Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FMI (Fonds monétaire international)

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par et

Le lent aggiornamento du Fonds

Des années 1980 au début des années 2000

Au milieu des années 1980, Julius Nyerere, alors président de la République unie de Tanzanie, interpellait les créanciers de son pays avec cette question : « Faut-il vraiment que nous laissions nos enfants mourir de faim pour payer nos dettes ? » Elle claquera comme un coup de tonnerre pour le Fonds, critiqué pour sa gestion de la dette extérieure des pays du Tiers Monde.

La situation avait radicalement changé par rapport aux années 1970 où les pays en développement bénéficiaient d'entrées massives de capitaux et d'un accroissement régulier des prix de leurs produits de base. Tout bascule en 1982, quand la politique monétaire restrictive menée aux États-Unis conduit à une hausse massive des taux d’intérêt américains, et par conséquent mondiaux, alors que l'économie mondiale connaît une grave récession et que les cours des matières premières chutent. L'endettement public des pays les plus pauvres et les plus endettés s'aggrave alors.

En proposant des programmes de réformes économiques radicaux, auxquels est conditionné le versement de l’aide financière (système dit de la « conditionnalité »), le Fonds s’expose à de nombreuses critiques de la part de gouvernements et des opinions publiques. Les ajustements qu’il promeut et met en œuvre sont perçus comme trop libéraux, appliqués indépendamment des spécificités des économies, et ayant des conséquences sociales très rudes. L’orthodoxie économique ainsi demandée par le Fonds – et par la Banque mondiale – coïncide si nettement, au tournant des années 1990, avec la fin du système soviétique et la confirmation de la toute-puissance des États-Unis, qu’elle est rebaptisée « consensus de Washington ».

Au fil des crises, démarrées en 1982 avec le Mexique, puis qui ont touché l’Asie du Sud-Est (1997), la Russie (1998), la Turquie et l’Argentine (2001), le Fonds a évolué et infléchi ses politiques d'ajustement. Sous l'aiguillon de sévères critiques, qui provoquent un profond malaise interne, le Fonds en viendra à remettre en cause une partie de sa doctrine et à s'intéresser davantage aux conséquences sociales de ses interventions.

La gestion de la crise asiatique de 1997 a été le véritable tournant de cette prise de conscience. Pour la Thaïlande, par exemple, le Fonds met en place des crédits internationaux, mais en échange d'une hausse d'impôts et de la fermeture de nombreux établissements financiers en faillite technique. L'Indonésie bénéficie également d'un plan de sauvetage, laborieusement mis en place, moyennant un programme complet de réformes structurelles très impopulaires, parmi lesquelles l'arrêt de subventions (essence, riz, soja), le démantèlement des monopoles et la restructuration du système bancaire, alors que les intérêts financiers de quelques privilégiés disposant de bonnes relations politiques restaient préservés. De plus, les critiques contre le Fonds ont été alors avivées par le comportement de certains fonctionnaires, qui ont voulu faire de la crise asiatique le bras armé d'une bataille idéologique, en affirmant la supériorité d'un modèle libéral jugé partout efficace sans mesurer les contre-réactions, et notamment la volonté des pays asiatiques d'échapper aux conditionnalités du Fonds. La Malaisie refusera d'ailleurs l'assistance du Fonds et choisira le protectionnisme pour combattre la récession.

Depuis ces événements, le FMI a progressivement avancé sur de multiples fronts : renforcement de la surveillance des facteurs de vulnérabilité, mise en place de garde-fous pour parer aux détournements de fonds, lutte contre la délinquance financière, promotion de la transparence, adoption de mécanismes financiers novateurs qui associent les créanciers privés au financement[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Marie-France BAUD-BABIC et Olivier MARTY. FMI (Fonds monétaire international) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 27/02/2024

Médias

Kristalina Georgieva - crédits : Mast Irham/ Pool/ AFP

Kristalina Georgieva

Dominique Strauss-Kahn - crédits : 
Getty Images News/ Getty Images

Dominique Strauss-Kahn

Autres références

  • ACCORDS DE BRETTON WOODS

    • Écrit par
    • 286 mots
    • 1 média

    Le système monétaire mis en place à Bretton Woods en 1944 répond, pour les Américains, à la volonté d'éviter les crises monétaires, dont on pensait qu'elles avaient entraîné le protectionnisme, le nationalisme, la guerre. Le système se présente comme un retour à l'étalon or qui, avec un système de...

  • ARGENTINE

    • Écrit par , , , , , , et
    • 37 033 mots
    • 18 médias
    C'est l'orthodoxie libérale qui est appliquée après concertation avec les experts duFonds monétaire international (FMI). Cette institution offre sa confiance au pays auquel elle ne cesse d'accorder de nouveaux emprunts, en dépit de la corruption – notamment lors des privatisations –, qui atteint...
  • BANQUE - Économie de la banque

    • Écrit par et
    • 7 908 mots
    • 3 médias
    ...financières, qui ont touché un très grand nombre de pays. C'est ainsi que Carl-Johan Lindgren, Gillian Garcia et Matthew Saal estimaient en 1996 qu'environ les trois quarts (131 sur 181) des pays membres du Fonds monétaire international (F.M.I.) avaient connu des problèmes bancaires sérieux entre 1980 et...
  • BANQUE MONDIALE

    • Écrit par et
    • 3 215 mots
    La Banque compte en 2013 cent quatre-vingt-huit États membres qui ont souscrit à son capital, en fonction de leur importance économique respective. Selon ses statuts, avant d'en être membre, un État doit d'abord adhérer au Fonds monétaire international. Le siège de la Banque est basé à Washington et...
  • Afficher les 61 références