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BUSONI FERRUCCIO (1866-1924)

Le compositeur éclipsé

Mais déjà le pianiste souffre de n'être pas reconnu comme compositeur, et son installation à Vienne à vingt et un ans est marquée par de cuisants échecs quand il tente de faire jouer ses premières œuvres : un requiem, une cantate, un stabat mater et de nombreuses œuvres symphoniques. D'où, très vite, le retour à l'existence harassante des tournées de concerts et des cours. Avec toutefois quelques stations plus ou moins brèves : Leipzig, où il rencontre Delius, Mahler, Grieg ; Helsinki, où il se lie à Sibelius et fait la connaissance de Gerda, sa future épouse suédoise ; Saint-Pétersbourg, où il remporte en 1890 le premier concours Anton Rubinstein (composition) avec sa première sonate pour piano et violon et son Konzertstück op. 31 pour piano et orchestre. Un poste de professeur au conservatoire de Moscou précède celui de professeur au New England Conservatory de Boston. Les trois années passées alors aux États-Unis augmentent encore son renom d'interprète et lui permettent de travailler à diverses compositions, le Poème pour orchestre op. 32, le deuxième quatuor à cordes. Cependant, Busoni reste avant tout un Européen et, malgré Paris qui le tente, il s'installe en 1894 à Berlin, où il demeurera jusqu'en 1914. L'apogée de la période glorieuse qui s'ouvre alors est sans conteste l'invitation formulée par le Grand Duc à diriger en 1900 et 1901 une classe de maîtrise pianistique à Weimar. Le sceptre lisztien est désormais entre les doigts du « premier pianiste » du siècle, premier plus encore par sa générosité naturelle et son absolu désintéressement que par sa maîtrise instrumentale éblouissante. C'est l'époque aussi d'une activité de chef d'orchestre qui n'hésite pas à s'engager pour l'avant-garde : il fonde en 1902 les Orchester-Abende de Berlin, où il créera, pour ne s'arrêter qu'au répertoire français, des œuvres de Ropartz, Ysaye, Debussy, d'Indy, Saint-Saëns, Magnard et Franck. Il participe naturellement aux concerts de musique contemporaine de la Philharmonie de Berlin. Le chef est d'une rare autorité : « sobriété du geste, mépris de l'effet facile et vulgaire, indications rapides, nerveuses et sûres » (Irène Baume).

C'est l'époque aussi où l'enseignant, que l'on considère à l'égal de Schönberg comme l'un des plus brillants et des plus valeureux de son temps, s'avère d'une extraordinaire clairvoyance. Son Esquisse d'une nouvelle esthétique de la musique, terminée en novembre 1906, l'affirme encore à nos yeux : « La technique classique arrivera à épuisement au bout d'une étape dont elle a déjà couvert la plus grande partie. Où va nous mener l'étape suivante ? À mon avis, elle nous conduira aux sonorités abstraites, à une technique sans entrave, à une liberté tonale illimitée. Il faut reprendre tout à zéro en repartant d'une virginité absolue. » Varèse, qui fut comme Weill l'un de ses élèves, rapporte de son côté ces propos de 1908 : « Je suis à peu près convaincu que, dans la nouvelle musique authentique, les machines seront nécessaires, et qu'elles auront un rôle important. Peut-être même que l'industrie aura son rôle à jouer dans la démarche et la métamorphose de l'esthétique. »

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Pour citer cet article

Pierre FLINOIS. BUSONI FERRUCCIO (1866-1924) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Ferruccio Busoni - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Ferruccio Busoni

Autres références

  • PIANO

    • Écrit par Daniel MAGNE, Alain PÂRIS
    • 4 344 mots
    • 15 médias
    ...sonores qui permettent une véritable analyse de l'évolution de l'interprétation. Ignaz Paderewski (1860-1941), Eugen d'Albert (1864-1932) et Ferrucio Busoni (1866-1924) font figure d'héritiers privilégiés de Liszt ou de Theodor Leschetitzki : approche passionnée de la musique, d'une sincérité excessive...
  • SZIGETI JOSEPH (1892-1973)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 839 mots
    • 3 médias

    Comme quelques autres, Joseph (József) Szigeti se bat pour imposer au concert le grand répertoire violonistique en ce début de xxe siècle qui, aux puissants chefs-d'œuvre, préfère les romances jolies. Bien plus — et nul autre, sauf peut-être Yehudi Menuhin, ne l'a fait autant que lui...

  • VARÈSE EDGAR (1883-1965)

    • Écrit par Hilda JOLIVET
    • 1 463 mots
    ...alla chercher la vérité où il la soupçonnait de se cacher. Cosmopolite par tempérament, il se sentait chez lui partout. Ainsi, ayant lu le livre de F.  Busoni, Esquisse d'une nouvelle esthétique de la musique, et y trouvant l'expression de ses idées sur la musique et son futur, il décida de s'installer...

Voir aussi