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BUSONI FERRUCCIO (1866-1924)

Doktor Faust

Meurtri par la guerre, Busoni se retrouve à Berlin au sein de la Junge Klassizität (Jeune Classicisme) : refus absolu de « l'illusion romantique », refus aussi des réformes prônées par Schönberg (qui, ironique destin, lui succédera en 1925 à l'Akademie der Künste de Berlin). Témoins, ses trois dernières œuvres symphoniques, le Divertimento op. 52, Tanzwalzer op. 53 et Romanza e scherzoso op. 54 en 1921. Mais le temps de Doktor Faust est venu. Le thème le hante depuis 1892, la partition l'occupe depuis 1916. La mort, qui survient le 27 juillet 1924, ne lui laisse pourtant pas le temps d'en achever la dernière scène, qui sera réalisée par son disciple Philipp Jarnach. L'angoisse qu'a révélée le conflit mondial est ici partout présente. Dans cet immense chef-d'œuvre métaphysique, on retrouve l'empreinte de l'esprit de synthèse qui caractérisait Busoni. L'obstacle à l'intégration de Doktor Faust au répertoire courant des théâtres réside dans sa spécificité tant musicale – le retour conscient à la mélodie, la fréquence et le lyrisme des passages symphoniques et l'intellectualisation même du propos – que dramatique – la construction de l'action par tableaux indépendants et l'utilisation, comme bientôt chez Berg (Wozzeck) et Hindemith (Cardillac), du principe de la forme stricte et absolue. Œuvre en soi, car Doktor Faust n'est ni vraiment un aboutissement ni un point de départ (ce n'est pas la musique de Busoni, mais bien ses écrits qui ont influencé fortement les générations futures), cette œuvre n'est à considérer que par rapport à elle-même, comme pratiquement toute la production d'un des compositeurs les plus puissants d'une époque qui apparaît si fertile en révolutionnaires que s'y montrer classique passe encore aujourd'hui pour une faute impardonnable.

Il reste à souhaiter que cette œuvre soit plus largement connue, et que le grand public ne se borne pas à associer le nom de son auteur à celui du Cantor de Leipzig, en cette célèbre formule Bach-Busoni, qui prétend réduire ce dernier au rang de prolifique auteur de transcriptions encore célèbres.

— Pierre FLINOIS

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Pierre FLINOIS. BUSONI FERRUCCIO (1866-1924) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Ferruccio Busoni - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Ferruccio Busoni

Autres références

  • PIANO

    • Écrit par Daniel MAGNE, Alain PÂRIS
    • 4 344 mots
    • 15 médias
    ...sonores qui permettent une véritable analyse de l'évolution de l'interprétation. Ignaz Paderewski (1860-1941), Eugen d'Albert (1864-1932) et Ferrucio Busoni (1866-1924) font figure d'héritiers privilégiés de Liszt ou de Theodor Leschetitzki : approche passionnée de la musique, d'une sincérité excessive...
  • SZIGETI JOSEPH (1892-1973)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 839 mots
    • 3 médias

    Comme quelques autres, Joseph (József) Szigeti se bat pour imposer au concert le grand répertoire violonistique en ce début de xxe siècle qui, aux puissants chefs-d'œuvre, préfère les romances jolies. Bien plus — et nul autre, sauf peut-être Yehudi Menuhin, ne l'a fait autant que lui...

  • VARÈSE EDGAR (1883-1965)

    • Écrit par Hilda JOLIVET
    • 1 463 mots
    ...alla chercher la vérité où il la soupçonnait de se cacher. Cosmopolite par tempérament, il se sentait chez lui partout. Ainsi, ayant lu le livre de F.  Busoni, Esquisse d'une nouvelle esthétique de la musique, et y trouvant l'expression de ses idées sur la musique et son futur, il décida de s'installer...

Voir aussi