée de travailleurs, soumis par leur employeur, l'État, à des obligations particulières assorties de garanties spécifiques, constituant, selon certains, une véritable strate sociale dont les comportements résultent de l'appartenance à un milieu commun et de solidarités naturelles, les fonctionnaires représentent, en fait, un groupe hétérogène et diversifié.

Une image sociale contrastée

Les fonctionnaires se sentent accusés, ils se disent « mal aimés » et s'estiment trop peu nombreux pour accomplir de manière satisfaisante les tâches d'intérêt général dont ils ont la charge.

Les réactions de l'opinion publique sont curieusement contradictoires. Dans l'ensemble, les Français dénoncent la pléthore de fonctionnaires mais protestent contre l'insuffisance des agents qui assurent le fonctionnement des principaux services publics. En outre, ceux qui critiquent le plus les fonctionnaires sont ceux qui regrettent le plus de ne pas appartenir à la fonction publique et qui en envient les avantages. En fait, pour les Français, la fonction publique évoque une double image : la stabilité de l' emploi que jalousent, tout en la dénonçant, ceux qui n'en bénéficient pas, la multitude d'agents publics que mettent en avant ceux qui déplorent l'improductivité de l'Administration.

À une époque marquée par le chômage, et où la sécurité apparaît comme une valeur suprême, la fonction publique semble être un îlot protégé, dans la mesure où la titularisation prémunit le fonctionnaire contre l'arbitraire patronal et contre tout risque de perte d'emploi, sauf cas exceptionnel de procédure disciplinaire. En entrant au service de la collectivité nationale, le fonctionnaire souscrirait en quelque sorte une assurance sécurité d'emploi. Ce sont sans doute les tensions du marché de l'emploi qui expliquent l'engouement qu'éprouvent, depuis plusieurs années, les jeunes Français à l'égard de la fonction publique. L'Administration a subi, entre les années 1955 et 1965, une grave crise de recrutement, dont le paroxysme se situe entre 1958 et 1961, lorsqu'elle s'est trouvée en concurrence avec un secteur privé en pleine expansion. Les salaires offerts, le dynamisme commercial des entreprises ont exercé un attrait certain sur les jeunes gens des classes creuses de l'immédiat avant-guerre ou de la guerre, qui arrivaient sur le marché du travail. Il n'était pas rare, à cette époque, que le nombre des candidats aux concours externes de catégorie A (corps recrutés au niveau de l'Université) et B (corps recrutés au niveau du baccalauréat) fût inférieur à celui[...]

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Pour citer cet article

Jean-Louis de CORAIL, François GAZIER et Jean-Claude MAITROT. FONCTION PUBLIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • CGT-FO (Confédération générale du travail-Force ouvrière)

    • Écrit par et
    • 1 828 mots
    • 1 média
    ...privé, Force ouvrière n'y intervient pas moins en signant des accords de salaires, ou en participant à la politique de productivité, comme dans le textile. Néanmoins, dans les années cinquante, son influence s'exerce de manière prépondérante dans la fonction publique où les liens avec la franc-maçonnerie...
  • CHINE - Droit

    • Écrit par
    • 10 329 mots
    • 1 média
    L'autre développement du droit administratif a été la mise en place en 1993 d'une fonction publique recrutée sur concours. Mais là aussi, d'importantes limites entravent cette réforme. Les « fonctionnaires occupant des postes de direction » demeurent sélectionnés par d'autres procédures, en clair le...
  • CHINOISE (CIVILISATION) - Bureaucratie, gouvernement, économie

    • Écrit par
    • 10 991 mots
    ...l'attention sur ce manque de vertu et, à la limite, d'en tirer les conséquences. Cette autonomie est d'ailleurs indispensable pour qu'existe un authentique fonctionnariat « professionnalisé », dévoué au service public plutôt qu'à une personne en particulier, et dont les carrières ne soient pas soumises aux...
  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Mitterrand (1981-1995)

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    • 7 342 mots
    • 7 médias
    ...mais on ne revient pas sur les privatisations opérées sous la première cohabitation. Le gouvernement socialiste maintient la rigueur salariale dans la fonction publique, ce qui entraîne des mouvements de grève qui touchent successivement à l'automne plusieurs secteurs. En octobre 1988, le mouvement des...
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